Comme les entreprises, les partis politiques, les assemblées élues, les administrations et les médias, les autres organisations de la société civile, et tout particulièrement les associations, sont concernées par la lutte contre les discriminations et pour l’égalité des chances, tant en interne dans leur mode de fonctionnement et de représentation, que par leur participation au débat sur la reconnaissance des identités multiples qui composent la société. Cet article, rédigé à partir du travail préparatoire au séminaire du 11 juin 2010, propose un tour d’horizon des différentes dimensions du thème « Associations, discriminations et diversité », et des enjeux qu’il représente pour l’avenir du monde associatif et sa place dans notre société.
Diversité et discriminations : en quoi le monde associatif est-il concerné ?
Les associations dans la lutte pour l’égalité
Les associations sont des outils indispensables dans la lutte pour l’égalité des chances : elles sont aux premières loges pour promouvoir l’égalité d’accès au logement, à la formation et à l’emploi, à la santé, aux responsabilités publiques, notamment politiques, etc. Elles sont nombreuses à être moteur dans la lutte contre les discriminations.
Elles ont d’ailleurs souvent été inspiratrices et actrices de la mise en place d’« actions positives » qui visent à rétablir l’égalité des chances entre les citoyens. En accompagnant les personnes exclues ou discriminées, elles visent à rétablir l’égalité des chances « au départ », à compenser les handicaps ou le manque de reconnaissance.
Elles sont aussi un outil privilégié de l’émancipation des publics défavorisés ou discriminés. En permettant l’inscription dans un projet commun, elles favorisent une prise de pouvoir personnel et collectif des personnes concernées (marche des beurs, lutte contre le sida, droit des femmes, fierté Lgbt2, etc.). Elles sont un levier dans la construction de l’accès de ces personnes à l’espace public. C’est au nom de l’égalité, comme de la reconnaissance, que ces associations portent l’expression de différences dans l’espace public.
Dès lors, la question qui se pose aux associations est : Comment éviter la création de « ghettos » identitaires et leur juxtaposition dans l’espace public ? Comment porter les paroles et identités spécifiques de groupes particuliers, victimes de discriminations, tout en favorisant leur intégration dans un espace commun ?
Discriminations et diversité au sein du monde associatif
Les associations sont par ailleurs directement interpellées sur le thème de la lutte contre les discriminations :
« Affinités électives » et discriminations
En tout premier lieu en raison de la nature même du fait associatif : la liberté de se choisir entre soi pour mettre en œuvre un projet collectif partagé, fondement de la liberté associative, peut-il entraîner des discriminations au sein des associations ?
La liberté de se choisir est intrinsèque au fait associatif : la loi de 1901 donne une grande latitude aux personnes, pour se regrouper et poursuivre des objectifs très divers. Ainsi, par nature toute association est sélective, basée sur des « affinités électives », puisqu’elle regroupe des personnes qui adhèrent à un projet ou qui sont concernées par les intérêts ou les causes qu’elle défend. Dès lors, à quel moment une association devient-elle discriminante ? Que penser des associations qui regroupent, alors qu’elles poursuivent des finalités affirmées d’ « intérêt général », des personnes socialement « semblables », issues des mêmes milieux et réseaux sociaux et donc manquent gravement de mixité sociale ? Ces associations ont-elles des fonctionnements qui génèrent implicitement des discriminations et expliquent la relative homogénéité de leur composition ?
Rôle et reconnaissance des associations « affinitaires »
Ensuite, se pose la question de la place dans l’espace public des associations composées sur une base identitaire ou affinitaire particulière (associations de personnes originaires de tel ou tel pays, ou porteuses de telle ou telle culture ou religion, etc) : quelle reconnaissance accorde-t-on à cette contribution à la construction de l’espace public à partir de l’expression des différences ? Quelle est la place de ces associations dans la représentation associative ?
Vie associative et représentation de la diversité
Enfin, les responsables associatifs ont souvent un rôle de représentation des personnes et des intérêts matériels et moraux des groupes sociaux particuliers et, contribuent ainsi ensemble à l’expression des catégories sociales et des problématiques spécifiques qui composent la société. Elles ont à ce titre un rôle important d’interlocuteur des pouvoirs publics, sur différents sujets, et exercent parfois leur fonction de représentation au sein d’instances de dialogue avec les pouvoirs publics (qu’il s’agisse d’instances sectorielles de type conseil consultatif, Haut conseil, etc., ou d’instances transversales telles que le Conseil national de la vie associative, le Conseil économique, social et environnemental et ses déclinaisons régionales, la Conférence permanente des coordinations associatives et ses coordinations régionales, les Chambres régionales de l’économie sociale et solidaire, etc.).
Cette fonction de représentation, indispensable pour assurer le dialogue avec les pouvoirs publics et les autres acteurs de la société civile, doit donc porter et défendre les intérêts et causes soutenues par l’ensemble du monde associatif, mais aussi diffuser l’expertise associative sur différents sujets de société.
Apparaît ainsi un enjeu majeur pour la qualité de la représentation associative : les associations et les personnes qui l’exercent se doivent d’être représentatives de la diversité des intérêts et des appartenances présentes dans la société. Les dirigeants associatifs et représentants de la vie associative, sont-ils issus de la diversité qui compose le tissu associatif ? Sont-ils représentatifs des différents milieux sociaux, appartenances identitaires et affinitaires, des secteurs d’activités, qui font la richesse de la vie associative ?
Des enjeux déterminants pour l’avenir de la vie associative
Trois enjeux principaux nécessitent pour le monde associatif de mener une réflexion pour apporter des éléments de réponse à ces difficiles questions.
Diversité et cohésion sociale
Il est d’abord question de cohésion sociale, c’est-à-dire de la nature et de la qualité des relations qui existent entre les membres d’une société. La vie associative est un élément indispensable dans la création de lien social. D’abord, les associations créent des liens « en interne », entre des individus qui se regroupent pour poursuivre un objectif commun. Il s’agit ici d’un lien social qui repose sur des « affinités électives » entre les personnes. Ces affinités peuvent être de différentes natures, qu’il s’agisse d’intérêts, d’appartenances, d’identités ou de convictions communes. Elles peuvent ainsi reposer sur une même origine ethnique ou culturelle, un handicap, un âge, un sexe, une pratique sociale ou autres caractéristiques sociales distinctives. Ainsi une association est par nature sélective. Cette sélectivité appartient à la nature associative et n’est pas problématique en soi. Autrement dit, sélectivité ne signifie pas discrimination. Une association peut être constituée d’un groupe de personnes qui ont toutes un point commun, mais dont les autres « appartenances » (milieu social, appartenance culturelle, croyance, origine ethnique, âge, etc.) sont diverses et reflètent la pluralité des groupes présents dans notre société.
Néanmoins, cette sélectivité comporte un risque : celui de se doubler d’un repli de l’association sur un groupe social uniforme et de se prolonger dans une homogénéité des membres, qui ne repose en rien sur les objectifs de l’association. Les affinités électives peuvent devenir discriminantes si, à la nature de l’objet de l’association, s’ajoutent des « critères » implicites, autres que ceux découlant du projet associatif et qui sous-tendent en fait le regroupement des personnes.
S’il en est ainsi, le lien social créé par une association recherchant l’homogénéité sociale de ses membres, sera moins riche que s’il se construit en associant des différences. C’est pourquoi, pour répondre à cet enjeu de cohésion sociale, les associations doivent s’assurer que l’objet qu’elles portent n’entraîne pas la fermeture à la diversité des autres appartenances et dépasse les clivages sociaux. à cet égard on ne peut qu’être frappé des carences du monde associatif dans son ensemble en terme de représentativité sociale, et cela plus on s’élève dans la hiérarchie des responsabilités, qu’il s’agisse de l’âge, du sexe, de l’origine sociale ou de la couleur de la peau.
Ensuite, les associations créent du lien social « externe » : elles sont le support de rapprochements entre des groupes présents dans l’espace public et amenés à dialoguer ou collaborer autour de projets communs ou de projets de territoires. Elles créent ce lien social « transversal » quand elles nouent des partenariats avec d’autres associations, ou encore avec des entreprises, ou quand elles organisent des événements ouverts au public : elles se tournent vers l’extérieur et rapprochent des personnes autour de leur action. La nécessité de construire, à partir du capital social « identitaire » ou affinitaire, un capital social « transversal », autrement dit de construire des liens entre groupes identitaires, mais aussi entre ces groupes et les autres organisations de la société civile, est déterminant pour la cohésion sociale, afin d’éviter la juxtaposition de groupes sans échanges entre eux dans l’espace public.
Enfin, les associations interviennent dans la création de liens entre d’une part la société civile et les groupes qui la composent, et d’autre part, les institutions publiques et notamment politiques de notre démocratie. Elles le font à travers leur fonction de représentation mais aussi à travers leur capacité d’interpellation des pouvoirs publics. Cette double fonction de représentation et d’interpellation est une contribution essentielle à la cohésion sociale. La problématique de la lutte contre les discriminations et la valorisation de la diversité la concerne. Nous y reviendrons.
Il semble donc crucial, si la vie associative entend pleinement jouer son rôle dans la cohésion sociale, que les responsables associatifs s’interrogent sur leur façon de porter l’exigence de diversité « en interne » et « vers l’extérieur ».
Diversité et pertinence de l’action associative
Depuis quelques années la thématique de la diversité a été, dans le monde de l’entreprise, à l’origine de changements parfois importants dans les conceptions du management des ressources humaines. La diversité est une composante de la responsabilité sociétale des entreprises (Rse), qui désigne la contribution des entreprises aux enjeux du développement durable3. Elle comporte des éléments relatifs à la parité hommes/femmes, à l’emploi des seniors, à l’insertion professionnelle des personnes handicapées et à la présence des « minorités visibles » dans l’entreprise. Suite au rapport publié en 2004 par l’Institut Montaigne, Les oubliés de l’égalité des chances, une « charte de la diversité » a été proposée par Claude Bébéar et Yazid Sabeg, signée depuis par plus de 3 000 entreprises. Outre la conformité avec la loi, cette charte défend les effets bénéfiques de la diversité sur la réputation de l’entreprise auprès des clients et partenaires (« démontrer son engagement en tant qu’entreprise responsable »), sur la gestion des ressources humaines (diversité des compétences), et la performance économique (meilleure compréhension des attentes des clientèles, proximité avec la demande, capacité d’innovation).
La performance est ainsi devenue un leitmotiv de l’introduction de la diversité dans les entreprises. Si on peut déplorer que la signature de cette charte soit dans certains cas un affichage marketing des entreprises plus qu’une transformation profonde de leurs politiques managériales, cette démarche a néanmoins le mérite de pointer des enjeux stratégiques, qui concernent également les organisations du monde associatif et que l’on peut, plus qu’en termes de performance, résumer en termes de pertinence de l’action associative. Encore plus que pour les entreprises, les ressources immatérielles des associations jouent un rôle considérable dans la pérennité de leurs projets, pour trois raisons prinicipales :
► la diversité des contributions, des compétences et des regards apportent de la richesse au contenu des projets collectifs. Elle permet une meilleure connaissance des besoins sociaux ou des enjeux d’un territoire et une meilleure adéquation des projets à la réalité de ces besoins et enjeux ;
► promouvoir la diversité permet d’approfondir les motivations des bénévoles et salariés des associations, leur adhésion aux projets. Ce que montrent en effet les études sur la diversité en entreprises, c’est que la promotion de la tolérance et de l’ouverture, la valorisation des richesses issues de la confrontation des différences entre les personnes, apportent du sens au travail, aux yeux de leurs salariés. Quand on sait que le sens est l’une des motivations principales des salariés et bénévoles associatifs, on ne peut que s’étonner que les responsables associatifs ne s’emparent pas davantage de la diversité comme condition de la pérennité de leurs projets !
► vers l’extérieur, la promotion de la diversité est garante de la confiance des parties-prenantes de l’association, qu’il s’agisse des partenaires et financeurs, mais aussi vis-à-vis du grand public. Elle est en effet perçue comme une condition de la poursuite de l’intérêt général et du non-usage de l’association comme outil au service de la défense des intérêts d’une catégorie sociale particulière.
Richesse des contributions, proximité avec les besoins sociaux, capacités d’innovation, confiance, valeurs… : tels sont les mots-clés des enjeux de la diversité pour la pertinence de l’action associative.
Diversité et accès aux responsabilités dans l’espace public
Troisième grand enjeu pour le monde associatif : la qualité de la représentation de la société dans l’espace public. Pour prendre la mesure de cet enjeu, voici un détour chiffré sur l’état de la diversité dans l’accès aux responsabilités politiques et économiques, selon deux axes : le sexe et l’origine ethnique, avant de nous pencher sur la diversité au sein du monde associatif.
Sexe et responsabilités économiques et politiques
Concernant d’abord l’accès aux responsabilités économiques et pour ne citer qu’un seul chiffre : alors qu’aujourd’hui 81 % des femmes exercent une activité professionnelle, elles ne représentent que 5 % des cadres des grands groupes, et 7 % des cadres dirigeants des 5 000 premières entreprises du Cac 40 français.
Concernant l’accès aux responsabilités politiques, les femmes représentent 53 % du corps électoral. Notre pays a beaucoup légiféré ces dernières années : on peut citer la loi sur la parité en 2000, celle de juillet 2007 sur l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats et fonctions électives, et la loi constitutionnelle de juillet 2008. Les femmes aujourd’hui représentent 35 % des conseillers municipaux et 14 % des maires ; 12 % des conseillers généraux et 48 % des conseillers régionaux ; 20 % des parlementaires et 44 % des députés européens.
Origines ethniques et démocratie représentative
On sait qu’aujourd’hui en France vivent 8 millions de personnes des « minorités visibles », parmi lesquelles 5-6 millions de Français, soit 10 % de la population totale des Français.
On dispose de quelques données sur la présence des « minorités visibles » dans la représentation politique6. Si les résultats au niveau local montrent une évolution de l’ouverture des fonctions électives aux citoyens qui en sont issus, le constat au niveau national est « accablant », selon l’Institut Montaigne : « L’égalité des chances devant l’opportunité d’occuper une fonction politique n’est visiblement pas respectée. Il existe un profil-type de l’élu : homme, blanc, de plus de 55 ans, appartenant aux couches sociales supérieures… » Les minorités visibles représentent ainsi seulement 0,81 % des parlementaires métropolitains (trois députés et quatre sénateurs), et seulement 4 % de la délégation française au Parlement européen.
Quand on regarde les dernières élections municipales (2008), seule l’Ump a présenté un candidat issu des minorités visibles dans une ville de plus de 200 000 habitants, tandis que le PS n’en a présenté aucun, et seulement sept dans les villes de plus de 30 000 habitants. L’Ump quant à elle a présenté treize candidats têtes de listes dans les villes de plus de 30 000 habitants. Quantitativement, des progrès ont été réalisés par rapport au dernier scrutin municipal de 2001. En revanche, sur le plan qualitatif, on constate que les adjoints issus de la diversité sont le plus souvent classés après la dixième place parmi les adjoints et reçoivent souvent des délégations spécifiques (égalité et lutte contre les discriminations notamment). Concernant les dernières élections régionales (2010), seulement 5,30 % des personnes qui ont été élues sont issues de la « diversité ».
Ces quelques chiffres nous en disent un peu plus sur l’écart qui existe dans notre société entre sa réalité électorale et sociologique et sa représentation politique.
Diversité et accès aux responsabilités associatives
Dès lors, que sait-on de la diversité dans l’accès aux responsabilités dans les associations ?
Concernant l’égalité entre hommes et femmes, de nombreux progrès restent à faire. En effet, aujourd’hui 40 % des femmes sont adhérentes d’une association et 22 % exercent une activité bénévole. Les femmes représentent près de 70 % des salariés du secteur associatif. En revanche, parmi les dirigeants, les femmes ne sont que 31 % parmi les présidents d’associations, 42 % parmi les trésoriers et 57 % parmi les secrétaires.
Concernant la mixité sociale, les chiffres incitent en revanche à l’optimisme, puis qu’on constate une amélioration grâce à une présence de plus en plus forte des employés et professions libérales, des étudiants, inactifs et chômeurs, et une baisse de la part que représentent les cadres moyens et supérieurs, ainsi que les enseignants. Optimisme à nuancer cependant car les ouvriers sont absents de cette évolution. Grâce à ces évolutions, le monde associatif, principalement un monde de membres de la classe moyenne, plutôt diplômés et plutôt de sexe masculin, tend à se diversifier.
De manière générale, la présence des femmes et la mixité sociale se constate davantage dans les associations récentes, les plus anciennes connaissant plus de difficultés de renouvellement de leur composition, notamment celle de leurs dirigeants. Cette dimension est importante à prendre en compte quand on sait que la représentation associative dans différentes instances est plutôt constituée d’associations anciennes, de fédérations et regroupements qui ont historiquement structuré le monde associatif en secteurs d’activités : les femmes et les catégories sociales telles que les employés, professions libérales, étudiants, inactifs et chômeurs, y sont moins présentes.
Aucune enquête en revanche n’a pour l’instant été menée sur la présence des personnes issues des « minorités visibles » dans la représentation associative. De telles données seraient nécessaires pour dresser un constat sur la présence de la diversité. On ne peut sur ce sujet que se fier à quelques observations subjectives…
C’est pourquoi, face à la nécessité d’un meilleur accès de l’ensemble des citoyens quels que soient leur âge, origine, sexe, origine ethnique ou appartenance religieuse, etc, aux responsabilités sociales, il convient pour le monde associatif de s’interroger sur lui-même et son ouverture à la diversité. L’enjeu est en effet de ne pas reproduire les inégalités considérables constatées dans l’accès aux responsabilités économiques et politiques et de faire de la diversité un enjeu majeur. Faire en sorte que les associations et notamment la représentation associative, soient le reflet de notre société et des appartenances des citoyens, est donc un chantier à lancer de toute urgence pour le monde associatif.
Quelle stratégie adopter ?
Des engagements du monde associatif
Le monde associatif a pris, depuis 2001, des engagements en matière de diversité. La charte des engagements réciproques, la charte de l’égalité et l’engagement national pour l’accès de tous aux responsabilités associatives, en témoignent.
La charte des engagements réciproques entre l’état et les associations, signée en 2001 à l’occasion du centenaire de la loi relative à la liberté d’association, engage les signataires à :
- faire respecter le principe de non-discrimination des personnes dans l’engagement associatif ;
- ouvrir l’accès à la citoyenneté au plus grand nombre, en particulier aux jeunes et à ceux qui ont le plus de difficultés à se faire entendre ;
- assurer la complémentarité des ressources humaines ;
- améliorer l’équilibre entre les femmes et les hommes dans l’exercice des responsabilités.
La charte nationale de l’égalité, signée en mars 2004 par quinze coordinations associatives, contient des engagements en faveur de l’égalité entre les hommes et les femmes dans la vie associative et les invite à s’interroger « davantage encore sur la manière dont elles participent à la mise en œuvre de l’égalité entre les femmes et les hommes dans leur fonctionnement interne comme dans leur action ».
En 2006, année où l’égalité des chances a été déclarée grande cause nationale et à l’occasion de la Conférence nationale de la vie associative, la Cpca8 a signé l’engagement national en faveur de l’égalité des chances pour l’accès de toutes et de tous aux responsabilités associatives. Ce texte stipule : « L’état et les associations s’engagent à promouvoir l’égalité des chances pour l’accès aux postes de responsabilités dans les associations et leurs regroupements, afin de contribuer à une société juste et solidaire. »
Qu’en est-il des applications concrètes qui ont suivi la signature de ces textes ? Le monde associatif ne devrait-il pas lancer une évaluation de la situation sur ces aspects essentiels pour sa légitimité dans l’espace public ? Force est de constater que le monde associatif manque d’outils pour évaluer la mise en œuvre des orientations contenues dans ces textes.
Des outils, des démarches
Mais des initiatives intéressantes existent, et doivent être diffusées. On peut citer par exemple celle de l’Usgeres (Union de syndicats et groupements d’employeurs représentatifs dans l’économie sociale). L’Union s’est engagée depuis 2006 à promouvoir la qualité de l’emploi dans les branches et les secteurs de l’économie sociale et notamment en matière de lutte contre les discriminations. Son conseil d’administration a notamment décidé la formation d’un réseau, composé de référents nationaux et correspondants régionaux qui valorisent la responsabilité des employeurs de l’économie sociale et encouragent l’évolution de leurs pratiques. L’Union porte également un projet d’accord collectif interbranche « égalité et prévention des discriminations », actuellement dans une phase de concertation. Il devrait voir le jour en 2011.
On peut également citer l’initiative du Cjdes (Centre des jeunes, des dirigeants, des acteurs de l’économie sociale) : la création d’un outil « Autodiagnostic discriminations et diversité », dans le but de sensibiliser les acteurs et les inviter à la réflexion et à l’action. Cet outil est utilisé gratuitement et anonymement, en ligne, par les acteurs des entreprises et des associations volontaires. Les questions posées portent sur les discriminations selon le genre, l’origine, l’apparence physique, les convictions, concernant l’activité ou le produit (accès et adaptabilité), les ressources humaines (recrutement et gestion des compétences et carrières) et les ressources sociales et bénévoles (direction politique). Chaque utilisateur s’exprime sur sa perception de son organisation en matière de lutte contre les discriminations. L’outil ne permet donc pas de donner des preuves de l’engagement (ou non) de son organisation en matière d’égalité ou de lutte contre les discriminations, mais vise à sensibiliser les acteurs. Il est de plus en plus utilisé de manière collective, dans un service, lors d’une réunion, etc. Il permet alors aux acteurs d’une même structure de se mettre d’accord sur le diagnostic, à partir de questionnements simples, de s’accorder sur une grammaire de la lutte contre les discriminations, préalable à toute action. L’outil permet donc un état des lieux des perceptions d’acteurs et non de la réalité objective. Il est néanmoins intéressant en tant que reflet des pratiques perçues par les acteurs des entreprises et des associations.
Les statistiques de l’outil en 2009 montrent d’ailleurs que, selon les utilisateurs (en majorité des associations), ce sont les « ressources sociales et bénévoles » qui méritent le plus de progrès dans les organisations : les moins bons résultats concernent la politique de recrutement, d’intégration des dirigeants politiques élus, c’est-à-dire à l’ouverture de la gouvernance à la diversité.
Conclusion
Le monde associatif doit s’emparer de ces enjeux autour de la diversité et se questionner collectivement pour définir des stratégies d’actions. Comme on l’a vu, l’enjeu de la diversité concerne à la fois la cohésion sociale, la pertinence de l’action associative, mais aussi la contribution de la société civile à une société plus démocratique. C’est donc l’intérêt général que l’on doit viser, en promouvant la diversité au sein des associations, dans leur représentation, mais aussi par la reconnaissance de l’apport des associations identitaires à la construction d’une citoyenneté commune.