Prospective Enjeux sociétaux

Fiche ODD n°16 - Paix, justice, et institutions efficaces

Tribune Fonda N°237 - Faire des ODD un projet de société - Mars 2018
Yannick Blanc
Yannick Blanc
Présentation et approche prospective de l'Objectif de développement durable n°16. Cette fiche est publiée dans le supplément au numéro 237 de la Tribune Fonda « Faire des ODD un projet de société ».
Fiche ODD n°16 - Paix, justice, et institutions efficaces

Promouvoir l’avènement de sociétés pacifiques et ouvertes à tous aux fins du développement durable, assurer l’accès de tous à la justice et mettre en place, à tous les niveaux, des institutions efficaces, responsables et ouvertes à tous.
 

Repères


PRÉSENTATION DE l'ODD

L’adoption de l’ODD n°16 représente une véritable rupture dans l’histoire des institutions internationales. Jusqu’alors, le thème de la gouvernance n’était abordé que comme un accessoire du développement économique. Dans le vocabulaire de la banque mondiale depuis les années 1980, la notion de « bonne gouvernance », justifiée par la lutte contre la corruption, signifiait exclusivement la réduction de la part des dépenses publiques dans l’économie au profit des mécanismes de libre concurrence et de marché. 

Pour surmonter la méfiance de nombreux gouvernements à l’encontre de l’immixtion des institutions internationales dans le champ politique, l’ODD n°16 évite soigneusement d’évoquer explicitement la gouvernance et met l’accent sur les enjeux de paix, de sécurité et de justice.

Il permet néanmoins de considérer les droits humains comme un facteur de développement durable à part entière.
 

SITUATION DE l'ODD EN FRANCE

Indicateurs à suivre

  • Homicides en cumul annuel.
  • Part de la population de 18 à 75 ans victimes de violences physiques et/ou sexuelles.
  • Proportion de personnes s’étant déclarée victimes de violences physiques et/ou sexuelles.
  • Proportion de personnes déclarant se sentir en insécurité dans leur quartier ou dans leur village.
  • Proportion de prévenus chez les détenus.
  • Réduction de la corruption.
  • Taux de satisfaction des services publics.
  • Répartition des postes de la fonction publique par sexe et par âge.
     

Où en sommes-nous en France ?

Dans le tableau de bord des indicateurs des ODD, la France ne renseigne que trois des douze sous-objectifs de l’ODD n°16 :

  • nombre d’homicides : environ 800 en moyenne annuelle, 872 en 2015 en raison des attentats.
     
  • part de la population victime de violences : 2,4 % selon les statistiques pénales, 19 % selon les enquêtes de victimation (y compris les violences verbales ou légères qui ne donnent pas lieu à dépôt de plainte).
     
  • proportion de prévenus parmi les détenus : 27 % en 2015, 25 % en 2011.
     
  • répartition des emplois publics par sexe et par âge :

    Hommes    37,9 % 
    Femmes    62,1 %
    15-24 ans    5,7 %
    25-34 ans    20,7 %
    35-49 ans    41,9 %
    50 ans et plus    31,7 %


Le choix de ces indicateurs est pour le moins restrictif et mériterait d’être enrichi par les acteurs de la société civile. On pourrait par exemple considérer le nombre de personnes détenues : 29 482 en 1977 (55 pour 100 000 habitants), 69 714 en 2017 (104 pour 100 000), qui met la France en mauvaise posture en Europe, mais loin derrière les États-Unis (730 pour 100 000). 

La corruption, les discriminations, la maltraitance des enfants peuvent également faire l’objet de statistiques précises. 

La fixation de valeurs statistiques ou d’indicateurs qualitatifs cibles pour 2030 pour l’ensemble des sous-objectifs pourrait être un enjeu politique pour les organisations de la société civile. Dans la plupart des autres pays, les indicateurs utilisés sont des enquêtes d’opinion.
 

Prospective exploratoire


Tendances lourdes et facteurs d'incertitudes


 Violence, délinquance et criminalité

La quasi-totalité des indicateurs est stable ou en baisse sur dix ans, à l’exception des vols de deux-roues motorisés, de vélos et des escroqueries bancaires, liés à l’accroissement des usages. L’augmentation de la population carcérale n’en est que plus préoccupante. (Source : ministère de l’Intérieur, rapport d’enquête « Cadre de vie et sécurité » 2017).
 

 Corruption et criminalité organisée

Outre que ces phénomènes sont par définition difficiles à quantifier, les enquêtes menées récemment par des consortiums internationaux de journalistes et les informations diffusées par des lanceurs d’alerte montrent qu’il existe des liens nombreux entre corruption, criminalité organisée, fraude fiscale et optimisation fiscale. 

L’ampleur prise par ces phénomènes dans le contexte d’une économie dérégulée ainsi que leur impact sur l’équilibre financier des États et l’accroissement des inégalités en font un enjeu central pour l’avenir des démocraties. 

Les « institutions efficaces » visées par l’ODD n°16 ne doivent pas seulement être constituées et régulées selon des règles transparentes, elles doivent aussi être en mesure de faire face aux puissances financières licites et illicites. 
 

 Terrorisme

Le développement du terrorisme islamiste comme facteur majeur d’instabilité et d’insécurité et le fait qu’il évolue vers des formes de moins en moins structurées, reposant essentiellement sur la capacité
d’influence des réseaux sociaux, brouillent les distinctions entre guerre et paix, entre défense et sécurité intérieure.

Les législations visant à élargir la capacité d’action des États contre le terrorisme sont perçues comme menaçantes pour les libertés fondamentales.

L’un des risques majeurs pour l’avenir des sociétés démocratiques est la convergence objective d’intérêts entre le terrorisme et le populisme, le premier alimentant le second, notamment à travers l’hostilité envers les migrants.
 

 Efficacité des institutions

L’architecture institutionnelle des démocraties libérales, dominante après la Deuxième Guerre mondiale puis hégémonique après 1989, est entrée dans une phase de transition profonde qui voit remettre en cause les principes fondamentaux de l’ordre symbolique et social : l’autorité du savoir scientifique, la bienfaisance du progrès technique, la légitimité des institutions représentatives, la pérennité de l’ordre juridique se heurtent à la revendication croissante des droits subjectifs. 

La subordination des services de base (éducation, santé, accès à l’eau, énergie, mobilité) aux critères de la performance financière a par ailleurs fragilisé la composante opérationnelle des services publics. Enfin, le mouvement de fragilisation financière des États par la convergence du dumping fiscal, de l’optimisation fiscale, de la fraude fiscale et du financement des dettes publiques par les marchés financiers a achevé d’amputer la capacité d’action des institutions publiques.

Il existe donc une tendance longue et multifactorielle de reconfiguration des institutions qui peut provoquer des phénomènes de crise aiguë ou d’effondrement de l’action collective dont témoigne l’essor des régimes populistes et autoritaires. L’adoption des ODD peut contribuer à légitimer un projet de rebasage démocratique des institutions et de leurs critères d’efficacité. 
 

 Démocratie ouverte

Construites dans le cadre des États-nations, les démocraties ont fondé la citoyenneté sur l’appartenance à la communauté nationale et donc sur l’exclusion des étrangers. Pour que la fiction de l’élaboration de la loi au nom du citoyen soit possible, il fallait que celui-ci adhère à l’idée que l’élu le représentait, était son semblable grâce à l’appartenance commune. Cette identification n’est plus possible dans une société composée d’individus aux appartenances multiples et fluides. Le double lien démocratie-souveraineté et démocratie-représentation s’est affaibli. 

Nous cherchons à revitaliser la démocratie par la démocratie participative, qui multiplie les formes de consultation des citoyens, et par la démocratie contributive, qui élargit le cadre de leur pouvoir d’agir en soutenant l’entrepreneuriat, l’innovation sociale ou la vie associative. La démocratie inclusive qui est désormais notre idéal s’incarne moins dans les institutions et leurs règles, davantage dans les pratiques et leur éthique.

C’est pourquoi l’exigence de transparence, le rejet d’une corruption autrefois tolérée et la mise en cause du comportement personnel des dirigeants, autrement dit l’émergence d’un « ordre éthique », sont désormais au cœur du projet démocratique.
 

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