Modèles socio-économiques

Les modèles socio-économiques associatifs - Revue de littérature

Institut national de la jeunesse et de l’éducation populaire (INJEP)
Et Elisabetta Bucolo, Philippe Eynaud
Cette revue de littérature, préparée par Elisabetta Bucolo, Philippe Eynaud et Laurent Gardin pour l'Injep, présente un panorama des modèles socio-économiques associatifs et de leurs évolutions.
Les modèles socio-économiques associatifs - Revue de littérature


Les modèles socio-économiques des associations font l’objet de débats importants en raison de la crise économique, du recul de l’État providence et de l’extension du libéralisme.


Comme nous le verrons dans la première partie consacrée au panorama de ces modèles, les controverses se limitent généralement à une approche duale État-marché qui ne prend pas en compte l’originalité du fait associatif. L’économie des associations est en premier lieu approchée à partir de l’analyse de leur mobilisation de financements privés et publics. Les typologies de ressources monétaires sont établies en dégageant différents modèles économiques.

Dans le même temps, on cherche à mieux cerner la richesse peu évaluée que représente le bénévolat dans les budgets associatifs en tentant de le valoriser monétairement. Cette valorisation monétaire des contributions monétaires préconisée par le Haut Conseil à la vie associative (HCVA) n’est toutefois pas reprise dans les enquêtes quantitatives précédemment citées. Il est néanmoins possible de l’appréhender à partir de travaux d’ampleur nationale qui montrent son évolution croissante.

On le verra, les travaux sur l’économie des associations se limitent le plus souvent à des oppositions traitant de :

  1. l’origine des financements, privée versus publique ;
  2. la manière dont les financements sont attribués, recettes d’activités versus subvention.


Dans les deux cas, la mobilisation du bénévolat n’est pas appréhendée tant d’un point de vue quantitatif (sa valorisation monétaire) que qualitatif. Ces travaux souffrent d’une difficulté à restituer l’hybridation des différents comportements économiques dans les associations qui, pour reprendre les travaux de Karl Polanyi (1975 ; 1983), mobilisent le marché, mais aussi la redistribution à travers les financements publics et la réciprocité qui prend corps notamment avec la mobilisation du bénévolat et des réseaux de solidarités, voire les logiques domestiques, avec par exemple la participation des proches destinataires des activités.

C’est aussi la dimension sociopolitique des associations qui est passée sous silence en ne montrant pas l’importance de l’engagement citoyen dans la construction des modèles associatifs.

C’est cette incomplétude dans les modèles socioéconomique que tâchera de dépasser la deuxième sous-partie à partir de travaux ayant souvent une approche plus qualitative ou monographique et dont les analyses se réfèrent notamment aux logiques d’institution des associations, à leur gouvernance et ses enjeux ainsi qu’aux différentes formes de régulations avec les pouvoirs publics.


Dans la deuxième partie, les évolutions des modèles associatifs sont analysées en lien avec la diffusion de l’entrepreneuriat social, mais également dans la capacité des associations à se renouveler et à résister aux phénomènes de marchandisation du social. Les modèles socioéconomiques associatifs ont connu une forte évolution au cours des trente dernières années, due à la conjonction de deux phénomènes se renforçant mutuellement.

Le premier est lié à la montée en puissance du modèle entrepreneurial dans le champ économique et à la diffusion de sa légitimité – en dehors de celui-ci –dans le champ social.

Le deuxième est lié à l’endettement croissant des États et à leurs difficultés à maintenir les prestations associées à l’État providence. L’émergence de l’entrepreneuriat social est une bonne illustration de cette évolution. Ce concept, né à la fin du XXe siècle, augure en ce sens d’une capacité des méthodes managériales à s’ouvrir aux questions non économiques. Il favorise une professionnalisation du social à l’aune des recettes gestionnaires issues des entreprises. L’État peut alors de son côté réduire le soutien financier qu’il apporte au domaine social.

L’entrepreneuriat social a pour vocation de dégager des recettes commerciales et de constituer des fonds propres. La montée en charge des appels compétitifs autour de la commande publique légitime les mécanismes de marché pour régler la question de l’allocation des financements publics aux initiatives de terrain. Il y a donc une réconciliation des incomplétudes du marché et de l’État autour d’une marchandisation du social qui rend possible la promotion des logiques de mécénat, de philanthropie et de social business.

La marchandisation croissante du modèle associatif questionne certains acteurs associatifs qui ne se reconnaissent pas dans ces évolutions. Ainsi, ils mobilisent d’autres paradigmes d’action articulés aux mouvements sociaux, qui s’inscrivent dans certaines pratiques associatives traditionnelles, dans le sillage de l’économie solidaire (les régies de quartier, le commerce équitable, les circuits courts, etc.), ou qui inventent d’autres modèles comme ceux des communs.

Dans ces évolutions composites, certains acteurs s’inscrivent dans une critique plus radicale à la fois du modèle dominant mais également du modèle associatif. Ils revendiquent des formes autonomes et alternatives d’action, l’expérience des zones à défendre (ZAD) en est un exemple éclairant. L’urgence sociale et politique de certaines thématiques, telles que la transition écologique, sert de terreau fertile à d’autres initiatives citoyennes qui, sans se revendiquer d’un courant spécifique, se mobilisent dans l’animation de réseaux de réemploi et de recyclage, de critique de la surconsommation, de systèmes d’échanges alternatifs...

La démultiplication de ces acteurs montre la vitalité du milieu associatif qui se déploie notamment dans les territoires. La dimension locale des initiatives constitue l’ancrage indispensable pour répondre de manière pertinente aux nouveaux besoins tout en proposant des alternatives viables. Cependant, le risque est parfois de générer des formes de repli, sans envisager de visée de transformation de plus grande envergure. Or, l’articulation des différents échelons territoriaux est indispensable pour la co-construction des politiques publiques. Celle-ci s’avère d’autant plus incontournable aujourd’hui que le modèle de marchandisation du social tend à invisibiliser ces initiatives citoyennes en les disqualifiant.


Une dernière partie consacrée à un focus sur les associations de jeunesse et d’éducation populaire (JEP) tâche, tout d’abord, d’analyser comment ces associations se positionnent dans le dualisme État-marché, mais aussi comment elles peuvent être interprétées à partir de la grille polanyienne. Puis suivant en cela, le plan de cette revue de littérature, ce focus approfondira comment elles sont prises dans les tensions inhérentes à la marchandisation et aux nouveaux modes de financement ainsi qu’à la manière dont elles innovent et créent des alternatives pour résister aux injonctions institutionnelles et économiques. Enfin, la conclusion est construite autour d’une mise en perspective des scénarios d’avenir de l’économie des associations.
 

→ Accéder au rapport de l'Injep « Les modèles socio-économiques associatifs - Revue de littérature »

 


Bucolo E, Eynaud P., Gardin L., 2019, Les modèles socio-économiques associatifs, Revue de littérature, INJEP Notes & rapports/Revue de littérature.

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