Engagement

Club de lecture sur l'engagement #4 - Synthèse

La Fonda
Et Agathe Thiebeaux, Hannah Olivetti
Dans le cadre de l’exercice de prospective « Vers une société de l’engagement ? », la Fonda a souhaité ouvrir un espace de réflexions sur l’engagement : un club de lecture ! Il se réunit le premier lundi de chaque mois, pendant une heure (de 18 h à 19 h) pour partager et discuter ensemble de ressources (livres, rapports, enquêtes, interventions, podcasts, films, etc.) abordant le thème de l’engagement. Au programme de cette quatrième rencontre, une recension du livre d'Anne Muxel et d'Adélaïde Zulfikarpasic, « Les Français sur le fil de l'engagement », ainsi que la présentation de l'émission de radio du 8 décembre 2022 « Je pense donc j'agis » de RCF.
Club de lecture sur l'engagement #4 - Synthèse
Club de lecture #4 © Anna Maheu / La Fonda

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LES 5 ENSEIGNEMENTS CLÉS DE CETTE RENCONTRE

  1. L’engagement se traduit par des actions et des valeurs 
  2. L’engagement est une combinaison de dynamiques personnelles, collectives et conjoncturelles
  3. Les formes de l’engagement sont variées et ne se limitent pas à l’engagement bénévole
  4. On s’engage davantage pour la défense d’une cause que pour une organisation
  5. L’engagement bénévole répond simultanément à une quête de sens et à une quête d’épanouissement personnel

Ressource #7 Les Français sur le fil de l'engagement, par Anne Muxel et Adélaïde Zulfikarpasic, Fondation Jean-Jaurès et Éditions de l'Aube, 2022, 157 pages.

Présenté par Hannah Olivetti, chargée de mission Prospective à la Fonda.

Mots clés : #Engagement #Démocratie #Citoyens

ENSEIGNEMENTS CLÉS

Brève présentation des autrices

Anne Muxel est directrice de recherche en sociologie et en science politique au CEVIPOF. Ses travaux portent sur les mutations de la citoyenneté et les formes de participation politique. Elle est administratrice de la Fondation Jean-Jaurès.

Quant à Adélaïde Zulfikarpasic, elle est directrice de BVA Opinion. Elle intervient également en tant qu’en enseignante à Sciences Po et est experte associée à la Fondation Jean-Jaurès.

Que nous apprend cette ressource ?

Les Français éprouvent une défiance à l’égard des institutions politiques et de leurs représentants. La hausse de l’abstention au fil des différentes élections, nationales et locales, l’illustrent. Cette crise de la participation politique est-elle le reflet d’un désengagement plus global des citoyens ?

Cet ouvrage démontre que les citoyens sont toujours actifs, mais sous des formes qui se diversifient. Il s’appuie sur les résultats d’une enquête menée sur le rapport des Français à l’engagement auprès de 3 000 personnes de 18 ans et plus en 2021. Un module complémentaire porte sur les valeurs patriotiques des Français, ainsi que sur leurs engagements de proximité pendant la crise liée au COVID-19.

MISE EN PERSPECTIVE AVEC L’ENGAGEMENT

Qu’est-ce que s’engager pour les Français ?

Après avoir rappelé la dimension polysémique du terme « engagement » (juridique, historique, professionnel, médical, militaire, etc.), les autrices soulignent que l’engagement se caractérise par des actions et des valeurs. Il s’agit d’interactions entre l’individu et le groupe, et plus globalement la société.

Les Français ont majoritairement une perception positive du mot « engagement ». C’est le cas surtout des jeunes, des salariés d’une entreprise publique, des personnes appartenant aux catégories socio-professionnelles dites supérieures, celles fortement intéressées par la politique et celles issues de familles engagées. L’engagement renvoie davantage à une dimension individuelle, comme les valeurs ou bien encore une ligne de conduite, qu’à une approche plus collective (engagement pour une cause, engagement associatif ou humanitaire, etc.).

La majorité des Français interrogés se déclare engagée. Elle pense aussi qu’il est préférable de s’engager, même si l’on n’est pas sûr du résultat que l’on va obtenir. Cela montre que les Français se sentent concernés par les enjeux sociétaux et agissent.

  • 82 % des Français interrogés ont une perception positive du mot « engagement ».
  • 62% se déclarent engagés, même si l’intensité de l’engagement varie.
  • ¾ pensent qu’il est préférable de s’engager, même si l’on n’est pas sûr du résultat que l’on va obtenir.

Qui sont les Français qui s’engagent ?

« L’engagement s’inscrit dans un processus biographique et dans une temporalité sociale, à l’interface de l’expérience individuelle et de l’expérience collective », soulignent les autrices.

Ainsi, le fait de s’engager est le fruit de plusieurs paramètres personnels (âge, milieu social, niveau de diplôme, lieu de vie, héritage familial, la politisation et les convictions religieuses, etc.) et d’autres plus conjoncturels (comme des luttes sociales, la défense des droits).

Pour caractériser le niveau effectif d’engagement des Français (au-delà de leurs perceptions de leur engagement), les autrices ont créé un score global d’engagement. Le score global d’engagement des Français est en moyenne de 57/100, 60/100 pour les jeunes de 18-24 ans.

Comment les Français s’engagent-ils ?

Dans un contexte de défiance à l’égard des rouages démocratiques et du personnel politique, les Français interrogés partagent leur préférence pour des formes directes d’expression et de participation politique. La majorité déclare signer souvent une pétition, faire un don à une association régulièrement et pratiquer le boycott contre une entreprise ou une marque.

Près d’un tiers des Français ont recours aux réseaux sociaux pour partager leurs opinions. Ce phénomène concerne près de la moitié des jeunes. En revanche, peu de Français s’engagent dans des structures d’action collective, comme des associations, un parti politique ou bien encore une réserve citoyenne (police et armée).

54% des Français déclarent signer une pétition souvent ou de temps en temps, contre 57% des 18-24 ans.

52% font un don à une association à la même fréquence.

9% sont membres d’une association.

2% déclarent être membres d’un parti politique. Il en va de même pour la réserve citoyenne.

Les trois moyens d’action jugés les plus efficaces par les Français pour défendre des convictions ou s’engager pour une cause sont :

  • S’engager dans une association pour 71% d’entre eux,
  • Voter aux élections pour 70% d’entre eux,
  • Faire un don à une association pour 64% d’entre eux.

Cinq grands registres d’engagement politique et citoyen sont identifiés : l’engagement électoral, l’engagement protestataire, l’engagement partisan ou syndical, l’engagement pour une cause et enfin l’engagement numérique. Les autrices notent quelques enseignements clés :

  • L’engagement électoral et l’engagement protestataire ne sont pas antinomiques. Les citoyens utilisent ces différentes formes d’engagement qui sont complémentaires. En revanche, ceux qui s’abstiennent systématiquement tendent à se désinvestir des autres modalités d’engagement, sauf de l’engagement numérique.
  • Les individus situés à gauche de l’échiquier politique et ceux qui expriment un intérêt pour la politique sont plus enclins à l’engagement protestataire, tandis que ceux situés à droite sont légèrement plus enclins à l’engagement électoral.
  • Les individus situés à gauche de l’échiquier politique et qui expriment un intérêt pour la politique ont un surcroît d’engagement partisan et syndical, ainsi que de l’engagement pour une cause.
  • Les individus qui s’engagent dans un parti, un syndicat ou une association ont tendance à s’engager aussi dans les autres registres d’engagement.
  • L’engagement numérique est utilisé par la majorité des citoyens, qu’ils votent ou non.

58% des Français ont un profil « engagé ». Ce sont principalement des personnes venant de catégories socioprofessionnelles supérieures. Parmi eux :

  • Dominante protestataire (45%),
  • Dominante conventionnelle (42%),
  • Dominante activiste (13%), composée souvent d’individus à gauche et jeunes.

 42% des Français ont un profil de « désengagé ».  Parmi eux :

  • Les distanciés (68%) par rapport au système politique et social,
  • Les hors-jeu (32%) qui sont exclus du système politique et qui le rejettent.

Concernant le module complémentaire de l’enquête, il en ressort que 65% des Français sont prêts à s’engager pour défendre leur pays en cas de conflit. La moitié est prête à risquer sa vie, principalement des hommes jeunes. Quant à la crise sanitaire, ce fut l’occasion de voir émerger des engagements de proximité variés tels que les applaudissements de 20 heures pour soutenir les personnels soignants, la prise de nouvelles des personnes âgées et du voisinage ou bien encore le fait de rendre des services à ses voisins.

Les autrices concluent l’ouvrage par une note positive. Malgré le contexte actuel complexe -entre autres avec une défiance à l’égard des institutions politiques, une fragmentation sociale ou bien encore la multiplication des crises -, il existe une vitalité démocratique en France. Les Français s’engagent plus que les citoyens d’autres pays.

Toutefois, « les engagements sont plus autonomes, plus volatils, plus dépendants de l’air du temps et des enjeux de l’actualité, tels que le réchauffement climatique, les flux migratoires, le racisme, les droits de l’homme, le genre et bien d’autres causes mettant en avant de façon privilégiée des problématiques identitaires ». Tout ceci montre que l’engagement des citoyens est lié à leurs valeurs et représentations et la manière dont elles résonnent par rapport à une cause à une échelle collective.

Aujourd’hui, l’engagement s’articule entre des formes de participation conventionnelles (les partis politiques, les syndicats, les associations, le vote) et d’autres non-conventionnelles (boycott, manifestations, etc.). En résumé, « l’engagement se construit, se bricole, voire s’improvise ». Les corps intermédiaires, en particulier les associations, ont un rôle dans le développement de l’engagement, concluent-elles.

RÉACTIONS LORS DU CLUB DE LECTURE

Parmi les réactions des participants, on retiendra :

  • Plusieurs ont été étonnés par les chiffres relativement importants en faveur de l’engagement. Cela peut s’expliquer, selon certains, par une approche extensive de ce qu’est l’engagement, avec notamment l’engagement numérique qui est plus répandu.
  • Les évolutions de la société (avec une perception du temps orientée vers l’instantanéité, la recherche de sens au travail, etc.) influent sur la manière de s’engager des Français.
  • L’engagement, et tout particulièrement celui des jeunes, est désormais plus volatil, ponctuel et ne se traduit pas nécessairement dans des organisations collectives.
  • Les associations vont avoir un rôle à jouer. Toutefois, elles vont devoir être à l’écoute des bénévoles qui peuvent facilement se désengager de la structure si elle ne correspond pas à leurs valeurs.

Ressources pour aller plus loin


Ressource #8 « Les ressorts de l'engagement », Je pense donc j'agis, RCF, avec Jean-Baptiste Baudier et Claire Thoury, décembre 2022.

Présenté par Agathe Thiebeaux, chargée de communication de la Fonda.

Mots clés : #Engagement #Bénévolat #Évolution

ENSEIGNEMENTS CLÉS

Brève présentation des invités

« Je pense donc j’agis » est une émission de la radio RCF qui se veut être un plaidoyer pour l’engagement quotidien. Cette émission s’intéresse plus spécifiquement à l’engagement au sein du monde associatif.

Jean-Baptiste Baudier est psychologue de métier. Il est également bénévole chez les Scouts et Guides de France, en tant que responsable de l’équipe nationale « Adulte dans le scoutisme ».

Claire Thoury est la présidente du Mouvement associatif, regroupant près de la moitié des associations de France. Elle est également membre du CESE depuis mai 2021. Sociologue de formation, spécialisée sur les questions de l’engagement, elle a consacré sa thèse en 2017 sur l’engagement des étudiants.

Pourquoi cette ressource ?

Cette ressource nous permet d’approcher les évolutions de l’engagement tout en revenant sur ses définitions, au lendemain de la journée mondiale du bénévolat.

MISE EN PERSPECTIVE AVEC L’ENGAGEMENT

Les raisons de l’engagement

En s’appuyant sur la théorie de l’auto-détermination de Deci et Rayan (1985), des chercheurs en psychologie sociale, Jean-Baptiste Baudier cite les trois ingrédients clés qui poussent à s’engager durablement :

  1. Le sentiment d’autonomie, d’avoir la liberté de peser dans les décisions et les choix de l’association,
  2. Le sentiment de connexion sociale,
  3. Le sentiment de compétence, de progresser chaque jour un peu plus.

Claire Thoury ajoute que l’engagement est l’expression par des mots ou des actes d’une indignation, d’une colère ou d’une envie. Une vision trop normative de l’engagement ne correspond pas à la réalité. Il existe une multitude de raisons et de manière de s’engager. En observant les parcours des bénévoles, on remarque une articulation subtile entre quête de sens et quête d’épanouissement.

Claire Thoury en distingue trois grandes phases de la transformation de l’engagement :

  1. Après la seconde Guerre Mondiale, le triomphe de l’engagement militant ;
  2. Au début des années 1970, avec le tournant de l’individu, connaissant son apogée à la chute du mur de Berlin et avec la fin des grandes idéologies ;
  3. Actuellement, avec l’engagement des très jeunes pour des grandes causes (transition écologique, égalité femme-homme, accueil des réfugiés, etc.).

Les deux invités de l’émission insistent ensuite sur le fait que les lieux d’engagement bénévole comme les associations diffèrent du cadre classique (scolaire, académique, familial ou professionnel). S’engager dans une association qui répond à notre indignation en défendant certaines valeurs que nous incarnons permet de trouver du sens et de sortir de ces cadres souvent inadaptés. Le bénévolat permet l’apprentissage par l’expérience et véhicule une conception de la réussite différente, renforçant la confiance en soi.

Il n’y a pas de mauvais d’engagement, de mauvaises raisons ou de mauvaise structure. Il faut s’émanciper de ce type de discours trop normatif. Claire Thoury a défini dans sa thèse 6 types d’engagement, dont « l’engagement pansement ». Certains s’engagent comme moyen d’évitement de leur vie personnelle ou professionnelle (traumatisme par exemple). Tous les engagements sont précieux. Cependant, Jean-Baptiste Baudier souligne que l’engagement soumis à certaines pressions externes, comme celle des parents obligeant leurs enfants à rejoindre les Scouts, ne permet pas de nourrir l’individu.

Dans sa thèse, Claire Thoury a défini six types d'engagements étudiants :

  1. L'engagement pansement
  2. L'engagement de cause
  3. L'engagement « charité chrétienne »
  4. L'engagement à vocation professionnalisante
  5. L'engagement en réponse aux « épreuves identitaires » : liens amicaux et éducation non formelle
  6. L'engagement sacrificiel 

Un bénévolat plus jeune

La question de l’absence de rémunération est abordée avec le témoignage d’une auditrice. Les deux invités ont des visions différentes du fait de leurs parcours. Claire Thoury insiste pour ne pas opposer salariés et bénévoles, chacun ayant un rôle à jouer. Toutefois, elle met l’accent sur les inégalités présentes au sein du monde de l’engagement, qui n’est pas accessible à tous. En effet il faut du temps et des moyens pour être bénévole.

La majorité du bénévolat de gouvernance est assuré par des retraités. Or, depuis la crise liée au COVID-19, ils souhaitent davantage profiter de leur temps libre et passer la main aux autres générations. Mais la tendance à l’augmentation du bénévolat chez les jeunes se dirige plus dans celui d’actions/ de projets que dans celui de gouvernance.

Une évolution notable dans les formes d’engagement repose sur la désaffection des structures au profit de la cause. Avant (dans les années 1970), on sacrifiait son individualité pour un collectif défendant une cause. Aujourd’hui, les bénévoles préfèrent changer de structure que de se plier à tout.

L’engagement favorise le lien social

Jean-Baptiste Baudier souligne que l’attribution de rôles est essentielle au bon fonctionnement associatif. Par exemple, au sein de son association, des lettres de missions sont données à chaque nouveau bénévole, définissant ses missions et le temps qui lui sera demandé. Prendre soin de ses bénévoles passe donc par leur écoute et par la considération de leurs besoins et de leurs attentes. La structure doit s’adapter à eux.

L’engagement associatif permet de construire un lien social, et de répondre à certaines situations d’isolement. Le monde associatif est à la fois la force du premier et du dernier kilomètre (l’organisation d’individus venant du terrain, faisant émerger des propositions directement des intéressés et l’organisation associative sur certains territoires délaissés comme dernier recours).

L’articulation du monde associatif avec l’État et les pouvoirs publics

L’action associative doit être complémentaire avec celle de l’État. La plupart du temps, les associations font différemment de ce qui aurait pu être fait par l’État, et font émerger des innovations, comme par exemple le service civique. Toutefois, il ne faut pas qu’elles soient seules à intervenir, l’État social doit se montrer plus fort que ce qu’il est actuellement selon Claire Thoury.

RÉACTIONS LORS DU CLUB DE LECTURE

Les participants soulignent plusieurs aspects :

  • L’engagement en tant que bénévole peut être une manière de sortir progressivement du champ professionnel dans lequel la personne est confinée.
  • La forme associative, bien que décriée par certains, demeure la norme. Il existe in fine peu d’alternatives, malgré des adaptations à la marge comme la mise en place d’une co-présidence par exemple.
  • La paupérisation du statut de retraité, notamment dans un contexte inflationniste, pourrait se manifester par un glissement du bénévolat des retraités à celui de salarié à temps partiel pour compléter ses fins de mois. Cela serait ainsi une mutation de l’engagement.

Ressources pour aller plus loin

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Merci à l’ensemble des participants : Nelly Allard, Stéphanie Andrieux, Patricia Auroy, Alexandra Blanchin, Pauline Bourgois, Fiammetta Cascioli, Philippe Chabasse, Henri Fraisse, Jean-Pierre Jaslin, Yves Le Bars, Agathe Leblais, Marie-Paule Lentin, Marc Lévy, Anna Maheu, Marie-Claire Mange, Pauline Marquevielle, Michel Nung, Agathe Thiebeaux.

Ce compte-rendu a été rédigé par Hannah Olivetti, relu par Yannick Blanc pour la Fonda et mis en page par Agathe Thiebeaux. Il est mis à disposition sous la Licence Creative Commons CC BY-NC-SA 3,0 FR.

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