Le premier d’entre eux est économique et concerne la création et la gouvernance monétaire. L’argent aujourd’hui échappe massivement à tout contrôle citoyen. De cette perte de contrôle démocratique sur la monnaie et l’économie découlent les crises, les dérives de la finance, le trou noir des paradis fiscaux, la corruption…
L’autre grand défi est celui de l’activité humaine et de son organisation : les mutations du travail, l’augmentation du chômage ou les délocalisations, par exemple. En découlent les questions de production, de répartition des richesses produites et donc de l’explosion des inégalités.
Par ailleurs, d’énormes défis sociaux sont face à nous : la gestion de l’explosion démographique mondiale, les migrations, les conflits et les guerres, la sécurité, la santé, l’alimentation. Enfin, le défi environnemental est lui aussi immense : il va falloir trouver rapidement des réponses au changement climatique, à la gestion durable de nos ressources, aux risques immenses du nucléaire.
Au centre de ces enjeux, la politique
Comment s’organiser pour répondre efficacement et durablement à tous ces défis ? Si l'on considère que la manière dont nous sommes organisés aujourd’hui nous mène droit dans le mur, il nous faut absolument changer de mode d’organisation et donc de modèle politique. Deux chemins se présentent à nous :
Nous pouvons aller vers plus d’autorité, l’autorité d’un chef qui décide et qui tranche. Le pouvoir personnifié par un individu qui incarne et représente le reste des citoyens. Cet homme providentiel décide pour l’intérêt général. Il est placé en haut d’une pyramide qu’il dirige. Le système est vertical, basé sur la délégation de nos pouvoirs à un petit nombre de personnes. C’est le rapport de force et la confrontation qui déterminent les choix de société. Le politique arbitre et exerce son pouvoir sur le reste de la population, dont les « sujets » n’ont pas véritablement d’autre fonction politique que de désigner des représentants.
Ce chemin constitue une pente douce vers la surveillance de masse, le fascisme, la dictature. C’est tout sauf le chemin de la démocratie. Les tenants d’une telle ligne autoritaire existent dans tous les partis politiques en France et dans le monde. Dans beaucoup d’endroits, ce sont eux qui sont en position de remporter les élections et d’influer sur la réorganisation du système politique. Leur message se veut rassurant, basé sur la sécurité et le contrôle. Il est en fait populiste, particulièrement inquiétant et nous mène vers un futur bien sombre.
L’alternative à cette voie autoritaire, c’est la voie de l’ouverture. Il s’agit d’aller vers plus de démocratie, c’est-à-dire vers l’équilibre et la répartition des pouvoirs entre les mains de la multitude. Ce chemin est une ligne de crête. Il nécessite une gestion de la complexité pour éviter l’écueil de la foule aveugle et sourde, et réussir le pari de la mobilisation d’une intelligence collective et citoyenne. Nous avons des outils pour aller dans cette direction : le premier, c’est la formation de citoyens autonomes, responsables et capables de comprendre le monde dans lequel ils vivent pour y agir directement. Ce « pouvoir de » (plutôt que le « pouvoir sur ») va de pair avec un système politique basé sur l’implication directe et massive des citoyens en faveur de l’intérêt général.
Ce pouvoir d’agir s’appuie sur des dynamiques collaboratives et pair à pair, permises notamment par le numérique. Les structures politiques y sont horizontales et circulaires. Une culture du débat et de la délibération se développe. Cette voie est moins visible, plus diffuse, moins organisée, moins présente médiatiquement ou politiquement. C’est pourtant celle de la démocratie. Celle qu’il nous faut emprunter pour sortir de l’impasse « par le haut » et réussir une transition démocratique massive. Sous les radars, cette transition se prépare. De nombreux signes avant-coureurs l’annoncent.
Les signes avant-coureurs de la transition démocratique
Une multitude de communautés d’acteurs citoyens émergent et créent des alliances. Les mondes de l’éducation populaire, de la démocratie participative, de l’innovation publique, des technologies civiques (Civictech), de la transformation politique et des alternatives citoyennes se regroupent et apprennent à se connaître. Si nous réussissons à réunir et fédérer nos forces, nous avons le pouvoir de lancer une dynamique citoyenne puissante et transformatrice vers une démocratie ouverte, un mode d’organisation politique basé sur le pouvoir d’agir de chacun d’entre nous en faveur de l’intérêt général. C’est en allant vers plus et mieux de démocratie, c’est à dire en libérant les énergies citoyennes que nous pourrons répondre aux grands défis du XXIe siècle.
Le collectif Démocratie ouverte, Alternatiba, les Colibris, Nuit debout, les Jours heureux, le collectif Pouvoir d’agir, la coordination nationale « Pas sans nous », Bleu-blanc-zèbre et leurs maisons citoyennes, le collectif Pouvoir citoyen en marche, les communautés qui se constituent autour des films Demain et En quête de sens, la 27e Région, l’Institut de la concertation, l’Université du Nous, Engage, l’Institut des futurs souhaitables, Laprimaire.org, la Fonda et tous les autres acteurs de l’éducation populaire et du monde associatif, les mouvements de l’économie sociale et solidaire, celui des communs, de l’économie collaborative, de l’entrepreneuriat social, du développement territorial… toutes ces forces (et bien d’autres encore) constituent les révélateurs et les acteurs de cette transition démocratique qui s’annonce. Sans toujours partager les mêmes idées, ni les mêmes modes d’action, les mêmes stratégies, la même histoire ou la même culture.
Cependant, nous partageons tous cette envie d’aller vers la logique d’ouverture et de pouvoir d’agir des citoyens plutôt que de fermeture, d’autorité et de concentration des pouvoirs. Il s'agit là de nous entendre sur un socle commun de valeurs, de propositions à porter, voire d’actions à mener pour faire pencher la balance du côté de la démocratie, la vraie ; celle qui signifie « pouvoir au peuple » et donc partage de ce pouvoir par la multitude.
Des idées pour une transition démocratique
Alors comment faire concrètement ? Comment accélérer cette transition démocratique ? Voici quelques pistes de réflexion, évoquées pêle-mêle, et qui pourraient contribuer à la construction d’une telle société ouverte.
D’abord sur les questions d’éducation, imaginons un véritable parcours citoyen proposé à l’ensemble des jeunes français, ou même des européens. La finalité de ce parcours serait de pouvoir choisir le jour de sa majorité. Entre 15 et 25 ans, nous aurions dix ans pour décider du moment où nous choisissons « en conscience » de devenir citoyen. Ce jour-là serait un jour très particulier, avec un rite de passage et une cérémonie à la mairie ponctuée par la signature d’un contrat social personnalisé.
Ce contrat social pourrait être préparé en amont, pendant plusieurs mois, avec l’aide d’un tuteur citoyen qui pousserait chaque jeune à se questionner sur le rôle qu’il souhaite jouer dans la société. Avant la signature de ce contrat social à la mairie, chaque jeune devrait avoir consacré au moins une année à une mission d’intérêt général, à travers un service civil dans une structure publique, associative ou de l’économie sociale et solidaire.
Le jour de notre majorité, une carte citoyenne nous serait remise. Non pas seulement une carte d’électeur mais une carte de citoyen actif rattachée à un compte citoyen en ligne, véritable espace d’engagement qui met en valeur nos actions au service de l’intérêt général. Cet espace en ligne comprendrait aussi une place de marché numérique permettant aux citoyens de s’échanger massivement des services qui vont dans le sens du bien commun.
Par exemple, la plate-forme pourrait me proposer de contribuer un week-end sur deux pendant un an à l’isolation des maisons de mon voisinage, avec en échange la promesse que mes voisins viendront isoler aussi mon bâtiment. Nous luttons ensemble contre le réchauffement climatique, nous diminuons notre facture énergétique, nous faisons connaissance, nous nous formons mutuellement.
Ensuite et en se basant sur ce même principe, l’État et les collectivités pourraient nous proposer de payer nos impôts en temps plutôt qu’en argent. Nous pourrions ainsi tous contribuer directement à l’intérêt général, en mettant notre force de travail et nos compétences au service du bien commun, dépassant ainsi la logique de délégation de notre pouvoir d’agir à une administration et des élus professionnels.
Au-delà de ces quelques idées, beaucoup d’autres pistes sont à creuser :
- le financement de la démocratie d’initiative citoyenne au même titre que celui de la démocratie représentative ;
- la création d’incubateurs d’innovations démocratiques et citoyennes dans les grandes métropoles européennes ;
- la construction de lieux ouverts, spécifiquement dédiés à la démocratie dans les villes et les villages : des agoras citoyennes pour débattre et expérimenter une nouvelle politique au quotidien ;
- l’écriture collaborative par des jurys citoyens tirés au sort, de constitutions gigognes (locales, régionales, nationales, continentales et mondiale) qui s’imbriquent les unes dans les autres et dessinent un nouveau schéma de gouvernance du local au global.
Les profonds dysfonctionnements de notre modèle politique nous offrent une formidable opportunité de créativité démocratique. Il nous faut repenser un mode d’organisation des activités humaines qui soit plus efficace et plus juste. Nous sommes nombreux à y travailler. La voie de l’ouverture démocratique est la seule qui puisse nous permettre de relever durablement les défis économiques, sociaux et environnementaux auxquels nous sommes confrontés. Le temps presse. Rejoignez-nous !
Aller plus loin : www.democratieouverte.org