Engagement

Ressource #24 - Marc Lévy, Faut-il aider les autres ? Repenser la solidarité pour la renouveler, L'Harmattan,2023.

Marc Lévy
Marc Lévy
Dans le cadre de l’exercice de prospective « Vers une société de l’engagement ? », la Fonda a souhaité ouvrir un espace de réflexions sur l’engagement : un club de lecture ! Dans cette 24ème fiche de lecture, Marc Lévy présente son ouvrage, Ressource #24 Marc Lévy, Faut-il aider les autres ? Repenser la solidarité pour la renouveler.
Ressource #24 - Marc Lévy, Faut-il aider les autres ? Repenser la solidarité pour la renouveler, L'Harmattan,2023.
Club de lecture #14 © Guillemette Martin / La Fonda

→ Télécharger la synthèse

Ressource #24 Marc Lévy, Faut-il aider les autres ? Repenser la solidarité pour la renouveler, L'Harmattan, 2023 

Présenté par Marc Lévy, ancien directeur de la prospective du Gret. 

Mots clés : #Travail #Organisation #Solidarité internationale 

Présentation de l'intervenant 

Marc Lévy a été impliqué, des années 1970 jusqu’en 2018, dans la solidarité internationale et les politiques de coopération internationale au sein de différentes organisations. Il a dirigé le Gret dans les années 1980, avant d’y être en charge de la prospective. Il vient de publier en 2023 le livre Faut-il aider les autres ? Repenser la solidarité pour la renouveler aux éditions L’Harmattan. 

Interpeler le milieu associatif 

Marc Lévy a rédigé ce livre comme un prolongement de son expérience professionnelle dans la coopération internationale. Il souhaite interpeler le milieu associatif de la solidarité en considérant leurs pratiques associatives comme parties prenantes des politiques publiques, et non pas comme un secteur à part. Deux mondes de la solidarité existent, celle pratiquée en France et celle à l’international. Ils sont assez étanches, observe-t-il. Le rapprochement et le croisement de ces expériences pourraient donner des pistes de rénovation des politiques et des pratiques de solidarité. 

Pour ce faire, Marc Lévy s’appuie sur l’étude de quatre organisations. Il s’agit du Secours catholique, du Secours populaire, d’ATD Quart Monde et de Quartiers du monde. Les résultats montrent une tendance à cloisonner les activités de solidarité menées en France et à l’international, ainsi que l’émergence d’idées neuves dès qu’un croisement des expériences advient. C’est la raison pour laquelle l’auteur pense nécessaire de mieux articuler la lutte contre les inégalités en France et à l’international. 

Nourrir les politiques macros des États 

Le croisement des regards entre la lutte des inégalités en France et à l’international est nécessaire. Cela suppose d’agir au niveau des politiques macros des États, tout particulièrement concernant les politiques sociales de l’État-providence en France et les politiques de coopération Nord-Sud. 

Pour Marc Lévy, l’État-providence ne doit pas seulement être infirmier, c’est-à-dire soulager, soigner, assister les individus. Il doit être également un investisseur pour assurer plus de justice, d’intégration sociale, reconsidérer la valeur travail et favoriser l’accès à des emplois de bonne qualité. Il poursuit en expliquant qu’il faut raisonner la solidarité comme une contribution à cet État-providence. 

Marc Lévy essaie ensuite de renouveler la division du monde entre pays du Nord et pays du Sud qui continue de marquer la solidarité internationale. Cette approche n’est plus totalement opérante dans le contexte géopolitique actuel. Il est beaucoup plus multipolaire et marqué notamment par la fin de la domination américaine et la perte d’influence des instances multilatérales. L’émergence de conflits chaotiques dont la Syrie, la Libye, Gaza ou l’Ukraine, la concurrence de régimes autoritaires et une certaine critique de l’aide internationale sont autant de symptômes de fragmentation. 

Pour Marc Lévy « l' État  providence ne doit pas seulement être infimier (...) il doit être  également un investisseur ».

Les Objectifs de développement durable (ODD), grâce à leur dimension universelle, mettent sur la piste d’un cadre partagé pour coopérer sur des enjeux communs comme la pauvreté et les inégalités, respectivement les objectifs 1 et 10. La solidarité internationale doit davantage se référer à ces enjeux géopolitiques et de développement durable pour ne pas se limiter à des actions humanitaires et caritatives. 

La solidarité comme projet de société 

Comme le dit la philosophe Marie-Claude Blais, « sans projet de société, la solidarité n’est plus que charité  ». Autrement dit, il est nécessaire de repenser la solidarité comme un élément de construction d’un projet de société en matière de politiques sociales et de rapports Nord-Sud. Pour Marc Lévy, « le monde associatif doit être un acteur politique du devenir de l’État-providence et de la politique de coopération internationale ». 

L’analyse conséquente des quatre études de cas permet à Marc Lévy de proposer six pistes de recommandations pour faire bouger la conception actuelle de la solidarité et sa mise en œuvre. Au cours du club de lectures, il en a détaillé deux. La première piste serait de reconnaître la solidarité comme un nécessaire modèle hybride d’économie mixte, associant les pouvoirs publics, les associations et le secteur privé marchand. L’aide alimentaire illustre cette nécessité de coopérer. « Elle ne peut fonctionner que parce qu’il y a une implication financière de l’Union européenne, une implication financière et logistique du ministère de l’Agriculture français, ainsi que des associations et des entreprises », détaille-t-il. Cela suppose que chaque acteur identifie et reconnaisse la complémentarité des uns et des autres au lieu d’y voir avant tout l’effet de son intervention. 

Quant à la seconde piste, Marc Lévy rappelle que la solidarité est souvent associée à l’idée de fraternité et de charité. Il propose un nouveau système de représentation, comprenant la fraternité, mais aussi la conflictualité. Dans les relations entre aidants et aidés, par exemple, il y a effectivement de la fraternité, mais également des rapports asymétriques qui sont à prendre en compte. Les frères originels que furent Caïn et Abel ont d’emblée montré que fraternité et conflictualité pouvaient aller de pair. 

Cela suppose de bien faire de la solidarité un système paradoxal et d’apprendre à gérer les conflits, poursuit-il. 

Pour Marc Lévy, le décloisonnement et le croisement des rôles et des représentations, la confrontation avec les paradoxes, les contradictions, les conflictualités, la négociation de compromis, sont des facteurs utiles pour renouveler pratiques et politiques de solidarité, conclut-il. 

Ressources pour aller plus loin 

  • Axelle Brodiez-Dolino, « Entre social et sanitaire: les politiques de lutte contre la pauvreté-précarité en France au xxe siècle », Le Mouvement Social, vol. 242, 2013, [en ligne]. 
  • Nicolas Duvoux, Le Nouvel Âge de la solidarité. Pauvreté, précarité et politiques publiques, éditions du Seuil, 2012. 
  • Pierre Rosanvallon, La nouvelle question sociale. Repenser l’État-providence, éditions du Seuil, 1995. 
  • Lucas Chancel, Insoutenables inégalités. Pour une justice sociale et environnementale, éditions Les Petits matins, 2021. 
  • Bertrand Badie, L’impuissance de la puissance. Essai sur les nouvelles relations internationales, éditions Fayard, 2004.

→ Télécharger la synthèse

Merci à l’ensemble des participants : Nelly Allard, Diane Bonifas, Philippe Chabasse, Henri Fraisse, Jean-Pierre Jaslin, Yves Le Bars, Agathe Leblais, Marc Lévy, Michel Nung, Eric Rossi, Quentin Vaissaire, Anne Madelin, Nathalie Mathieu, Sudipta Mohanty, Marie-Elodie Virama-Coutaye, Coline Auguin, Denis Bouchard, Yann Ulliac et Hannah Olivetti. 

Ce compte-rendu a été rédigé par Hannah Olivetti, relu par Marc Lévy, Diane Bonifas et Anna Maheu et mis en page par Guillemette Martin pour la Fonda. Il est mis à disposition sous la Licence Creative Commons CC BY-NC-SA 3.0 FR.

Outils et ressources utiles