La Coopération regroupe quatre associations d’intérêt général : trois maisons de quartiers (agréées centres sociaux) implantées sur trois quartiers clés de la ville (dont deux « Politique de la ville ») et une accorderie (agréée espace de vie sociale). C’est en 2014, dans un contexte marqué par une baisse brutale des financements municipaux à l’égard des projets associatifs, que naît une volonté inter-structures de solidarité. Les centres sociaux décident de définir un socle d’existence commun, et bientôt de travailler ensemble pour construire in fine une organisation porteuse d’un projet global de territoire, à fort impact collectif.
La Coopération s’est dotée d’une gouvernance propre et a développé des thématiques d’actions communes, dans une logique transversale et globale, à l’échelle d’un bassin de vie. Cette communauté d’actions progressive a abouti, au printemps 2018, à l’obtention d’un agrément « espace de vie sociale » par la Caisse des allocations familiales, garantissant la pérennité de ce modèle novateur de fonctionnement. La Coopération a permis l’émergence de projets répondant à des besoins sociaux, mais aussi de diversifier les sources de financements et les partenariats, ou encore de faire évoluer les pratiques au sein des équipes salariées et des conseils d’administration.
Rendre visible et légitimer la plus-value sociale
Pour prendre la mesure des retombées liées à la mise en place de cette forme innovante de coopération pour les habitants, pour le territoire et les associations, les centres sociaux ont lancé en 2017 une évaluation de l’impact social de la Coopération.
L’objectif est alors de mettre en mots et de valoriser la plus-value sociale de la Coopération, dans une visée de plaidoyer. En cela, l’évaluation devient un moyen efficace de rendre des comptes (aux habitants, aux administrateurs, aux partenaires…) mais aussi de qualifier l’impact des actions aux financeurs, en maintenant la pédagogie nécessaire.
En effet, outre les données quantitatives et les bilans de suivi dont se saisissent classiquement les centres sociaux, l’évaluation d’impact est un questionnement particulier qui permet de porter un nouveau regard sur les effets produits par les actions, en combinant la collecte de données quantitatives mais aussi les données qualitatives. Pour les structures, il parait primordial d’être en mesure de valoriser les éléments qualitatifs, les « intangibles » non quantifiables, qui sont pourtant fondamentaux au regard des parcours de vie, du développement des compétences, de la responsabilité environnementale ou encore de l’émancipation des habitants fréquentant les centres sociaux et de signifier leurs contributions au développement sociétal et environnemental.
S’interroger et prendre du recul sur le sens de l’action
Il s’agit aussi d’inscrire durablement l’évaluation de l’impact social dans les pratiques évaluatives des trois centres sociaux. La première phase de mise en place du processus, de juillet 2017 à octobre 2018, s’est décomposée en plusieurs temps classiques d’évaluation : le cadrage, la collecte de données puis l’analyse au travers l’édition d’un rapport final d’évaluation.
En premier lieu, pour fixer les attendus de la démarche et cadrer le processus, le sens de la Coopération, sa raison d’être a été questionné. L’idée était de créer du dialogue au sein des équipes salariées et des conseils d’administration, afin de s’accorder sur la réponse à cette question simple mais néanmoins fondamentale : « La Coopération, à quoi ça sert ? ». De ce dialogue ont émergé six réponses, correspondant aux six objectifs de la démarche coopérative, ainsi qu’à six critères d’évaluation, déclinés ensuite en indicateurs et en marqueurs de changements.
Ces six critères ont permis de construire collectivement l’outil central de l’évaluation : la « fleur de l’utilité sociale » (schéma ci-dessous). Des temps d’animation ont permis de renseigner les dimensions du projet, la fleur se révélant un outil très efficace pour faire le bilan des actions de la Coopération, ainsi qu’ un excellent moyen, pour les habitants, de prendre conscience collectivement du chemin parcouru et des impacts des actions au regard des six critères d’évaluation.
Un outil au service du développement des projets et d’accompagnement de la transformation sociale
Se saisir de la notion d’impact social implique d’ouvrir le dialogue et d’inviter la pluralité de parties prenantes à réinterroger le sens d’un projet de territoire. Le processus évaluatif permet de produire de la connaissance sur l’organisation via de nouveaux outils évaluatifs qui doivent venir outiller les équipes pour qu’elles soient en capacité d’évaluer l’impact social de leurs actions dans la durée. En cela, l’évaluation est un réel instrument de pilotage stratégique, permettant de tirer les enseignements de l’évaluation en faisant évoluer les pratiques et les processus fonctionnels (mode de décision collective, place des habitants, etc.).
L’évaluation de l’impact social de la Coopération de Romans-sur-Isère est une évaluation in itinere, c’est-à-dire conduite alors que l’action étudiée est encore en cours de déploiement. C’est un processus, au sens où le chemin parcouru durant la période d’évaluation parait aussi important que les résultats de l’évaluation eux-mêmes. La démarche permet de faire la charnière entre l’organisation coopérative et l’action de terrain, en combinant la logique réflexive et sa traduction en « faire ».
Les premiers résultats issus du travail de collecte de données ont ainsi permis d’ouvrir la discussion en interne, auprès des administrateurs et des salariés, afin d’en tirer les enseignements stratégiques, permettant de formaliser des conclusions et des recommandations. En ce sens, l’évaluation a pleinement rempli son objectif d’accompagnement des projets, en permettant un ajustement des actions et des modes de faire, vers plus d’efficacité.