Le projet européen suscite des sentiments contrastés révélateurs de la déconnexion entre les populations et les décideurs européens. Face à ce constat, et à l’initiative de la France, un grand exercice de consultations citoyennes s’est tenu dans les États de l’Union européenne, d’avril à octobre 2018 – avant, donc, le mouvement social de cet hiver. Elles avaient l’ambition de partir du terrain pour la construction d’une Europe avec et pour les citoyens.
Un exercice inédit pour la refonte de l’Europe
Les États membres se sont entendus pour consulter largement, en amont des élections européennes selon un calendrier et des principes méthodologiques communs. Pendant sept mois, les citoyens européens ont été invités à débattre de leurs préoccupations et à faire leurs propositions sur l’Europe. La synthèse de ces propositions a été remontée jusqu’au plus haut niveau, au Conseil européen de décembre 2018.
En France, la ministre chargée des Affaires européennes s’est appuyée sur un Secrétariat général des consultations citoyennes sur l’Europe, pour déployer un cadre méthodologique respectueux des notions de neutralité et de transparence, et encourager une diversité de citoyens à prendre une part active à un débat large et contradictoire sur l’avenir de l’Europe.
Dans ce cadre, le Commissariat général au développement durable (CGDD), qui relève du ministère de la Transition écologique et solidaire (MTES), a organisé, le 9 juin 2018, trois ateliers à Dijon, Montreuil et Bordeaux regroupant chacun 10 à 15 citoyens afin qu’ils puissent imaginer, dans un format de travail identique, ce que serait leur Europe durable en 2030.
Rechercher la diversité des points de vue
Ces ateliers de 4 heures, sans préparation des participants, avaient ainsi pour but de recueillir leur perception spontanée de l’Europe et, en s’appuyant sur les 17 objectifs de développement durable (ODD), d’identifier leurs priorités d’actions.
Afin d’entendre des personnes qui ne s’impliqueraient pas spontanément dans un débat sur l’Europe, les panels de citoyens ont été choisis dans différents types de territoire : métropole de Bordeaux, en petite couronne (départements 92, 93 et 94) et en zone rurale à 40 km de Dijon. Sans rechercher une représentativité de la société française, la constitution de ces panels s’est ensuite réalisée avec des critères de sélection variés (âge, sexe…).
Leur Europe durable en 2030
Pendant les ateliers, les premières évocations sur l’Europe de 2030 sont plutôt sombres : montée des conflits, perte de repères, dégradation de l’environnement. Une vision plus positive émerge rapidement : la prise de conscience des défis globaux donne l’espoir d’une Europe plus verte et plus collective. Cette tension entre craintes et optimisme liés aux thématiques environnementales est particulièrement forte quand sont abordées les questions de la production des biens, la consommation ou la nécessaire réglementation pour protéger la biodiversité et limiter la consommation d’énergie.
Le rapport à l’Europe évolue et l’échelon européen gagne en présence dans les échanges notamment sur l’environnement ou la cohésion sociale, deux préoccupations fortes qui sont ressorties.
Si on observe chez les plus jeunes la construction d’une identité européenne, les participants aux ateliers ont cependant du mal à se sentir européens au quotidien. Ils ressentent une opacité sur le fonctionnement de l’Europe et demandent plus de pédagogie.
Ainsi, l’éducation et l’impulsion citoyenne sont perçues comme de véritables leviers de changements face aux grands défis que doit relever l’Europe.
À partir des 17 objectifs de développement durable, les panels ont identifié les champs prioritaires dans lesquels l’Europe de demain doit s’investir : baisse des inégalités et lutte contre la pauvreté, santé, énergie, vie terrestre, consommation et production responsables, sécurité alimentaire, éducation. Ils aspirent à une Europe sociale et solidaire, avec une conscience forte des grands enjeux environnementaux et une Europe de la vie quotidienne proche des préoccupations de chacun.
La restitution des citoyens directement devant la secrétaire d’État
L’ensemble des préconisations citoyennes ont été présentées par des porte-paroles de chaque groupe à la secrétaire d’État Brune Poirson le 5 juillet 2018, en présence d’une soixantaine de participants intéressés par les questions européennes et de développement durable. Un échange s’est engagé entre la ministre et les citoyens, autour de propositions de ces derniers comme l’interdiction de l’obsolescence programmée, l’enjeu du recyclage, le besoin de traçabilité alimentaire, la baisse de la TVA sur les produits des circuits courts, le durcissement du principe pollueur-payeur, ou encore la proposition d’une police environnementale européenne.
Interrogés sur ce qu’ils retiraient de leur participation à ces ateliers, les citoyens ont trouvé que se confronter à d’autres perceptions les a fait avancer grâce au débat.
« Ce que j’en retire c’est avant tout de l’espoir, nos points de convergence malgré nos différends. »
« Mes idées ont évolué au bout des quatre heures, j’ai appris des autres, j’étais très pessimiste sur certaines choses et finalement je me suis dit : s’il y a des gens qui pensent comme ça, peut-être qu’on aura une Europe plus belle et plus unie. »
Selon les participants aux ateliers, une Europe durable serait donc une Europe plus sociale faisant face aux défis environnementaux et du quotidien. Pour y parvenir, l’initiative citoyenne a un grand rôle à jouer.
Cet exercice inédit de consultations citoyennes sur l’Europe est un nouveau pas vers une Europe plus inclusive et plus proche des citoyens. La synthèse européenne de ces consultations alimentera le débat de la réunion informelle des chefs d’État et de gouvernement à Sibiu le 9 mai 2019, où sera discuté le nouvel agenda stratégique 2019-2024.
La consultation en ligne s’adressant à tout citoyen se poursuit également jusqu’au 9 mai 2019 sur le site touteleurope.eu.
Pour aller plus loin :
— CNDP et SGCCE, Consultation citoyenne européenne – Rapport national, novembre 2018 (voir ici)
— Restitution « Votre Europe durable en 2030 », MTES/CGDD, juillet 2018 (voir ici)
— Marie GARIAZZO, Anne-Laure MARCHAL, Analyse qualitative de l’Ifop sur les ateliers projectifs « Votre Europe durable en 2030 », juin 2018 (voir ici)
— Sur les ODD : www.agenda2030.fr