De l'émergence de l'ESS à ses limites
À partir de l’interpellation de son fils sur le changement d’échelle de l’action collective qu’implique la crise écologique, Hugues Sibille nous livre un bilan nuancé de l’émergence de l’Économie sociale et solidaire (ESS).
Portée à l’origine par la « deuxième gauche», à la recherche d’une démarche pragmatique de transformation sociale, alternative aux impasses du communisme, l’ESS a d’abord été un long combat contre la destruction de l’emploi au nom de la performance économique.
Vers une transition systémique
Cela a longtemps empêché l’ESS de questionner les impensés de la croissance économique. Elle a permis l’émergence d’un entrepreneuriat alternatif, mais elle n’est pas parvenue à endiguer la marchandisation de la société, faute d’une ambition politique suffisante et d’une juste appréciation du rôle de l’État.
Bastien Sibille relève la quasi-impossibilité pour les projets à impact social ou écologique de changer d’échelle sans tomber dans la dépendance du capitalisme financier.
Malgré tout, écrit Hugues, «l’ESS a vocation à devenir leader d’une transition systémique en défendant le concept de valeur ajoutée sociale, territoriale et écologique et en promouvant une nouvelle responsabilité territoriale d’entreprise.»
Une nouvelle relation avec le vivant
Pour Bastien cependant, la grande divergence intergénérationnelle porte sur la relation entre l’humanité et le reste du vivant.
À l’humanisme progressiste du père, le fils oppose la radicalité de la cause du vivant : «Tant que nous considérerons qu’il y a une différence d’essence entre l’humain et la nature, que l’être humain est une fin en soi là où la nature ne serait qu’un moyen, nous n’aurons pas la force politique pour transformer radicalement notre rapport à la nature et notre façon de l’exploiter, pour transformer radicalement notre économie.»
Bastien Sibille et Hugues Sibille, Être radical — Dialogue entre deux générations pour transformer l’économie, Éditions Les petits matins, 2022, 132 pages.