Associations et démocratie

Les enjeux d'un partenariat renouvelé entre collectivités et associations

Tribune Fonda N°245 - Associations et collectivités - Mars 2020
Pascal Loviconi
Pascal Loviconi
Pistes pour développer et améliorer les relations entre collectivités et associations.


Cet article est une contribution à la version numérique enrichie de la Tribune Fonda n°245. Il ne figure pas dans la revue papier.


Dans une tribune1 , Jean-Louis Laville déplorait que les associations ne soient pas reconnues en France à la hauteur du rôle qu’elles jouent dans la vie quotidienne des Français. Cinq constats étaient posés !

  • les démocraties représentative et participative ont du mal à s’articuler,
  • une partie de la population ne se sent plus écoutée et un grand nombre d’associations ‘’altruistes’’ souffrent actuellement de ne pas être reconnues à la hauteur de leur utilité sociale,
  • les citoyens s’inquiètent de la déshumanisation croissante des solutions et de pratiques politiques médiatiquement mises en avant ; ce à quoi s’ajoute un manque de réflexion collective sur l’influence du numérique sur la baisse des liens sociaux réels,
  • sociologiquement, la croissance du besoin d’autonomie et le rejet de « l‘institué » est clair,
  • et pourtant, de multiples petites initiatives d’acteurs locaux (souvent organisés en collectifs) foisonnement ! Elles valorisent les personnes, les identités et cultures locales, le lien social, la joie de vivre, l’économie et ses ressources locales.


Face à cette situation, que peuvent faire des collectivités locales pour développer et améliorer leurs relations aux associations d’intérêt général ?


Les cinq enjeux d’un partenariat renouvelé


Les élus locaux sont invités à relever un défi important, celui de l’humilité et d’une évolution de posture. Ce qui n’est certes pas facile dans une période qui privilégie la rapidité et les apparences… Ce défi se décline en cinq enjeux généraux :

  • Réapprendre à (réellement) écouter les habitants et les forces vives locales dont la voix porte peu.
  • Renouveler les partenariats les liant aux associations et aux collectifs citoyens.
  • Développer leur rôle de « facilitateur », de « metteurs en relations »
  • Valoriser les initiatives locales créatrices de lien social et aider à les analyser pour que leur modèle se diffuse
  • Réorganiser la gestion et l’organisation de leur collectivité en cohérence avec ces principes.


Des pistes, parmi bien d’autres, pour les élus locaux


— Réapprendre à écouter les habitants et les forces vives locales dont la voix porte peu

Nous sommes d’accord, il faut pour cela en avoir envie (et l’envie se stimule entre autres dans les lieux de formation initiale).

Développer la co-formation. Les divers acteurs se forment d’habitude séparément : les agents de la collectivité ici, leurs élus là, les présidents d’associations ailleurs et leurs salariés dans un autre espace, les entreprises encore ailleurs … Les croisements de regard ne peuvent dès lors pas s’opérer. Et donc l’évolution des cultures d’action non plus. La forme, les lieux et l’esprit de ces co-formations sont d’autant plus à travailler qu’elles se doivent d’être accueillantes aux habitants les plus concernés par les sujets travaillés. 

Réorganiser les modes d’actions des services de la collectivité locale et de ses élus. Ils doivent pouvoir disposer de réels temps pour aller sur le terrain écouter les forces vives diverses qui spontanément ne vont pas à eux pour apprendre d’elles, sans avoir d’autre objet de présence que cette écoute. On se demande aussi parfois pourquoi il n’y a pas plus de villes qui développent les enquêtes téléphoniques régulières et dans la durée pour questionner les résidents sur leur bien-être.


— Renouveler les partenariats reliant les associations et les collectifs citoyens aux collectivités

Les élus ont la légitimité nécessaire pour aider les divers acteurs locaux à travailler davantage au sein de collectifs qui les rassemblent malgré leurs statuts distincts. Acteurs culturels, bailleurs sociaux, entreprises et acteurs de l’éducation ont plus à voir ensemble qu’il n’y paraît … Par contre, l’expérience montre que le portage pluriel du projet ou de la démarche mis en débat est souhaitable. A défaut, certaines parties risquent de s’absenter au prétexte que l’unique pilote manipule les autres dans son intérêt.

Les besoins des associations ne se limitent pas qu’à l’argent, quoi qu’on en dise. Les questions de locaux, de reconnaissance, de qualification et de relations aux autres acteurs sont aussi extrêmement prégnantes. Organiser des espaces de libre parole sur toutes ces dimensions, dans lesquelles les associations sont invitées à s’exprimer par des méthodes d’animation pertinentes est essentiel. Le pilotage de la démarche gagne d’ailleurs à être équitable, également partagé. Concernant les subventions, il est possible d’ouvrir le champ d’un travail commun avec les associations d’évaluation ou précision des critères de soutien financier.


— Développer le rôle de facilitateur et de ‘’metteurs en relations’’ des collectivités

Il importe de développer une offre en « accompagnement – qualification – mise en relation », également répartie sur le territoire, des porteurs de projets dès la phase de l’émergence des idées.

L'offre aux association existantes a souvent trois défauts : 

  1. Ne pas être accessible à ceux qui ont une idée qui n’est pas encore un projet (et parfois être géographiquement éloignées) ;
  2. Être incroyablement cloisonnée. Les guichets d’accueil inconditionnels sont rares : tel acteur soutient les associations, tel autres les futures sociétés commerciales, tel autre incube les futures innovations sociales, tel autre les seules initiatives de développement durable, tel autre selon votre statut … Le découragement est garanti si vous avez un projet hybride qui coche à plusieurs de ces cases ! 
  3. Être insuffisante par rapport à la demande.

Par ailleurs, il faut réussir à mettre à profit la connaissance par l’élu tant des chef-fe-s d’entreprises locales que des responsables associatifs pour les faire se rencontrer. L’élu local dispose des deux carnets d’adresses. À lui d’organiser (à un coût insignifiant) ces rencontres de connaissance mutuelle. Les fruits tomberont tout seuls.


— Valoriser les initiatives locales créatrices de lien social

Les élus peuvent, s‘ils en ont la volonté, aider à les analyser pour que d’autres s’en inspirent.

Les collectivités ont à investir davantage dans la connaissance des réalités associatives locales et dans l’évaluation de leurs impacts sur le lien social. N’oublions pas que l’isolement est un fléau national, même si l’on n’en parle que trop rarement. Nul doute que quitter les représentations et objectiver certaines dimensions essentielles permet de prendre de meilleures décisions. Un français sur quatre est bénévole, nous rappelle Recherches et Solidarités. Nous ne parlons donc pas là d’un sujet marginal.

Les élus peuvent favoriser l’engagement au niveau local en déployant plus de dispositifs de mise en relation entre ‘’offre’’ et ‘’demande’’ de bénévolat. Le numérique permet la géolocalisation des offres de bénévolat associatif proches de son domicile ou de son lieu de travail. Gageons que ces applis et sites vont pulluler et faciliter les recherches dans toute la France et pas seulement dans les grandes villes. Un autre enjeu est d’intégrer dans la boucle les entreprises locales pour qu’elles sensibilisent ou simplement informent leurs salariés des offres de bénévolat des associations environnantes.


—  Réorganiser la gestion de leur collectivité en cohérence avec les principes annoncés 

Pourquoi ne pas innover et lancer un stage de découverte de la vie (associative mais pas que) en milieu rural ou populaire de tout nouveau responsable – décideur public qui prend son poste dans un territoire ? Soyons fou. Y passer dix jours sans autre but que et d’être là et aller là où sont les gens dans le village ou la cité HLM, au café, au stade, dans la rue … Les décisions ultérieures ne seraient-elles pas à votre avis différentes ?

Il y a également nécessité à décloisonner les services en charge de l’appui à l’action associative pour qu’ils soient en réelle interaction avec les autres services de la collectivité. L’animation d’un projet transversal de territoire le nécessite, dans lesquels les associations impactent tant de choses (culture, services à la personne, attractivité, etc.).

 

Ce ne sont que de modestes pistes parmi de nombreuses autres que les réseaux nationaux et locaux portent avec persévérance.

Écouter ces derniers et en faire une source de débat relève de la politique au sens noble du terme. Nous pourrons avancer dans ce sens si nous partageons une conception commune des  « richesses », qui ne sont pas que celles produites par les entreprises lucratives conventionnelles, et qui selon certains seraient  « redistribuées » à d’autres acteurs, moins légitimes.

Plus que jamais, dans une société qui semble parfois se durcir, cela suppose une posture humble et sincère qui relève autant de la personne de l’élu local que de l’organisation qu’est sa collectivité. Souhaitant que les collectivités et associations « s’associent », au sens de  « travailler ensemble ».

 

  • 1Intervention de Jean-Louis Laville en 2017 sur les enjeux pour l’action collective des citoyens. Collectif des Associations citoyennes.
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