Cet article est une contribution à la version numérique enrichie de la Tribune Fonda n°244. Il ne figure pas dans la revue papier.
D’après le sondage OpinionWay pour l’Observatoire de la santé1
, la moitié des Français déclare s'occuper ou s'être déjà occupée d'un proche en perte . Or, face au vieillissement croissant de la population (à l’horizon 2060, près d’un Français sur trois aura plus de 60 ans, d’après les projections de l’Insee) la question des aidants devient une question centrale de santé publique : en effet, selon le Baromètre 2018 de la Fondation April sur les Aidants2
, 57 % des aidants déclarent s’occuper d’un proche en situation de dépendance due à la vieillesse (soit une augmentation de neuf points par rapport à 2017).
De plus en plus de personnes actives vont devoir endosser le rôle d’aidants, qui, face à cette lourde prise en charge, se mettent eux-mêmes en danger. Ainsi, l’étude souligne que 31 % des aidants affirment délaisser leur propre santé à cause de leur rôle. Aujourd’hui, de plus en plus d’actions voient le jour pour faire reconnaître officiellement ce statut et accompagner au mieux les personnes aidantes.
Ainsi, depuis dix ans, la journée nationale des aidants a lieu le 6 octobre, l’occasion de s’intéresser à l’appel à projet de Crédit Agricole Assurances à destination des aidants, qui fêtera lui aussi ses dix 10 ans en 2020.
Zoom sur 3 associations qui ont été soutenues par l’appel à projets
— Codes 30
Cette association agit dans le département du Gard et s’intéresse à la question de la santé des aidants, et plus particulièrement aux habitants des quartiers prioritaires en situation de précarité (difficulté d’accès à la santé).
L’association a lancé à partir de 2019 un grand projet de diagnostic auprès de ces aidants et des associations de proximité afin de mieux comprendre leurs besoins. En effet, les aidants des quartiers prioritaires, en plus des problèmes habituels des aidants, sont touchés déjà par des problématiques (accès aux soins, aux droits, à la culture, problèmes de mobilité…)
L’étude menée permettra de mobiliser l’ensemble des acteurs pour les accompagner au mieux au sein de dispositifs déjà existants. Côté partenaires, l’association Codes 30 n’a pas de co-financement prévu pour ce projet, mais sur le plan opérationnel, l’association collabore avec les équipes du Conseil départemental du Gard, les caisses de retraite, les associations d’accompagnement des malades et de leurs aidants, ainsi que les associations de quartier.
En tout, quinze aidants de personnes âgées malade ou en situation de handicap habitant d’un quartier prioritaire, seront bénéficiaires du projet de Codes 30. L'impact de l'action sera mesurée par des indicateurs essentiellement quantitatifs : nombre et profil des aidants, le nombre de partenaires mieux sensibilisés à la situation des aidants des quartiers prioritaires.
— CIDFF 67
Le centre d’information sur les droits des femmes et des familles (CIDFF) du Bas-Rhin a pour but d’informer le public dans les domaines juridique, économique, social et familial. Le CIDFF accompagne les personnes aidantes afin qu’elles puissent être plus autonomes socialement et professionnellement. Le centre a mis en place un Bureau de l’accompagnement Individualisé des aidants pour les accompagner dans leurs démarches. Lauréat de l’appel à projets de 2018, le CIDFF est soutenu de nouveau cette année afin de poursuivre l’action engagée en 2018 et de la déployer sur d’autres territoires ruraux.
La première phase du projet, soutenue en 2018, a permis de créer un réseau de partenaires permettant d'identifier et d'orienter des aidants vers le CIDFF et ainsi leur proposer un accompagnement à travers des permanences, en mettant en lien de nombreux acteurs : les services municipaux, Pôle emploi, la CAF, des services de soins infirmiers à domicile... En tout, vingt-cinq permanences ont eu lieu et huit aidants ont été accompagnés.
La phase 2 du projet vise cent-cinquante aidants au sein d’ateliers collectifs, parmi lesquels vingt-cinq à trente personnes qui seront accompagnées individuellement en 2019/2020.
— Les funambules
L’association des Funambules accompagne des enfants et des jeunes confrontés à la souffrance psychique d’un membre de leur famille. Elle mène des études et des actions de sensibilisation des professionnels sur la place de ces enfants et accompagne les jeunes à travers des ateliers collectifs.
Face à une situation qui n’avance pas depuis longtemps, l’association souhaite mener une recherche action pour évaluer les besoins de ces jeunes afin de développer un accompagnement spécifique et préventif. L’étude sera menée sur trois ans, de 2019 à 2022. L’association collabore avec l’unité de recherche clinique de l’hôpital de Ville-Évrard en Seine-Saint-Denis. Selon Hélène Davtian, fondatrice des Funambules, « le fait de travailler avec cette équipe nous donne plus de légitimité et montre que nous sommes validés à l’intérieur même de l’hôpital. Cela nous permet également de toucher notre public ».
L’association souhaite toucher près de cinquante fratries, dont les membres sont âgés de 18 à 30 ans.
« Le soutien apporté par l'appel à projet nous a permis de gagner en visibilité. Nous avons été assez surpris des rapports simples et directs avec les équipes du Crédit Agricole. Faire confiance aux petites associations c’est important et c’est une preuve d’innovation de la part des mécènes. Nous avons hâte de vivre la suite de ce partenariat ».
Zoom sur l’appel à projets du Crédit Agricole
Interview de Elise Bouteiller, responsable mécénat de Crédit Agricole Assurances
Vous avez lancé en 2010 votre premier appel à projets pour soutenir les aidants. Comment a-t-il évolué au cours de ces années ?
Cet appel à projet est depuis maintenant presque 10 ans devenu l’action de mécénat emblématique de Crédit Agricole Assurances. C’est un appel à projets national qui concerne toutes les structures d’intérêt général de toutes tailles : associations, fondations, organismes publics, … pour des projets extrêmement variés : actions de formation proposées aux entreprises, ateliers collectifs d’information destinés aux aidants afin de favoriser le partage et de diminuer leur isolement, application mobile de psychoéducation pour les aidants dont le proche est suivi en psychiatrie, …
En 2018 nous avons fait le choix de réorienter l’appel à projet en le centrant sur trois thématiques identifiées au fil des années lors des sélections de projets, soit parce qu’elles étaient émergentes (et il est important pour nous de participer à des projets innovants sur le sujet des aidants) soit des problématiques en développement.
- Les jeunes aidants
- La prévention au service de la santé des aidants
- Les aidants et l’emploi
Jusqu’à aujourd’hui, cet appel à projets a permis de soutenir plus de cent-cinquante organismes pour une dotation globale de près de 2,5 millions d’euros. En parallèle, nous organisons depuis deux ans des rencontres avec les associations sélectionnées qui nous ont fait part d’un vrai besoin de formation. Nous mettons donc en place deux jours de formation à Paris sur les sujets liés au financement, à la communication et la réalisation de partenariats sur leur territoire. Ces rencontres nous permettent de comprendre à la fois les besoins des associations mais aussi de mieux cerner l’évolution de la thématique des aidants. Cela nous pousse à réfléchir à l’évolution de l’appel à projets afin de l’adapter au mieux aux enjeux actuels.
Vous avez mené cette année une étude d’impact sur l’ensemble des projets soutenus. Pouvez-vous nous en dire plus ?
En 2020, l’appel à projets aura dix ans. Il était important pour nous de connaître son impact, que ce soit à travers les actions soutenues mais aussi sur sa communication et sa résonance dans les territoires. Nous avons donc interrogé les trois parties prenantes de cet appel à projets : les Caisses régionales qui sont des relais importants, les associations financées et celles non financées.
Du côté des associations soutenues, l’appel à projets a été un véritable déclencheur d’actions : les projets qui n’auraient pas pu aboutir sans le mécénat de Crédit Agricole Assurances ont pu voir le jour. A minima, il a permis, pour une grande majorité d’entre elles, de développer ou de déclencher une réflexion en interne et d’améliorer le fonctionnement et la visibilité de l’association. Pour chaque projet financé, ce sont 130 aidants qui sont soutenus en moyenne et 70 personnes aidées.
Du côté des associations non financées, l’appel à projets a permis à 40% d’entre elles de structurer des actions vis-à-vis des aidants qu’elles accompagnent et de rechercher des solutions de financement auprès d’autres acteurs.
Les résultats de cette étude d’impact nous permettent de mieux comprendre les besoins des associations et de proposer, dès l’année prochaine, des missions adaptées à nos collaborateurs à travers du bénévolat de compétences.
Cette étude d’impact nous conforte aussi dans l’utilité de cet appel à projets d’agir dans l’intérêt de la société, tout en nous donnant de nouvelles pistes de réflexion pour le faire évoluer.