Engagement

Club de lecture sur l'engagement #2 - Synthèse

La Fonda
Et Valérie Lourdel, Hannah Olivetti
Dans le cadre de l’exercice de prospective « Vers une société de l’engagement ? », la Fonda a ouvert un espace de réflexions sur l’engagement : un club de lecture ! Il se réunit en ligne le premier lundi de chaque mois, pendant une heure de 18 h à 19 h pour partager et discuter ensemble de ressources (livres, rapports, enquêtes, interventions, podcasts, films, etc.) abordant le thème de l’engagement. Au programme de cette deuxième rencontre : une fiche de lecture sur « L’engagement politico-climatique des jeunes : une sphère de socialisation et de personnalisation en période de crise » écrit par de Elorri Corbin, Yoan Mieyaa, Marie Huet-Gueye et Ania Beaumatin, ainsi qu'une recension du working paper « Les attentes des jeunes vis-à-vis du travail après la pandémie » de Marie Baléo et Suzy Canivenc.
Club de lecture sur l'engagement #2 - Synthèse
Visuel club de lecture #2 © Agathe Thiebeaux / La Fonda

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LES 5 ENSEIGNEMENTS CLÉS DE CETTE RENCONTRE

  1. La quête de sens dans le travail pour les jeunes
  2. Les entreprises connaissent des difficultés à recruter
  3. Les attentes croissantes des jeunes diplômés en matière d’emploi
  4. La nécessité pour les entreprises de passer des annonces à des actions concrètes
  5. Le besoin d’un équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle pour les jeunes

Ressource #3 « L’engagement politico-climatique des jeunes : une sphère de socialisation et de personnalisation en période de crise », de  Elorri Corbin, Yoan Mieyaa, Marie Huet-Gueye et Ania Beaumatin, Tréma n°56, 2022.

Fiche de lecture par Hannah Olivetti, chargée de mission Prospective de la Fonda.

Mots clés : #Engagement #éco-citoyenneté

ENSEIGNEMENTS CLÉS

Brève présentation de l’auteur

Spécialisés en psychologie du développement, les auteurs appartiennent au Laboratoire de Psychologie de la Socialisation — Développement et Travail de l’Université de Toulouse.

Que nous apprend cette ressource ?

La crise climatique est un sujet de préoccupation pour des jeunes. D’ailleurs, 54 % des jeunes aspirent à participer à une association de protection de l’environnement, ce qui bat en brèche l’idée reçue selon laquelle les jeunes seraient désintéressés des enjeux contemporains. 

Le sujet les mobilise autant car les jeunes ont conscience que la crise climatique les affecte dès à présent. La sécheresse et les feux de forêt de l’été 2022 en sont un exemple. Ils se sentent responsables par rapport au monde de demain.

Cet article met en lumière les raisons ayant incité les jeunes à s’engager, ce qu’ils en tirent, ainsi que la diversité des formes de leur engagement. Pour ce faire, les chercheurs ont mené une étude exploratoire auprès d’un nombre réduit de participants, trois personnes du collectif Youth for Climate de Toulouse, menant des entretiens biographiques pour recueillir les propos relatifs à leur parcours d’engagement ». 

Ces entretiens s’appuient sur une grille préétablie de questions ouvertes qui permettent aux participants d’identifier « les périodes de transitions, de changements, de remaniements au cours de leur engagement politique et climatique ». 

Les chercheurs ont ensuite catégorisé ces propos selon trois dimensions : symbolique, comportementale et affective. Ils ont rédigé trois portraits individuels pour décrire le sens que chacun porte à son engagement. Puis, ils ont analysé les fonctions psychologiques et sociales de cet engagement pour les jeunes. 

MISE EN PERSPECTIVE AVEC L’ENGAGEMENT

Les chercheurs définissent avant toute chose l’engagement politico-climatique. Il s’agit « de la prise de décision, de l’orientation des comportements et des conduites — de manière plus ou moins prégnante et intensive — en faveur du climat et de la justice sociale ». Les jeunes se sentent tout particulièrement concernés par la crise climatique qui aura des répercussions importantes sur leurs avenirs, et plus globalement pour le reste du monde. 

Les jeunes qui s’engagent sur les sujets environnementaux le font grâce à une sensibilisation mise en place lors de leur jeunesse, que ce soit dans le cadre familial ou scolaire. L’engagement d’un jeune, en l’occurrence Greta Thunberg en 2018 avec les school strike for climate (les grèves pour le climat), peut aussi avoir un rôle de déclencheur et de prise de conscience sur leur capacité d’action. Les jeunes engagés dans des collectifs, comme Youth for Climate, veulent « un changement radical de société » pour faire face aux effets de la crise climatique. 

L’engagement politico-climatique des jeunes se traduit par des actions concrètes avec des objectifs précis et plus atteignables. Elles se matérialisent par des pratiques militantes, telles que des manifestations, le vote, des missions de sensibilisation, et d’autres, quotidiennes, comme les modes de consommation, l’adoption des écogestes. 

L’engagement de ces jeunes est profondément formateur. Il leur permet d’expérimenter, de s’affirmer et de se réaliser par l’action. Mais ce n’est pas tout, cet engagement leur offre la possibilité de s’insérer dans un collectif où ils se sentent compris et où ils peuvent grandir ensemble. Ce militantisme constitue une opportunité pour se nourrir intellectuellement. Ainsi, il n’est pas rare qu’ils prennent conscience de nouveaux enjeux, tels que les discriminations, le sexisme ou bien encore le racisme.

Ressources pour aller plus loin


Ressource #4 Les attentes des jeunes vis-à-vis du travail après la pandémie, de Marie Baléo et Suzy Canivenc (Chaire Futurs de l’industrie et du travail, Mines Paris Tech), mars 2022, 12 pages.

Présentation faite par Valérie Lourdel, administratrice de la Fonda.

Mots clés : #Engagement #EmploiESS

ENSEIGNEMENTS CLÉS

Brève présentation des autrices

Après plusieurs expériences en tant que responsable éditoriale au sein de think tanks, Marie Baléo a créé l’agence éditoriale Manifeste. Elle accompagne des entreprises, institutions et thinks tanks dans la conception et la mise en œuvre de leurs projets éditoriaux.

Suzy Canivenc, est quant à elle chercheure associée à la chaire Futurs de l’industrie et du travail. Ses travaux portent sur les innovations socio-organisationnelles en entreprise.

Que nous apprend cette ressource ?

Ce working paper est une synthèse mobilisant de nombreuses données d’enquêtes. Il permet de dépasser les sujets médiatisés comme le big quit ou le quiet quitting, tout en mettant en perspective la question du sens au travail, un terme-valise qui manque parfois de clarté.

Cet article remet aussi en avant, et c’est nécessaire, le fait que la jeunesse est plurielle, dans ses aspirations et comportements, comme les autres âges de la vie d’ailleurs.

Il donne aussi la mesure des évolutions à l’œuvre dans les attentes à l’égard de l’emploi et du travail chez les jeunes, mais pas seulement, et offre enfin des pistes de réflexions et actions pour les entreprises et les employeurs.

MISE EN PERSPECTIVE AVEC L’ENGAGEMENT

L’année 2020 a été marquée en France par une aggravation de la situation des jeunes vis-à-vis de l’emploi avec une hausse du taux de chômage des actifs de moins de 25 ans, des difficultés accrues d’insertion des jeunes diplômés et une hausse de la proportion des jeunes parmi les autoentrepreneurs.

La situation s’améliore néanmoins rapidement en 2021, notamment grâce aux mesures de soutien aux contrats d’apprentissage. Fin 2021 le taux de chômage des moins de 25 ans atteint son niveau le plus bas depuis 15 ans en France.

En parallèle, une autre tendance apparaît aux États-Unis à compter d’avril 2021 : the great resignation (ou grande démission). Chaque mois 4 millions d’Américains quittent leur poste, des jeunes, mais pas seulement.

En France, les difficultés de recrutement, qui préexistaient à la pandémie, semblent s’accroître et les ruptures de contrats de travail connaissent au 2e trimestre 2021 une hausse de 14 %. Il est toutefois difficile de dire si le big quit, synonyme de grande démission, la hausse des ruptures de contrat et les difficultés de recrutement relèvent d’un même phénomène.

Parmi les facteurs avancés :

  • le rejet des bullshit jobs que l’anthropologue David Graber avait identifié dès 2018,
  • une accélération des interrogations sur la place du travail dans les vies post-COVID-19 avec une volonté d’un meilleur équilibre vie professionnelle et vie personnelle, des réflexions sur le temps de travail et la semaine de 4 jours ou bien encore les missions qui ont du sens.

En parallèle les jeunes dans certains sondages n’affirment pas pour autant un rejet du travail, bien au contraire ils l’affirment comme une composante essentielle de leur vie.

Ces réalités coexistent, la jeunesse est plurielle, pour exemple, dans leur rapport au travail. En France, les jeunes diplômés des grandes métropoles sont au final plus proches de leurs homologues en Europe que des jeunes ruraux de leur pays.

La crise liée au COVID-19 a constitué un pivot concernant les attentes des jeunes à l’égard de l’emploi. Elle a accéléré des comportements et aspirations qui lui préexistaient. La quête de sens au travail affirmée par la majorité des jeunes avant le COVID-19 se renforce post-crise.

60 % des 18-24 ans seraient prêts à prendre un emploi moins rémunérateur, mais porteur de sens.

Dans l’article, les auteurs identifient les attentes des jeunes sur le contenu du travail. Être utile est le nouvel objectif des plus jeunes, ce qui concerne tout particulièrement les plus diplômés. Ainsi, 78 % des 18-24 ans n’accepteraient pas un travail qui n’a pas de sens pour eux. Ils sont en quête de sens dans des domaines qui leur tiennent à cœur comme l’environnement et la lutte contre les inégalités. Ils souhaitent par ailleurs que leurs missions professionnelles soient en phase avec leurs valeurs.

Ils veulent aussi s’épanouir dans leur travail. D’ailleurs, le « travail passion » est le premier critère de choix d’un poste pour cette classe d’âge. Plusieurs études montrent d’ailleurs que cette quête de sens serait surtout liée au niveau de diplôme des jeunes. Chez les moins de 27 ans, 58 % des bac +5 souhaitent par leur travail contribuer à résoudre les enjeux de société, contre 33 % des bac +2.

Les attentes des jeunes sur les engagements en matière de responsabilité sociétale des entreprises (RSE) sont par ailleurs examinées dans cet article. Ainsi, pour les 18-24 ans, l’entreprise idéale est celle qui s’implique dans les problématiques sociétales, à commencer par l’environnement (29 % des réponses), la lutte contre les discriminations (27 %) et la lutte contre les inégalités entre les femmes et les hommes (25 %). Les jeunes refusent les belles paroles et exigent des actes.

Quant aux attentes des jeunes sur les conditions de travail, les questions liées à la rémunération restent bien présentes, comme avant et comme chez les plus âgés. Les jeunes osent désormais réclamer haut et fort un équilibre vie professionnelle et vie personnelle, ainsi qu’une bonne ambiance de travail.

Sur le plan managérial, les jeunes recherchent avant tout un environnement de travail épanouissant (33 %) et la reconnaissance du travail accompli (31 %). Les valeurs les plus attractives que peut promouvoir une entreprise sont le respect (52 %), l’esprit d’équipe (31 %) et la bienveillance (31 %).

Après les confinements successifs, les jeunes salariés travaillant dans des bureaux et vivant dans les grands centres urbains ont été les plus nombreux à réclamer de revenir au bureau. Pour 64 % des moins de 35 ans, « le bureau est un lieu de travail, mais également un lieu de vie où j’aime passer du temps ». Mais désormais, ils aspirent à un régime hybride et tout particulièrement encore en Île-de-France avec deux ou trois jours en télétravail.

Plus qu’au seul télétravail, les jeunes semblent aspirer à une flexibilité dans les manières de travailler, notamment concernant les horaires et les lieux. Après la pandémie, les jeunes semblent être encore plus attachés qu’auparavant aux occasions d’interactions sociales.

En conclusion, il semblerait qu’il existe une identité générationnelle autour du rapport au travail. Les conséquences n’en sont pas des moindres pour les employeurs. Pour attirer et fidéliser les jeunes, les entreprises devront proposer une expérience employé se traduisant par des actes concrets et prenant en compte la culture d’entreprise, l’expérience managériale et la recherche d’utilité sociale et d’impact positif.

RÉACTIONS LORS DU CLUB DE LECTURE

Suite à la présentation faite par Valérie Lourdel, plusieurs pistes ont été identifiées pour favoriser l’engagement des jeunes dans le monde du travail :

  • Créer un parcours d’intégration des jeunes dans l’entreprise. Cela leur permettrait de comprendre l’entreprise dans sa globalité tout en identifiant sa place dans cette création de valeur collective. Il pourrait être intéressant de proposer un système de cooptation ou de tutorat pour accompagner le jeune dans sa prise de fonctions. Il se sentirait ainsi davantage partie prenante d’une communauté.
  • Reconstruire des communautés au travail. Mises à mal par des années d'individualisation des compétences, celles-ci sont pourtant fondamentales pour créer un environnement de travail épanouissant.
  • Veiller à une gouvernance claire, exemplaire et horizontale au sein de la structure afin de créer un climat de confiance.
  • Proposer une flexibilité dans le management pour permettre aux jeunes de prendre des responsabilités et d’être associés à la prise de décision.

Ressources pour aller plus loin

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Merci à l’ensemble des participants : Nelly Allard, Patricia Auroy, Patrick Boulte, Elsa Chaucesse, Loïc Damey, Henri Fraisse, Catherine Giusti, Jean-Pierre Jaslin, Agathe Leblais, Marc Lévy, Valérie Lourdel, Anna Maheu, Marie-Claire Mange, Khadija Mouhaddab, Isabelle Persoz et Patrice Simounet.

Ce compte-rendu a été rédigé par Hannah Olivetti, relu par Anna Maheu et Valérie Lourdel pour la Fonda. Il est mis à disposition sous la Licence Creative Commons CC BY-NC-SA 3.0 FR.

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