Ces réseaux d’égalité des chances sont destinés à aider les élèves à faire des choix d’orientation éclairés par la découverte du monde au-delà de l’école.
Adossé à des plateformes numériques d’orientation et de découverte des métiers, concrétisé par des interventions d’étudiants et de professionnels dans les écoles et les quartiers, et bien plus, un filet territorial d’égalité des chances semble prendre forme. Son origine ? Les dispositifs d’ouverture sociale des filières d’excellence initiées dans les années 2000. Son but ? Accompagner la démocratisation des études post-secondaires.
D’où viennent ces réseaux d’égalité des chances ? Comment fonctionnent-ils ? Avec quelles actions ? Peuvent-ils se réunir et composer un « filet » ? Former une immense communauté éducative ?
Comment aider les élèves à s'orienter librement ?
Le processus d’orientation en éducation peut donner lieu à deux approches, selon qu’on l’aborde par l’élève et ses intentions, ou bien par l’institution scolaire. A posteriori, il paraît souvent impossible de départager, dans l’orientation scolaire, les aspirations réelles de l’élève de ce qui lui a été imposé. Mais l’orientation tend toujours vers l’un ou vers l’autre, l’individu ou l’institution, la liberté ou la contrainte, l’orientation « choisie » ou bien « subie ».
Pour parler d’orientation choisie, il ne suffit pas que les vœux d’un élève soient satisfaits. Encore faut-il que ces vœux expriment une intention, une direction que le jeune choisit en toute connaissance de cause. « En toute connaissance de cause», c’est-à-dire en disposant de toutes les informations et les connaissances nécessaires à l’élaboration de vœux d’orientation pleinement conscients.
En Angleterre, par exemple, dans les programmes d’aide à l’orientation, on parle de décision éclairée. L’élève qui prend une décision éclairée « s’oriente », tandis que tous les autres se trouvent, à un certain degré, « orientés » par les institutions. Les décisions ayant toutes pour effet de réduire les possibilités du futur et, en même temps, d’ouvrir l’accès à un champ précis de possibilités concrètes, une décision ne peut être qualifiée d’éclairée qu’à la condition d’intégrer une compréhension de ses conséquences.
Pour s’orienter librement, les élèves devraient comprendre à quoi ils se ferment et à quoi ils s’ouvrent. Or, se projeter dans les conséquences futures de leurs décisions suppose de connaître le monde au delà de l’école. Un objectif que se donnent, justement, les réseaux d’égalité des chances, dans une approche mêlant verticalité institutionnelle et horizontalité territoriale.
Le lent tissage des réseaux d'égalité des chances
Les réseaux d’égalité des chances sont créés et entretenus par une communauté éducative large et diverse. Ce maillage territorial inédit prolonge les efforts entrepris depuis de nombreuses années par les acteurs gravitant autour du programme des « Cordées de la réussite »1
. La création de ce label, en 2008, marquait déjà la reconnaissance des nombreuses initiatives portées par des associations et des institutions d’enseignement supérieur à la suite des toutes premières.
Le concours parallèle de Science Po Paris et le dispositif « Une grande école, pourquoi pas moi ? » (PQPM) de l’Essec ont ouvert la voie. Rapidement, d’autres ont suivi. On parlait alors d’ouverture sociale des filières d’excellence. N’étaient ciblés que les lycéens « méritants » des zones prioritaires, en raison de leurs bons résultats scolaires et de leur potentiel d’excellence. Un ciblage repris, au début des Cordées de la réussite, avant de se trouver élargi, dès 2011, aux élèves ayant moins de potentiel.
Cette évolution marqua le passage d’un objectif d’ouverture sociale des filières d’excellence à un autre de démocratisation des études supérieures. Un changement qui a beaucoup tardé à se concrétiser, en raison du faible budget des Cordées de la réussite, surtout après l’adoption de l’objectif officiel d’une démocratisation de toutes les filières post-secondaires.
Diversifier les institutions exige plus de moyens que ce qui est nécessaire pour y ouvrir une brèche. En 2014, enfin, de nouvelles subventions facilitèrent la création de nouveaux dispositifs, avec de nouvelles approches, parmi lesquelles la familiarisation avec les voies d’études post-secondaires, la découverte des sciences et de la recherche, ainsi que la connaissance des métiers et des entreprises :
— La plupart des universités ont mis en place depuis une dizaine d’années des actions d’aide à l’orientation à destination des lycées : journées portes ouvertes, conférences sur les études supérieures, possibilité de suivre des cours à l’université pour tester des filières, ou encore actions d’intégration sociale pour les nouveaux étudiants, en début d’année, ciblant en particulier ceux dont les parents n’ont pas fait d’études supérieures.
— De nombreuses associations interviennent dans les écoles en réseau d’éducation prioritaire (REP) via des programmes de mentorat avec des étudiants ou des professionnels, des conférences, des stages (Institut Télémaque, Nos quartiers ont des talents...) D’autres, dans le périurbain et le rural (Chemins d’avenir, Des territoires aux grandes écoles...) ou encore, un peu partout en France, via une familiarisation avec la recherche scientifique (Promosciences, Capmaths, les Savanturiers...)
Depuis lors, des moyens supplémentaires ont été alloués et des mesures lancées.
Le programme des « Cités éducatives », par exemple, consiste à réunir dans une communauté éducative unique l’ensemble des acteurs scolaires et périscolaires d’un groupe d’écoles primaires et secondaires. Les Cités éducatives visent à faciliter un pilotage transversal personnalisé et ainsi à s’adapter mieux et plus vite aux besoins.
Si le tutorat de l’enseignement supérieur vers le secondaire se trouve désigné par la formule de « cordée », alors les Cités éducatives, en tant que réseaux ultra-localisés, forment des « points » particulièrement épais. Des points à relier aux cordes ?
Des cordées d'excellence aux passerelles métro-locales
Grâce aux innovations introduites par plusieurs acteurs associatifs, les réseaux d’égalité des chances s’étendent. Ce sont dorénavant de véritables parcours d’orientation parallèles au cursus scolaire qui se mettent en place. Les actions visent à connecter les élèves du secondaire aux opportunités futures de formation et d’emploi aux niveaux local, régional et national. Les opportunités se concentrant dans et autour des métropoles, la connexion peut être « métro-locale» (faire connaître les métropoles aux jeunes périurbains et ruraux) et/ou culturelle (changer les représentations de soi et du monde dans les quartiers prioritaires).
Citons par exemple les programmes qui touchent le plus grand nombre d’élèves :
— Démo Campus de l’AFEV réunit les élèves du primaire et du secondaire avec des étudiants bénévoles et d’autres en service civique dans des actions allant du tutorat individualisé à domicile jusqu’à de véritables séjours d’immersion à l’université, en passant par la création de tiers- lieux dans les universités et dans les quartiers prioritaires, des ateliers Orientation menés dans les écoles secondaires par des étudiants (VER), des colocations de jeunes dans les quartiers populaires (KAPS), ou encore des visites d’entreprises et des sorties culturelles.
— La plateforme et association jobIRL.com (job in real life) développe des conférences et des speed meetings, dans les collèges et les lycées, avec des professionnels de tous les secteurs. Elle permet en outre à des jeunes de tous âges de contacter une personne exerçant le métier sur lequel ils se posent des questions: quatre mille cinq cents professionnels sont déjà inscrits.
— La fusion des associations Passeport Avenir et Fratelli en une nouvelle structure, Article 1, a permis le déploiement rapide d’une série d’activités en direction des élèves et des étudiants : des conférences dans les écoles secondaires, des ateliers sur l’orientation, une plateforme web pour renseigner les jeunes sur l’orientation et les études post-secondaires (Inspire), ou encore des tiers-lieux afin de favoriser le coworking étudiant.
Si l’éducation englobe l’orientation, alors, en effet, tous les membres de la société peuvent être utiles. Il leur suffit de partager leur expérience, de transmettre ce qu’ils ont eux-mêmes compris depuis qu’ils ont quitté les bancs de l’école.
Vers une communauté éducative unique, diversifiée et inclusive
À considérer les inégalités sociales — même à niveau égal — en matière d’orientation, les connaissances acquises au cours de la scolarité obligatoire ne fournissent pas aux élèves les informations dont ils ont besoin pour prendre des décisions éclairées. À moins qu’ils ne se destinent au métier d’enseignant (et encore, ils n’en observent qu’une petite partie), leur scolarité ne les aide pas à se projeter dans leur vie future. Pour les aider à préparer des décisions d’orientation se forme une communauté éducative unique, large, diversifiée et inclusive.
Tout le monde peut aider les élèves à développer leurs aspirations : familles, étudiants, professionnels, universités, grandes écoles, associations, entreprises, collectivités locales, équipements culturels. Les points, les cordes et les passerelles formés par les réseaux d’égalité des chances commencent déjà à se rejoindre. Demain, ils formeront des toiles en archipel. Après-demain, sans doute, un filet territorial d’égalité des chances à même de réduire, enfin, les inégalités sociales en éducation.
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- 1Le programme vise à favoriser l’accès à l’enseigne- ment supérieur de jeunes quel que soit leur milieu socio-culturel, en leur donnant les clés pour s’engager avec succès dans les filières d’excellence.