200 : tel est le numéro respectable que la Tribune Fonda atteint aujourd’hui.
Alors que nous essayons progressivement de rattraper le retard de diffusion qui fait suite au changement de formule et la préparation d'un nouveau programme de travail pour la Fonda, nous nous sommes interrogés sur l'opportunité de marquer l'occasion d'une façon ou d'une autre : changement exceptionnel de couver ture, publication de témoignages de lecteurs sur ce qu'a représenté et représente encore la revue pour eux, reprises de quelques éditoriaux déterminants d'anciens numéros...
Nous pouvions aussi faire « comme si » et considérer que ce numéro n'avait pas d'importance particulière. Ayant la prétention de croire que La tribune intéresse moins, pour ce qu'elle représente, que pour son contenu, nous nous sommes uniquement attachés à faire vivre de manière particulière, à travers les différents articles, un des principes permanent qui guide notre action : le croisement des regards et des expertises sur des sujets sensibles et qui concernent les associations.
Avec l'aide du réseau RT 35 de l'Association française de sociologie qui rassemble les sociologues s'intéressant aux associations et de l'Addes (Association pour le développement de la documentation sur l'économie sociale), nous avons sollicité des chercheurs pour qu'ils témoignent de leurs travaux sur, respectivement, deux thèmes : l'accès des femmes aux responsabilités associatives et l'impact de la professionnalisation des actions et de la gestion sur le projet des associations.
Leur contribution, dont nous les remercions infiniment, a été ensuite soumise à des acteurs impliqués dans la vie associative à titre militant ou bénévole afin qu'ils témoignent sur ce même sujet. Par cette mise en scène du croisement des regards, nous souhaitons valoriser la contribution spécifique des chercheurs et la richesse de l'expérience qui sont toutes les deux indispensables pour arriver à saisir les enjeux, mais aussi les voies d'amélioration possibles. Nous n'avons pas pu publier les interviews des « acteurs » recueillis sur le second thème (le projet associatif à l'épreuve de l'économie) faute de place. Nous le ferons dans le numéro 202.
Nous avons choisi de privilégier le thème de l'accès des femmes aux responsabilités associatives. Par ce choix, nous voulons aussi témoigner d'une autre qualité essentielle de la Fonda : l'esprit critique. Elle n'est pas un laboratoire d'idées qui se limiterait à révéler et mettre en lumière les problèmes ou bien, à valoriser la contribution essentielle des associations au « faire société ». Nous avons aussi la volonté d'être un acteur des changements que nous jugeons nécessaires. C'est le cas ici.
En effet, nous ne pouvons nous satisfaire aujourd'hui, alors que la question de la place des femmes est clairement posée dans les conseils d'administration des grandes entreprises, dans les assemblées élues, que ce sujet ne soit pas davantage pris en considération au sein des associations.
La CPCA, l'USGERES et le CMES ont posé des actes pour faire avancer la réflexion à travers des engagements et des outils. Il y a quelques années l'OCDE avait réalisé une étude montrant que le soutien accordé aux femmes pour créer ou reprendre une entreprise avait un impact sur la performance de l'économie. Par davantage de mobilisation de l'initiative et de l'engagement de la moitié féminine de la population, nous ne pouvons que nous enrichir collectivement et ainsi améliorer nos chances de trouver des réponses à la grave crise que nous traversons.
Il est temps de franchir un pas. Cela implique de réinterroger à tous les niveaux les pratiques de nos associations : accueil, formation des bénévoles et des salariés, modalités de recrutement des bénévoles et des salariés, conditions d'accès aux responsabilités, organisation des tâches et des actions...
Le risque le plus grand de nous ouvrir à la diversité des genres, mais aussi plus largement aux identités multiples (ethniques, pratiques sexuelles, religion ...), est de rompre avec le fatalisme de nombreux dirigeants associatifs confrontés à des renouvellements difficiles. L'inaction est impossible, si ce n'est accepter inévitablement que le mouvement associatif vive le même discrédit que les autres institutions. Être déterminés, nous contraindre, obtenir des résultats rapidement, sont devenus une nécessité.