La Commission européenne avait désigné 2013 « Année européenne des citoyens » afin de marquer le 20e anniversaire de l’institution de la citoyenneté de l’Union par le traité de Maastricht. Suite à cette désignation, les organisations et réseaux de la société civile européenne membres du Groupe de liaison du Comité économique et social européen (CESE) ont créé une alliance de la société civile (Eyca), portée par le Forum civique européen (FCE afin de défendre une approche de la citoyenneté européenne plus englobante que celle retenue par la Commission européenne.
Rassemblant plus de soixante-deux réseaux européens et vingt alliances nationales, l’EYCA a eu, pour la première fois de l’histoire de la construction européenne, un rayonnement national tout en réussissant à mobiliser des milliers de militants à travers l’Europe. Ceux-ci ont agi dans le cadre de groupes de travail et de conférences thématiques en vue de nourrir un vaste processus délibératif, ouvert et dynamique sur l’avenir de l’Europe. Les résultats de ces travaux se sont matérialisés en la publication de recommandations pour renforcer et développer une citoyenneté active en Europe.
Le concept de citoyenneté européenne, introduit dans le traité de Maastricht en 1992, a ajouté une dimension politique à la nature historiquement économique de la Communauté européenne. Selon la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (Ue), l’Union, en introduisant une citoyenneté européenne et en créant un espace de liberté, de sécurité et de justice, a « placé l’individu au centre de ses activités ».
En dépit de sa reconnaissance officielle dans les traités, la citoyenneté de l’UE est en crise. De façon quasi systématique, les forces populistes s’appuient sur un sentiment de désenchantement généralisé pour exacerber les comportements nationalistes et xénophobes, faisant ainsi obstacle à la possibilité d’un avenir partagé basé sur des valeurs démocratiques et progressistes. Pour l’EYCA, rétablir la solidarité, améliorer les conditions du vivre-ensemble entre les citoyens européens et inverser la tendance actuelle requiert des changements majeurs dans la façon dont les politiques européennes sont développées et mises en œuvre. Il s’agit de redonner une nouvelle impulsion au projet démocratique européen.
À cet égard, les recommandations de l’EYCA ont été regroupées dans un document intitulé Il s’agit de nous, il s’agit de d’Europe ! Vers une citoyenneté européenne démocratique, disponible en seize langues. Ce document rassemble toutes les priorités et les recommandations établies par les membres de l’EYCA et destinées aux décideurs européens, nationaux et locaux. Ces recommandations développent une vision de l’Europe articulée autour de trois chapitres :
La citoyenneté européenne active en tant que projet de société
Bien que les recommandations de l’EYCA soient fortement influencées par les crises économique, sociale et politique actuelles, elles sont avant tout le fruit d’une vision politique de la société et de l’Europe, soit une Europe ouverte, inclusive et participative.
Ces propositions visent à relancer le projet européen en replaçant les citoyens, la solidarité, l’égalité et l’équité à leur place, c’est-à-dire au cœur de l’Europe. Cela implique de passer d’une approche qui considère les citoyens comme des individus-consommateurs, à une approche qui respecte à la fois les aspirations individuelles et qui tienne compte des aspirations collectives à un avenir partagé.
Atteindre ce modèle requiert de passer d’une Europe largement considérée comme un projet économique à une Europe qui restaure et promeuve les valeurs de solidarité et d’égalité entre les États et les citoyens. C’est seulement en tenant compte de ces aspects fondamentaux que l’on peut garantir la légitimité du projet européen, la confiance et l’enthousiasme à l’égard de l’Europe, ainsi qu’une progression dans le processus d’intégration européenne.
Pour une démocratie européenne ouverte et inclusive
Cette vision, défendue par l' EYCA comme l’idéal à atteindre, ne pourra prendre vie tant que les inégalités et les discriminations subies par certains citoyens vulnérables, marginalisés et exclus ne seront résolument combattues.
L’indivisibilité des droits est un prérequis indispensable à l’inclusion sociale et à la citoyenneté active. Une attention particulière doit y être portée pour s’assurer qu’aucun citoyen résidant dans l’Union européenne ne soit exclu, menacé d’exclusion ou victime de discrimination en raison d’un manque de respect de ses droits sociaux et économiques. La santé et la protection de tous sont au cœur du modèle social européen, en particulier pour les membres de la société les plus vulnérables. L’EYCA est convaincue que les citoyens ne peuvent prendre conscience de leurs responsabilités les uns envers les autres que dans une société garantissant un accès effectif et universel aux droits.
Une démocratie européenne, trois piliers démocratiques
Au-delà de ces questions élémentaires, tous les piliers démocratiques doivent fonctionner de manière optimale, afin de garantir une démocratie européenne vivante et effective. L’éducation et les médias devraient être indépendants, tout en voyant leur dimension européenne renforcée. Dans le contexte défini par les valeurs inscrites dans les Traités, les institutions européennes devraient s’assurer que les décisions tiennent compte des besoins des citoyens, de leurs attentes et de leur vision pour l’avenir. La société civile organisée défendant les droits de l’homme et l’intérêt général grâce à des solutions collectives et constructives devrait être renforcée : son rôle de défenseur et d’acteur du changement est primordial pour les démocraties, a fortiori en temps de crise.
La problématique de la citoyenneté européenne nous renvoie à la question du projet européen. Si les institutions de l’UE souhaitent réellement une Europe politique et sociale, la citoyenneté européenne de l’Union devrait alors être accordée à toutes les personnes résidant sur son territoire, y compris les ressortissants des pays tiers qui deviendraient résidents européens.
Telle est la vision de la citoyenneté européenne portée par les membres de l’EYCA dans ses recommandations finales et qui sont dès à présent défendues, notamment dans le cadre de la campagne pour les élections parlementaires européennes de mai 2014. Ainsi, une large campagne d’information autour des recommandations a été menée auprès des instances européennes. À cet égard, les directions générales de la Commission européenne ont chacune identifié deux à trois recommandations relevant de leur domaine de compétence, auxquelles elles apportent un suivi attentif pour une mise en œuvre effective.
Ce sont là des préoccupations centrales du Forum civique européen présidé par Jean-Marc Roirant qui, regroupant plus d’une centaine de membres issus de vingt-sept pays, inlassablement depuis plusieurs années, œuvre au rassemble- ment des réseaux associatifs européens et nationaux en vue de contribuer à l’émergence d’un véritable dialogue civil européen dans lequel la parole associative soit reconnue dans toute sa pertinence et sa légitimité.
Un dialogue civil de nature à favoriser une appropriation populaire et civique de la construction d’une Europe de l’égalité, de la solidarité et de la démocratie...
Que signifie pour vous la citoyenneté européenne active ?
NB Marion Baby a été coordonnatrice pour le Mouvement associatif (ex-CPCA) de l’alliance France pour l’année européenne des citoyens.