Cet article est une contribution de la version numérique enrichie de la Tribune Fonda n°235. Il ne figure pas dans la revue papier.
La Fonda a sélectionné dix expérimentations et projets de mise en œuvre d’un revenu de base, ou revenu universel.
Liber, un revenu de liberté pour tous
Par Gaspard Koenig et Marc de Basquiat, de l’Association pour l’instauration d’un revenu d’existence (AIRE)
Principe : Offrir à chacun un revenu de base, le Liber, d’environ 500 € pour les adultes, financé par un impôt à taux unique de 23 % sur tous les revenus.
Bénéficiaires : Tous, dès la naissance (montant variable selon les âges).
Présentation : Le Liber est une proposition de mise en place d’un revenu de base, s’appliquant à tous, dès la naissance, pour un montant de 200 € entre 0 et 14 ans, 270 € de 14 à 18 ans, et 500 € pour les adultes. Il propose un filet de sécurité pour tous et une simplification de nos mécanismes de redistribution.
Il suppose un renouvellement complet de notre fiscalité, en l’individualisant et en la faisant reposer sur un prélèvement d’environ 23 % sur tous les revenus. Il s’agit d’un impôt négatif. « Si une personne paie moins d’impôts que le montant du revenu d’existence, elle recevra la différence. Pour une personne seule, le point d’équilibre s’établira à 2 000 € nets, autrement dit l’opération sera nulle à ce niveau de revenus. »
Des aides seraient supprimées (RSA, prime pour l’emploi, allocations solidarité, allocations familiales…) et d’autres conservées (allocation adultes handicapés, aides au logement…)
Source : Rapport « Liber, un revenu de liberté pour tous », Pascal Devageau et Marc de Basquiat, avril 2014
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Territoires Zéro chômeur de longue durée
Par ATD Quart-Monde
Principe : Créer des entreprises à but d’emploi, recrutant en CDI, pour répondre à des besoins non couverts sur les territoires.
Bénéficiaires : Personnes durablement privés d’emploi souhaitant rejoindre la démarche.
Présentation : Porté sur des territoires pilotes volontaires, l’expérimentation Territoires Zéro chômeurs propose de redéployer les coûts liés à la privation d’emploi (dépenses sociales, manque à gagner de cotisations…) pour recruter en CDI des personnes durablement privés d’emploi, sur des missions répondant à des besoins non couverts sur les territoires, mais également en partant de l’expression de leurs compétences et de ce qu’ils souhaitent faire.
Initiée par des comités de pilotage locaux rassemblant plusieurs acteurs, les expérimentations aboutissent à la création d’entreprises à but d’emploi, qui permettent de recruter au SMIC et en CDI des personnes en chômage en longue durée. Les emplois sont identifiés à partir de l’expression des compétences de chacun et des besoins non-couverts sur les territoires. Il s’agit d’emploi partiellement solvables, non concurrentiels avec l’économie classique, tournés pour beaucoup sur le « prendre soin ».
Source : ATD Quart-Monde, projet « Territoires Zéro chômeur de longue durée »
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Pour un minimum décent : contribution à la réforme des minima sociaux
Par Terra Nova
Principe : Proposer une fusion des minima sociaux, pour garantir à tous un minimum décent.
Bénéficiaires : Adultes résidant en France de façon régulière, en-dessous d’un certain seuil de ressources.
Présentation : La proposition d’un minimum décent repose sur la fusion des minima sociaux actuels, pour en simplifier les mécanismes et limiter le non-recours aux droits. Ce minimum décent consiste en une allocation différentielle de 750 €, versée automatiquement sous condition de ressources.
Elle suppose une centralisation dans le versement de ces ressources (mission actuellement confiée en grande partie aux départements), en même temps que des compléments de mission autour de l’accompagnement des bénéficiaires.
Le minimum décent entend proposer un socle de garantie accessible à tous, tout en se démarquant du revenu universel, jugé non redistributif et « contraire à une philosophie sociale qui considère le travail comme le levier principal d’intégration et d’émancipation ».
Source : Terra Nova, « Pour un minimum décent, contribution à la réforme des minima sociaux », novembre 2016.
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Revenu contributif
Par Bernard Stiegler et Patrick Braouezec, pour une expérimentation sur le territoire de Plaine Commune.
Principe : Proposer un modèle de revenu, ni revenu universel, ni salaire mensuel, étendant le système des intermittents et valorisant les contributions et capacités.
Bénéficiaires : Groupe de jeunes de 16 à 25 ans résidant sur le territoire Plaine Commune, tirés au sort (protocole non définitif).
Présentation : La proposition d’un revenu contributif s’inscrit dans un projet plus large visant à faire de Plaine Commune un « territoire apprenant contributif », adossé à une chaire de recherche.
Le constat de départ est celui de l’extension de l’automatisation de la production par le numérique qui selon certaines études va entraîner une forte réduction du nombre d’emplois. Le revenu contributif cherche à répondre à cette situation, en distinguant nettement l’emploi, automatisable, du travail, qui « produit du savoir-faire, du savoir théorique, du savoir artistique ».
En s’inspirant du régime des intermittents, qui permet aux individus d’alterner des temps de production et des temps de développement de leurs capacités, le revenu contributif propose de valoriser le travail, par un revenu « conditionné à la contribution qu’apporte chacun dans des projets collectifs ».
L’autre modèle est celui du logiciel libre, qui efface la barrière entre producteur et consommateur.
Sources :
- Projet d’expérimentation territorial, « Plaine commune territoire apprenant contributif »
- Conversation avec Bernard Stiegler, « Faire de Plaine Commune le premier territoire contributif de France », The Conversation
- « Plaine Commune veut tester le revenu contributif », Le Parisien, 11/01/17
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Mein Grundeinkommen
(« mon revenu de base »)
Par l’association Mein Grundeinkommen
Principe : Permettre à une personne tirée au sort de bénéficier pendant un an d’un revenu de base de 1000 €. L’opération est financée grâce à un mécanisme de crowdfunding.
Bénéficiaires : Toute personne volontaire, inscrite au préalable, sans conditions d’âge ou de nationalité, qui aura été tirée au sort.
Présentation : Initiative lancée par Michael Bohmeyer en 2014, qui après avoir quitté la start-up qu’il avait fondée et dont il continuait à percevoir des bénéfices, à hauteur d’environ 1 000 € par mois. Il lance alors un site www.mein-grundeinkommen.de.
Sur ce site des personnes peuvent donner, selon une logique de crowdfunding, et/ou peuvent s’inscrire pour être tiré au sort pour bénéficier d’un revenu de base pendant un an, à hauteur de 1 000 €.
L’organisation recueille en moyenne 100 000 € par mois. Depuis le début, elle recense 60 000 donateurs, dont 25 000 réguliers, pour des sommes souvent très modestes. Plus d’un million d’euros ont été récoltées en deux ans et demi. Elle est actuellement en capacité de financer 74 personnes. Le tirage au sort a lieu mensuellement et est retransmis sur internet.
Source : « L’Allemagne expérimente le revenu universel grâce au crowdfunding », Le Monde, 07/02/17
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Le compte personnel d’activité
Dispositif mis en place par le Gouvernement français en 2016.
Principe : Un compte unique pour regrouper les droits acquis tout au long de son parcours, pour sécuriser et accompagner les transitions professionnelles.
Bénéficiaires : Pour tous.
Présentation : Le Compte personnel d’activité (CPA) se veut une réponse à la transformation des parcours professionnels, marqués par davantage de mobilité et par des changements de statuts au cours d’une même carrière. Il rattache les droits aux personnes, pour qu’ils les accompagnent tout au long de leur parcours.
Il fusionne le Compte personnel de formation, le Compte pénibilité et le Compte d’engagement citoyen, pour ouvrir l’accès à des droits à la formation, rechargeables au long de son parcours. Un engagement bénévole peut donner ainsi accès à des heures de formation.
Le rapport remis par France Stratégie ouvre des perspectives à des développements ultérieurs avec l’intégration de nouveaux droits, et met également l’accent sur les problématiques liées à l’accompagnement pour assurer l’accès des personnes à leurs droits.
Source : Le compte personnel d’activité, présentation sur le site officiel.
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La garantie d’un accès universel aux services
Par Bruno Palier
Principe : Concentrer l’attention sur l’accessibilité des services publics répondant aux nouvelles problématiques sociales.
Bénéficiaires : Tous, selon les besoins de chacun.
Présentation : La question de la pauvreté suppose d’être traitée en prenant en compte la question des ressources dont dispose chacun et doit conduire à trouver des mécanismes de garanties de revenu. Cette approche n’est cependant pas suffisante, « il faut aussi mieux accompagner les personnes et les doter des moyens d’accomplir leurs propres projets » (Bruno Palier).
Une réflexion doit être menée sur les services universels que devraient garantir notre système de protection sociale, qui préservent des nouveaux risques sociaux. Sont à privilégier dans cette voie un système de formation tout au long de la vie pour contrer la précarisation par manque de qualification, l’aide aux familles pour faire face aux situations de dépendance, l’accès au logement, à une alimentation de qualité, à la mobilité, à l’information et l’exercice de ses droits citoyens.
Des approches d’investissement social, et fondées sur du décloisonnement, à l’opposé des approches en silos, constituent une voie de développement de ces services.
Sources :
- Bruno Palier, « Pour des politiques universelles d’investissement social », Alternatives économiques n°366, mars 2017
- Institute for Global Prosperity, « Universal Basic Services »
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Pour un revenu de base en Finlande
Par KELA, assurance sociale finlandaise
Principe : Depuis janvier 2017, et jusqu’en décembre 2018, expérimentation d’un revenu de base d’un montant de 560 € par mois.
Bénéficiaires : 2 000 personnes auparavant bénéficiaires de l’assurance chômage, tirées au sort.
Présentation : Promesse du Premier ministre finlandais, élu en 2015, l’expérimentation d’un revenu de base a été votée par le Parlement finlandais en 2016. Pendant deux ans, 2 000 personnes tirées au sort, bénéficiaires de l’assurance-chômage percevront 560 € par mois, sans justification, en remplacement de leur allocation chômage. En cas d’allocation supérieur la différence reste versée par la sécurité sociale et les allocations logements et la couverture santé sont maintenues. La différence est que ces 560 € sont garanties, y compris en cas de reprise d’emploi, quelle quel que soit le montant du salaire.
L’objectif est d’étudier les effets de la mise en place d’un revenu de base sur la recherche d’emploi et la création d’entreprises, en mesurant son effet sur la possible « trappe à chômage » que constitue la suppression de l’allocation chômage en cas de reprise d’emploi. L’objectif est ainsi d’encourager l’emploi, ainsi que de simplifier le système d’aide sociale.
Sources :
- « La Finlande commence à expérimenter le revenu universel », Le Monde, 01/01/17
- Site de KELA, « Objectives and implementations of the Basic income experiment »
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Un héritage minimum universel
Par Anthony Atkinson.
Principe : Garantir à chacun, dès l’âge de 18 ans, l’obtention d’un capital librement utilisable.
Bénéficiaires : Pour tous.
Présentation : « Tout le monde ou presque est favorable à l’égalité des chances. Si c’est le cas, cela suppose une relative égalité face à l’héritage et les transmissions de patrimoine réalisé de son vivant. C’est pourquoi, je me prononce pour une dotation en capital. En soi, c’est une vieille idée. John Stuart Mill estimait en 1861 que l’Etat doit favoriser la répartition des richesses plutôt que leur concentration. Je propose que les recettes, issues de la taxation des héritages et de tous transferts de richesses, soient affectées à un fonds pour financer un héritage minimum universel, distribué à tous, à l’âge de 18 ans. L’héritage minimum permettrait de promouvoir l’égalité des chances. »
Source : Anthony Atkinson, « Avons-nous oublié qui se cache derrière les chiffres de l’exclusion ? », Libération, 21/01/16
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Un capital initial de formation
Par le Commissariat général au plan, rapport « Jeunesse, le devoir d’avenir », commission présidée par Dominique Charvet, mars 2001.
Principe : Mettre en place un capital initial de formation de vingt ans.
Bénéficiaires : Pour tous.
Présentation : Le rapport « Jeunesse, le devoir d’avenir » insiste, dans le cadre d’une société de la connaissance, sur l’importance d’un droit à la formation tout au long de la vie.
Il se matérialise par la dotation d’un capital initial de formation, de vingt ans, qui donne accès à une éducation de base et à une prolongation dans le cadre d’études supérieures, qu’il est loisible aux personnes d’employer à tout moment dans leur vie. Ce capital est en outre rechargeable au fil de ses expériences professionnelles.
Il pourrait se matérialiser par la mise en place d’une allocation d’études, matérialisant l’accord de droit sociaux aux jeunes dès 18 ans, librement utilisable dans les moments de formation. Les jeunes qui ne souhaitent pas poursuivre leur formation pourraient bénéficier d’un droit à l’expérience professionnelle, et resteraient libre d’utiliser leur allocation d’études ultérieurement.
Source : Dominique Charvet, « Jeunesse, le devoir d’avenir », La Documentation française, 2001