Contribution à la version numérique enrichie de la Tribune Fonda n°241, cet article ne figure pas dans la revue papier.
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Par Cyril Desjeux, sociologue, directeur de l'Observatoire national des aides humaines, Handéo.
En 2017, Handéo avait profité des élections présidentielle et législatives pour chercher à mieux saisir les conditions sociales des pratiques de vote des personnes en situation de handicap - qu’il s’agisse de personnes avec un handicap moteur, sensoriel, neurodéveloppemental, psychique cognitif et/ou mental.
Cette démarche a pris la forme d’une recherche participative, c’est-à-dire d’une recherche collaborative associant à la production de connaissance les personnes concernées : personne en situation de handicap, professionnel du secteur du handicap, pouvoir public, chercheur, etc.
Cette recherche a montré qu’il convenait d’aborder différemment le handicap physique (moteur et/ou sensoriel) des autres formes de handicap, où il y a « altération des capacités décisionnelles » (handicap mental, psychique, cognitif, neurodéveloppemental ou neurodégénérescent). Ces altérations des capacités décisionnelles peuvent être :
- des difficultés de compréhension,
- des difficultés pour choisir,
- des capacités de choix, mais avec des difficultés à passer à l’action ou une appréhension de l’environnement (par exemple : agoraphobie),
- des capacités de choix, mais avec des besoins de préparation pour visualiser l’environnement.
Cette étude a conduit ensuite à la formalisation d’un guide de sensibilisation pour favoriser la participation aux élections des personnes handicapées grâce aux aides humaines, et d’un tutoriel facile à comprendre.
L’enjeu de ces travaux est bien de permettre à tous les citoyens de pouvoir exercer le droit de vote, conformément à la convention relative aux droits des personnes handicapées. Que la personne ait le droit de voter ou non, nous avons voulu montrer que c’était l’affaire de tous. Qu’il ne s’agissait pas uniquement d’agir sur le droit, mais aussi sur les conditions sociales de ce droit : éducation civique - quel que soit l’âge de la personne ou son régime de protection, sensibilisation de l’entourage, accessibilité des programmes, inscription sur les listes électorales, etc.
À travers le guide et le tutoriel, nous démontrons que ce droit peut notamment être facilité grâce à l’aide d’un tiers : aide humaine professionnelle, proche aidant, bénévole, service civique, etc.
L’action d’Handéo à l’approche des élections présidentielles
À l'occasion de la publication du guide Handéo portant sur l’accès au vote et une sensibilisation à la préparation des élections européennes de 2019 notamment par le biais d’une vidéo, Handéo a organisé un café-débat pour parler des enjeux électoraux concernant les personnes en situation de handicap ainsi que les actions des pouvoirs publics dans ce domaine.
L’événement s’est déroulé le 23 octobre de 8h à 11h au Café Signes, avenue Jean Moulin dans le 14e arrondissement de Paris.
Il réunissait une quarantaine de personnes dont des représentants du CIH, de l’UNAFTC, de la mutuelle Intégrance, du CFHE, de l’APF France Handicap, de l’Unafam, de l’Unia (organisme belge réunissant les missions du défenseur des droits et de la CNCDH), de l’AFM-Téléthon, de la Fédération Apajh, de Nous aussi, de l’Unapei, de la Fondation de France, de la CNCDH, du Comité exécutif du Forum européen des personnes handicapées, de la Fnar, de Trisomie 21 France, de l’INS HEA, d’auto-représentants autistes, de personnes avec un handicap moteur, avec une déficience intellectuelle ou avec une déficience visuelle, des proches aidants et des professionnels de l’aide à domicile.
Les recommandations issues de cette consultation, à destination de la France et plus largement de l’Europe, sont les suivantes :
— Reprendre les recommandations de l’avis de la CNCDH du 26 janvier 2017 sur le droit de vote des personnes handicapées.
— Abroger les textes des codes électoraux et des constitutions des pays qui autorisent le retrait du droit de vote aux personnes protégées. Pour la France il s’agit d’abroger l’article L.5 du code électoral.
— Abroger les textes des codes électoraux et des constitutions des pays qui interdisent d’élection des personnes protégées. Pour la France il s’agit de l’article L. 200 du code électoral.
— Former l’ensemble des parties prenantes du système électoral au droit de vote des personnes handicapées, y compris aux spécificités de celles avec un handicap psychique, cognitif, mental ou avec un trouble neurodéveloppemental ou neurodégénératif. Cela passe notamment par une sensibilisation des organisateurs de scrutins et du personnel des bureaux de vote et également une formation initiale en droit et magistrature.
— Favoriser la construction d’une « conscience citoyenne » pour tous :
- en organisant des temps d’éducation civique continue et de sensibilisation pour tous, que la personne soit en âge de voter ou non et quel que soit son régime de protection ;
- en favorisant l’animation autour de la problématique, par l’intermédiaire d’instances de participation comme les GEM, les CVS, les groupes d’expression (appelés GLUPSH dans le cadre de la certification Cap’Handéo SAP), etc. ;
- en prévoyant un élément ou un forfait « citoyenneté » automatique dans le cadre d’une aide à la compensation (l’AEEH, la PCH ou l’APA pour la France) ;
- en permettant le maintien de l’exercice de ce droit y compris pour les personnes vivant en établissement, quelque soit leur âge.
— Renforcer l’accès aux programmes pour toutes les personnes en situation de handicap ainsi que la présentation des résultats.
— Sensibiliser les équipes d’évaluation des besoins des personnes à l’importance d’anticiper le besoin d’aide au déplacement au bureau de vote, dans le cadre de demande d’aides compensatoires (APA/PCH pour la France) que cela soit à domicile ou en établissement.
— Faciliter la procédure de procuration de vote concernant les justificatifs à fournir et l’accessibilité des lieux où cette procuration peut être faite.
— Actualiser l’article 64 du code électoral et la circulaire qui s’y réfère afin d’assurer leur mise en conformité avec la convention relative aux droits des personnes handicapées. Il s’agit notamment de réviser la terminologie « d’infirmité » et de s’assurer que le recours à une tierce personne puisse également concerner des personnes avec un handicap psychique, mental, cognitif et/ou neurodéveloppemental.
— Ne pas entraver le recours à une tierce personne s’il s’avère nécessaire (aides humaines professionnelles, proches aidants, service civique, bénévoles, etc.) pour réaliser une partie ou tous les gestes liés au vote : sensibiliser au droit de vote, expliquer les programmes, vérifier l’inscription sur la liste électorale, présenter la carte d’identité et d’électeur, prendre les bulletins, prendre l’enveloppe, aller dans l’isoloir, mettre le bulletin dans l’enveloppe, mettre l’enveloppe dans l’urne, aider la personne à signer ou signer pour elle, expliquer les résultats, etc.
— Diffuser largement le guide Handéo « Aides humaines : comment favoriser l’accès au vote des personnes handicapées » notamment auprès de l’éducation nationale et des communes.
[Vidéo] Favoriser la participation aux élections des personnes handicapées grâce aux aides humaines :