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Alors que certains déplorent un recul de l’engagement au sein de la société, qu’en est-il réellement ? Sommes-nous dans une société d’individualistes ? Alors que 63 % des Français se disent engagés1 , quelles sont les manifestations de cet engagement ?
Qu’est-ce que l'engagement ?
Le terme « engagement » est polysémique, il peut renvoyer aux registres politique, juridique, médical, historique, professionnel, ou encore militaire. Anne Muxel propose de se référer à la définition de l’encyclopédie Universalis. L’engagement est « un mode d’existence dans et par lequel l’individu est impliqué activement dans le cours du monde, s’éprouve responsable de ce qui arrive, ouvre un avenir à l’action2 . »
L’engagement, selon Anne Muxel, se caractérise par des actions et des valeurs s’inscrivant dans une temporalité sociale et un processus biographique. Il s’agit d’interactions entre l’individu et le groupe, et plus globalement la société.
« De nombreuses personnes s’engagent pour défendre une cause, et plus globalement pour agir pour l’intérêt général », ajoute Alice Barbe. Les ressorts émotionnels, dont la colère, peuvent ainsi susciter une envie de s’engager. C’est le cas notamment du mouvement international Fridays for Future, initié par Greta Thunberg, qui fédère des jeunes sensibles à la crise écologique. En faisant une grève scolaire, ils souhaitent dénoncer l’inaction climatique des gouvernants.
Les engagements pluriels
« Malgré la multitude de crises concomitantes, dont la crise de défiance institutionnelle, et l’effacement des corps intermédiaires, les Français continuent à s’engager. D’ailleurs, plus de la moitié des Français se disent engagés3 », insiste Anne Muxel. « Nous ne sommes pas dans une société repliée sur elle-même, apathique et individualisée », poursuit-elle.
Une variété d’engagements existe4 . Le vote, qui demeure un acte d’engagement concernant des millions de citoyens, ainsi que l’adhésion à un parti politique, un syndicat ou une association sont des formes d’expression conventionnelles.
D’ailleurs, les jeunes éprouvent une défection pour ces corps intermédiaires. « Ils préfèrent s’engager de manière plus ponctuelle en dehors de ces organisations pouvant être perçues comme contraignantes », complète Alice Barbe.
Des formes non conventionnelles, telles que les manifestations, les signatures de pétition ou le boycott, existent également.
Un renouvellement des engagements
Désormais, les engagements sont protéiformes, moins pérennes et plus autonomisés. Ainsi, Alice Barbe rappelle qu’à Singa, l’association œuvrant pour une société plus inclusive pour les nouveaux arrivants qu’elle a cofondée, les étiquettes de « bénévoles » ou bien encore de « bénéficiaires » ne fonctionnent pas. « Les gens veulent agir ensemble pour un projet de société, sans être enfermés dans des cases et des contraintes », explique-t-elle.
Anne Muxel observe, quant à elle, le développement d’engagements plus expérimentaux, apparus notamment pendant la crise liée au COVID-19. Les citoyens se sont mobilisés spontanément dans le cadre de solidarités de proximité.
Les outils numériques ont d’ailleurs joué un rôle clé à cette période. Ils ont facilité la mise en place d’actions d’entraide dont les jeunes étaient à l’initiative. Plus globalement, le numérique démultiplie la capacité d’engagement. En un clic, un individu peut rejoindre un collectif et agir pour une cause.
Renforcer les engagements pour un monde progressiste
Au cours des échanges, Alice Barbe a alerté les participants sur l’engagement — bien réel — de mouvements d’extrême droite, ainsi que de forces antidémocratiques, que ce soit en France ou dans d’autres pays du monde. Elle remarque que « partout sur la planète, les démocraties reculent, notamment en Afghanistan ».
Certains — comme Steve Bannon — ont un agenda pour les faire reculer en finançant des partis antidémocratiques en Europe. Ce péril autoritaire est partagé par Anne Muxel. « Les forces antidémocratiques sont bien présentes et organisées sur les réseaux sociaux ».
Pour y faire face, Alice Barbe a créé l’Académie des Futurs Leaders. En s’appuyant sur des personnes dont l’engagement en faveur d’un monde plus juste, solidaire et durable est reconnu par leurs pairs, elle souhaite accompagner l’émergence d’une nouvelle génération politique.
L’engagement est une voie indispensable pour construire un projet collectif de société, au service du progrès et de l’émancipation des individus, conclut Anne Muxel. La fraternité, mot de la devise républicaine, constitue le ciment et la condition de tout type d’engagement pour combattre les forces obscurantistes, ajoute Alice Barbe.
Conclusion
L’engagement se caractérise par des valeurs et des actions avec une volonté d’agir pour une cause, et plus globalement l’intérêt général. Au sein de la société, une multitude de formes d’engagement existe, des modalités traditionnelles à d’autres plus contestataires et plus expérimentales.
Cependant, l’engagement n’est pas que l’apanage des forces progressistes. Les forces antidémocratiques sont actives. Tout l’enjeu va être de renforcer et favoriser les engagements pour un monde plus solidaire et durable.
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Ce compte-rendu a été rédigé par Hannah Olivetti de la Fonda et relu par Alice Barbe, Charlotte Debray, Anna Maheu et Anne Muxel dans le cadre de leur participation à la journée d'étude de la Fonda. Il est mis à disposition sous la Licence Creative Commons CC BY-NC-SA 3.0 FR.
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- 1Enquête BVA pour la Fondation Jean Jaurès. Adelaïde Zulfikarpasic (Fondation Jean-Jaurès), « Les Français et l’engagement », octobre 2021, [en ligne].
- 2Jean Ladrière, Jacques Lecarme et Christiane Moatti, « Engagement », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le 13 avril 2023.
- 363 % exactement selon une enquête BVA pour la Fondation Jean Jaurès. Adelaïde Zulfikarpasic (Fondation Jean-Jaurès), « Les Français et l’engagement », octobre 2021, [en ligne].
- 4Lire à ce sujet Anne Muxel et Adelaïde Zulfikarpasic, « Les Français sur le fil de l’engagement », L’Aube, 2022.