Cet article est une contribution à la version numérique enrichie de la Tribune Fonda n°244. Il ne figure pas dans la revue papier. Il a été co-rédigé par Arnaud Goulliart, directeur de l’Institut Jean Bergeret, Christèle Hervagault, chargée de mission à la Fédération des acteurs de la solidarité Auvergne-Rhône-Alpes et Matthieu Fouché, co-fondateur du Maac Lab.
L’initiative « Pouvoir agir » est impulsée par un collectif réunissant l’Institut Jean Bergeret, la Fédération des acteurs de la solidarité Auvergne-Rhône-Alpes et le Maac Lab. Elle permet l’amélioration de la santé mentale des personnes en situation de précarité en améliorant la détection des troubles par les professionnels de premières lignes et les personnes ressources. Ce projet participe ensuite à l’émergence d’actions de prévention et de promotion de la santé innovante et adaptée à la réalité des personnes concernées et de leur entourage.
Les personnes en situation de vulnérabilité, de précarité, présentent des problématiques de santé mentale, souffrance psychique et pathologies mentales psychiatriques plus importantes qu’en population générale1 . Les professionnels de première ligne, acteurs sociaux, sont souvent démunis pour faire face de façon adaptée à ces problématiques et ne disposent pas assez d’outils opérationnels rapidement mobilisables renforçant le mieux-être des personnes. En région Auvergne-Rhône-Alpes, ces besoins amènent les politiques publiques à renforcer le repérage et la prise en charge précoce en lien avec le décloisonnement des acteurs.
Détecter, comprendre et innover ensemble
Afin de répondre au mieux à ces enjeux, le collectif a conçu une solution conjointe à destination de structures d’insertion et d’hébergement, qui mise sur la détection et la prise en charge précoce des troubles, la prise en compte complète de la réalité sociale des personnes et leur capacité à participer à la prévention et la prise en charge de leurs troubles ou ceux de leur pairs.
Le projet est composé de deux volets successifs :
Dans un premier temps, chaque structure d’insertion visée mobilise deux à trois personnes — professionnels issus de secteurs différents, administrateur de la structure et personne concernée — qui bénéficieront de plusieurs jours de formation : formation aux premiers secours en santé mentale et formation aux impacts de la précarité sur la santé mentale et pouvoir d’agir par le Collectif SOIF.
Les professionnels et personnes hébergées prendront ensuite part à des ateliers d’innovation sociale autour des questions de santé mentale. Ces ateliers, animés par l’association Maac Lab permettront à chaque participant d’imaginer un projet (individuel ou collectif) à la fois utile aux autres et agréable à mettre en place pour lui. Cette maac - micro-action altruiste créative - aura donc des effets sur celui qui se met en action (amélioration de l’autonomie, de l’estime de soi, de la santé mentale) et permettra l’émergence d’actions de promotion de la santé innovantes et adaptées aux personnes.
Santé mentale et participation
L’initiative Pouvoir agir, par sa thématique et sa méthodologie, répond à plusieurs Objectifs de développement durable tels que décrits par l’ONU et repris par la Fonda.
Agissant directement sur la santé mentale, le projet est aligné avec l’Objectif n°3 et en particulier la promotion de la santé mentale et du bien-être. Le projet s’inscrit dans une dimension positive de la santé à la fois réduction des troubles et développement du bien-être du sujet dans son environnement. L’indicateur de satisfaction de la vie qui permet d’évaluer les progrès faits par la société est mesurable tout au long du projet et renseigne de manière précise la participation de ce projet à l’ODD n°3.
Par ailleurs, grâce à sa méthodologie, Pouvoir agir permet de répondre aux ODD n°4 et n°17. En effet, les formations dispensées tout au long de l’action seront autant accessibles aux professionnels des structures d’hébergement qu’aux personnes concernées hébergées au sein des structures. De ce fait, en permettant une égalité dans l’accès aux connaissances et compétences, le projet participe à une meilleure formation des adultes sans discrimination.
Enfin, dans sa construction même, et grâce au travail partenarial des trois structures à l’origine du projet, celui-ci met en application l’ODD n°17 et sa volonté de voir se coordonner des acteurs issus de différents secteurs : santé publique, solidarité, innovation sociale. Cette coordination, portée par un institut issu du soin mêlant une fédération de plusieurs centaines de membres et une jeune structure de l'entrepreneuriat social permet d’allier l’expérience et la force des organisations installées du secteur avec l’agilité d’une association qui innove dans le champ de la santé mentale.
Accès aux soins, pouvoir d’agir et expertises des personnes concernées
Dans la lignée de ces ODD, le projet porte une vision positive et engagée de l’être humain. Le collectif décrit plus haut se retrouve autour de valeurs et principes d’actions conjoints :
- Une approche globale de la santé2 à l’écoute de la personne, ses besoins et ses attentes.
- Participation et expertise des personnes concernées : le collectif promeut la confiance dans l’être humain, confiance dans les capacités de chacun mais aussi confiance dans la volonté à agir pour le bien commun.
- Rigueur scientifique : le projet s’appuie sur des données probantes et sur des principes d’intervention éprouvés.
Un collectif adapté aux enjeux
Les valeurs sont mises en oeuvre sur le terrain par les acteurs du collectif mais aussi et plus concrètement par :
- Les personnes hébergées : le projet est construit sur la participation de tous à la promotion de la santé mentale et s’appuie fortement sur leur expertise et leurs compétences;
- Les professionnels des structures d’hébergement adhérentes à la Fédération des acteurs de la solidarité.
Ce projet s’oriente vers les personnes accompagnées et les professionnels des Centres d’Hébergement et de Réinsertion Sociale (CHRS) ainsi que des pensions de familles. En effet, au sein de ces structures, il s’agit d’un accompagnement à moyen-long terme qui permet la mise en place de formations et d’ateliers qui se déroulent sur plusieurs mois.
Perspectives autour de la participation et de l’innovation
Le projet Pouvoir agir participe donc à la promotion d'une meilleure santé mentale. En outre, il permet l'utilisation du pouvoir d'agir comme levier d'épanouissement et vecteur d'innovation dans le champ complexe de la prévention.
S’appuyant fortement sur la participation des personnes concernées, les actions imaginées par les participants ne seront complètement descriptibles qu’une fois le projet terminé (2021).
Les effets attendus sont connus et étudiés :
- Une meilleure connaissance des enjeux de santé mentale en lien avec la précarité pour les participants aux formations (Commission de santé mentale du Canada, 20193 ) ;
- Amélioration de la santé mentale des personnes vivant au sein des CHRS ciblés par l’action (voir Shankland 2012 pour les liens entre comportements pro-sociaux et bien-être) ;
- Développement de l’autonomie et d’une dynamique d’engagement au sein des CHRS visés.
Ce projet repose sur la participation et la créativité des participants aux atelier . Il dépend aussi de la confiance des partenaires qui ne peuvent connaître à l’avance les actions qui émergeront des ateliers d’innovation.
Ainsi, mêler l’expertise des professionnels et des participants, améliorer leur connaissances/compétences sur les enjeux de santé mentale et les accompagner dans la création de projets à impact dans ce même champ permettra de proposer une action globale et durable pour améliorer le bien-être et la santé des personnes en situation de précarité.
- 1Chauvin et Parizot, 2005 : enquête menée sur les lieux de vie de populations précaires.
- 2Actions visant plusieurs cibles (individus et différentes facettes de l’environnement) et ce, dans des multiples sites d’intervention. Milieux et cibles constituent ainsi les dimensions-clés de l’intégration de l’approche écologique dans les programmes de promotion de la santé.
- 3https://www.mhfa.ca/fr/preuves-de-lefficacite-des-pssm