Engagement

Science participative, l’union fait la connaissance

Tribune Fonda N°250 - Écologie et société : nos communs - Juin 2021
Louise Vaisman
Louise Vaisman
Et Bastien Engelbach
Pour protéger l’environnement, il est nécessaire de le connaître et de le comprendre. En ce sens, des travaux de recherche sont menés afin de mieux appréhender son fonctionnement, mais aussi son évolution. Ces recherches, qui demandent notamment de la donnée massifiée et diverse, font de plus en plus l’objet de sciences participatives, en invitant des acteurs « non scientifiques professionnels » à y collaborer activement.
Science participative, l’union fait la connaissance
Ramassage de fossiles en 2017 © Markus Spiske

Merci à Laurent Couzi (LPO), Cecile Le Guen (Open Knowledge Foundation), Isabelle Rouget (Vigie-Terre), Hugo Struna (Vigie-Nature), et Brigitte Zanda (Vigie-Ciel) pour leurs éclairages.
 
Appuyés par la loi du 22 juillet 2013 relative à l’enseignement supérieur et à la recherche qui vise à «favoriser les interactions entre sciences et société» en facilitant «la participation du public à la prospection, à la collecte de données et au progrès de la connaissance scientifique», ces dispositifs sont aujourd’hui précieux pour rassembler de l’information, mais également pour sensibiliser et mobiliser la société civile aux enjeux environnementaux actuels et futurs.

Qu’il s’agisse de suivis de biodiversité (programmes Vigie-Nature ; Faune-France), d’études astronomiques (Vigie-Ciel, Exoplanet Watch…) ou géologiques (Vigie-Terre), de suivis de radioactivité (OpenRadiation) ou encore de santé publique (notamment avec les associations de malades), les objets de sciences participatives sont multiples et s’adressent à des publics qui diffèrent en fonction :

  • des problématiques traitées et de la difficulté du protocole expérimental mis en place ;
  • des objectifs poursuivis qui peuvent aller de l’éclairage des politiques publiques à l’apprentissage et à la montée en compétence des publics, en passant par l’optimisation de l’observation par des relevés en différents lieux et/ou dates permettant une analyse scientifique fine…

Les bénéfices techniques de ces démarches sont relativement connus (gain de temps, mobilisation de compétences diverses, effet de masse…), mais de nombreux bénéfices sociétaux ont également été observés, en particulier l’amélioration des rapports entre sciences et société et l’implication citoyenne des participants1 .

QUEL ACCOMPAGNEMENT ?

Les démarches de science participative, selon leur objet et leurs outils, s’adressent à un public profane ou expert, en partageant le souci d’encourager une montée en compétence des personnes qui y participent. Pour cela, il est indispensable de délivrer des outils, fournir des protocoles et d’accompagner l’observation sur le terrain2 .

Le point de départ d’une démarche de science participative est la proximité des personnes avec ce qui est à observer et leur sensibilisation à l’intérêt scientifique d’un objet.

Le programme Vigie-Ciel permet ainsi de remonter le signalement d’une météorite que l’on a observé dans le ciel. Pour inciter un maximum de personnes à participer, les réseaux sociaux peuvent constituer un premier vecteur de sensibilisation.

En ce sens, les actions menées de longue date par des associations naturalistes telles que la Ligue de protection des oiseaux s’assimilent dans leur fondement même à de la science participative : faire se rassembler des personnes présentant une curiosité ou une passion commune pour leur permettre de noter et partager ce qu’elles observent.

La bascule vers une démarche de science participative va se faire dès lors que des processus clairement définis sont établis, qui cadrent la façon de remonter l’information et la façon dont elle sera traitée ensuite.

Un exemple emblématique en est le programme Wetlands, qui a lieu tous les ans le 15 janvier, pour le recensement des oiseaux d’eau. La LPO anime également d’autres dispositifs tournés vers la biodiversité, avec Faune-France, qui permet chaque jour de faire remonter 50 000 données.

Si ce dispositif s’adresse à un public disposant déjà d’un bagage technique sur ces questions, d’autres se tournent vers un public profane, tel Vigie-Terre, qui offre la possibilité de faire remonter la description d’un site géologique, en étant accompagné pour le faire à chaque étape par des tutoriels.

Dans tous les cas, les dispositifs permettent une montée en compétences progressive des publics, et s’appuient sur des réseaux d’experts constitués, qui jouent un rôle de validation des données et d’accompagnement.

Faune-France dispose ainsi d’un réseau de validateurs qui vont pouvoir signaler des données non conformes. Vigie-Ciel repose sur un réseau de relais, à raison d’environ un par région, chacun disposant d’une valise pédagogique et étant en capacité de former et proposer des animations. En cas de chute d’un objet céleste, les relais peuvent se rendre sur place et sensibiliser la population.

UNE PREMIÈRE DÉMARCHE DE SENSIBILISATION

De nombreuses démarches de sciences participatives ont dans leurs objectifs une dimension pédagogique forte. C’est notamment le cas des observatoires naturalistes regroupés dans le programme Vigie-Nature porté par le Muséum national d’histoire naturelle.

Les participants impliqués sont motivés par la connaissance de la nature, la dimension scientifique ou encore la rencontre de personnes ayant les mêmes centres d’intérêt.

Se créent donc autour des observatoires des communautés informelles d’acteurs que le Muséum et les associations animant Vigie-Nature accompagnent via un système de médiation, de l’événementiel, de la vulgarisation et de la communication sur les publications issues de leurs données.

Bien qu’il soit difficile de savoir à ce stade si ces projets favorisent réellement un engagement à long terme des participants, — via des collectifs ou des associations — il est certain qu’en diffusant la culture scientifique et en formant les participants, ils permettent à ces derniers de mieux comprendre le monde qui les entoure ainsi que de se sentir légitimes à agir, ce qui constitue un premier pas vers un engagement plus fort.
 

  • 1François Houllier, Pierre-Benoît Joly, et Jean-Bap- tiste Merilhou-Goudard, « Les sciences participa- tives : une dynamique à conforter », Natures Sciences Sociétés 2017/4 (Vol. 25), pages 418 à 423.
  • 2Hervé Le Crosnier, Claudia Neubauer, et Bérangère Storup, « Sciences participatives ou ingénierie sociale : quand amateurs et chercheurs co-produisent les savoirs. », Hermès, La Revue, 2013/3 (n° 67), pages 68 à 74.
Analyse