Gouvernance

Lecture : La cité en communs, Des biens communs au municipalisme de César Rendueles et Joan Subirats

Tribune Fonda N°249 - Égalité femmes-hommes : une exigence démocratique - Mars 2021
Paul Bucau
Paul Bucau
Et Réseau national des Maisons des associations (RNMA)
Dialogue entre deux professeurs espagnols, ce recueil interroge la notion protéiforme de communs. Les principes de gestion collective ne sont en effet pas exempts de contradictions.
Lecture : La cité en communs,  Des biens communs au municipalisme de César Rendueles et Joan Subirats
Les collines entourant le village de Malvern (Royaume-Uni) sont gérés par la communalité depuis le Moyen Âge © Jeni Chesney

Construit comme une discussion entre les deux auteurs, cet ouvrage contient une quinzaine de parties qui chacune décline la notion de communs en nourrissant une réflexion de fond sur autant de tensions qui la traversent.

Les communs, l'État et le marché

Les premières parties resituent dans une perspective historique le rapport entre les communs, l’État et le marché. Elles nous outillent pour comprendre pourquoi cette notion déclenche un tel engouement aujourd’hui dans la mesure où, n’étant pas circonscrite par définition dans un périmètre technique ou juridique limitant, elle englobe un champ d’application large qui sera exploré de manière non exhaustive dans les parties suivantes.

En revisitant le débat Hardin-Ostrom au sujet de la « tragédie des communs » ainsi que les écrits de Polanyi, les auteurs apportent des éléments de compréhension sur les besoins actuels de réciprocité dans le champ économique et social, la réciprocité ayant progressivement disparu des mécanismes de choix collectifs à mesure de l’expansion des lois du marché et de la planification étatique.

De nombreux mouvements aspirent aujourd’hui à ré-insérer dans divers espaces des principes de gestion collective ou de participation ; sous la notion de communs se rassemblent alors des enjeux de gestion des ressources naturelles, de libertés numériques, de politique publique…

Les limites de communs tout azimut

Les parties suivantes pointent du doigt de possibles limites à l’extension de la pratique du commun. Les auteurs observent que la gestion des communs semble plus aisée pour les personnes de la classe moyenne éduquée au capital social et culturel plus riche que pour celles de la classe populaire, introduisant un risque d’élitisme. Le développement du coopérativisme, pratique du commun dans le champ économique, est conditionné quant à lui au besoin de s’articuler à l’action politique et syndicale.

L’échelle du commun rend également difficile la définition de la communauté concernée, un État ou même un quartier entier ne constituent pas une communauté homogène et en ce sens invalident une partie de l’approche conceptuelle d’Ostrom qui a travaillé à la gestion de ressources par des communautés facilement définissables. Le commun doit alors se construire à l’intérieur d’un jeu institutionnel complexe incluant la puissance publique. 

Le numérique est aussi débattu comme un outil potentiellement propice à la coopération, avec une exigence intellectuelle utile qui nous aide à distinguer la participation de la délibération collective, et à reconnaitre la récupération de ce qui est produit par la collaboration sociale à des fins économiques ou politiques. 

Au-delà de l'idéalisation du municipalisme

Cette discussion entre les auteurs nous aide finalement à dépasser la représentation idéalisée du commun et nous aide à le problématiser. Bien plus qu’une solution, le « commun » reste avant tout un champ ouvert aux expérimentations pour faire face au défi démocratique actuel. L’élasticité du concept de commun, utilisé tant dans les mouvements citoyens que dans les sphères économiques et politiques, contribue certainement à son fort pouvoir mobilisateur. 
 

Fiche de lecture