Une recension proposée par Michèle Champagne.
Au moment où l’Union Européenne lance le Green Deal européen1
qui acte la neutralité carbone de l’Europe en 2050, Jeremy Rifkin, théoricien de la troisième révolution industrielle2
(TRI), développe son projet de New Deal Vert pour transformer la société en un modèle post-énergies fossiles.
Plus près de nous, des expériences ont été menées, inspirées par l’approche de Jeremy Rifkin, notamment dans les Hauts-de-France, pour inventer une transition économique, écologique et sociale. L’auteur fait le pari que cette transition est possible en l’espace de vingt ans.
L’effondrement des combustibles fossiles
Les secteurs des télécommunications et de l’internet, l’alimentation et l’électricité, les transports et le bâtiment se tournent vers des énergies vertes qui sont devenues concurrentielles aux énergies fossiles par leurs faibles coûts, la réglementation, les nouvelles technologies et la demande sociétale.
Ce revirement affecte également les États pétroliers qui doivent se réinventer pour développer un modèle post-carbone. Des secteurs essentiels se séparent des combustibles, dont celui des assurances et les investisseurs institutionnels, pour investir dans les énergies renouvelables.
À titre d’exemple, plus de mille investisseurs institutionnels, présents dans trente-sept pays, se sont engagés à retirer sept billions d’euros de fonds de l’industrie des combustibles fossiles au profit des énergies vertes. L’auteur prévoit un effondrement de la civilisation industrielle fondée sur les combustibles fossiles à l’horizon 2023 et 2030.
De la globalisation à la glocalisation
L’internet des objets permet de relier les technologies de la communication, les sources d’énergie distribuée et décentralisée, les nouvelles formes de mobilité et les bâtiments intelligents en ressources en une infrastructure post-carbone. Cette infrastructure permet aux communautés de gérer, produire et piloter leurs activités économiques et leurs modes de consommation, c’est un lien techno-social, porteur de responsabilités partagées.
Lorsque les individus, associations, entreprises et communautés s’engagent dans des projets novateurs (par exemple, la production et la distribution décentralisées d’énergies vertes par des collectifs de citoyens ou d’associations), ou dans la création de coopératives citoyennes, cette dynamique favorise l’entrepreneuriat social plus tourné vers la « glocalisation », soit une économie basée sur des réseaux circulaires. Ce changement annonce une profonde transformation de l’organisation de la vie économique et celle des marchés.
Vers un nouveau capitalisme social
L’investissement socialement responsable (ISR) contribue à investir dans des entreprises dont leurs business model sont évalués sur des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG). A titre d’exemple, aux États-Unis, les ISR ont mobilisé une somme de douze trillions de dollars, soit l’équivalent de dix billions d’euros (2018).
Pour bâtir l’infrastructure de la TRI, le cabinet Oxford Economics a estimé que les pays devront augmenter la part de leur PIB dédié à l’infrastructure de l’ordre de 3% par an et par pays. Les gisements financiers peuvent être trouvés dans les fonds de pension privés et publics (aux États-Unis, il s’agit de trillions de dollars), la levée de fonds pour des partenariats des secteurs privés et publics, la participation des gouvernements, dans l’ensemble des secteurs, dont celui des services énergétiques selon le modèle des ESCO (Energy Service Company). Il s’agit de développer une nouvelle forme de capitalisme qui renouvelle les business model en y intégrant la notion d’engagement social dont les revenus et les bénéfices sont réintégrés dans la communauté et contribuent au bien-être économique et social.
« Yes, we can »
Le dérèglement climatique nous fait entrer dans une nouvelle page de l’histoire. L’auteur appelle à mettre en place des « assemblées de pairs, de citoyens » pour construire des feuilles de routes régionales et mettre en place une gouvernance latérale.
« Yes, we can », selon Rifkin, il est encore temps de sauver la terre par un plan économique, le New Deal Vert.
Jeremy Rifkin, Le New Deal vert mondial : pourquoi la civilisation fossile va s’effondrer d’ici 2028 ?, 304 pages, éditions Les liens qui libèrent, 2019.