Engagement

Ressource #19 - L'Etat de l’art des études sur la générosité des particuliers, par Nadège Rodrigues

Nadège Rodrigues
Nadège Rodrigues
Dans le cadre de l’exercice de prospective « Vers une société de l’engagement ? », la Fonda a souhaité ouvrir un espace de réflexions sur l’engagement : un club de lecture ! Dans cette 19ème fiche de lecture, Natacha Rodrigues présente L'Etat de l’art des études sur la générosité des particuliers.
Ressource #19 - L'Etat de l’art des études sur la générosité des particuliers, par Nadège Rodrigues
Club de lecture #11 © Guillemette Martin/ La Fonda

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Présentation de l'Etat de l’art des études sur la générosité des particuliers, par Nadège Rodrigues. 

Présenté par Nadège Rodrigues, directrice études et communication chez France générosités. 

Mots: #Don #Systèmesdevaleurs #Générosité  

Brève présentation de l'intervenante 

Nadège Rodrigues est directrice études et communication à France Générosités. France Générosités est le syndicat professionnel des associations et fondations qui font appel à la générosité du public. Cette association représente, défend et promeut les générosités en France. 

Contexte sur la générosité des particuliers français 

Nadège Rodrigues partage quelques constats par rapport à la générosité des particuliers, hors legs, au profit des organisations et causes d’intérêt général. 

Une augmentation annuelle du montant de la collecte de don s'observe sauf en 2018 et avec un grand ralentissement en 2022 et début 2023, deux années marquées par une très forte inflation. La croissance du montant des dons est portée par l’augmentation du montant des dons moyens par donateur. 

Cependant, on observe une baisse des nouveaux donateurs par organisation (-11,2% entre 2012 et 2022) et une baisse des foyers fiscaux donateurs1

La collecte du don ponctuel en ligne augmente (60% en 3 ans), tout particulièrement lors d’urgences, montrant une montée en puissance du volet numérique pour la collecte de dons. 

Les donateurs français sont en règle générale des seniors. Il existe une concentration générationnelle, avec un âge médian de 62 ans et un pic à 75 ans2 . Les donateurs sont pour la plupart des multi-donateurs. 

Nadège Rodrigues ajoute qu’une concentration économique est à l’oeuvre, où les 1% les plus généreux représentent 22% de la collecte, ainsi qu’une concentration géographique avec une surreprésentation des grands centres urbains et des littoraux aisés.

 Fort de ces constats, le secteur de la générosité oeuvre pour élargir et diversifier la base de la générosité, afin de créer les conditions de sa croissance et renforcer son rôle de vecteur de lien social. D’ailleurs, en 20193  et en 20214 , des études ont été menées pour montrer ce que produit la générosité. Il en ressort que la générosité produit du lien social et d’importants impacts socio-économiques, par les actions qu’elle soutient et finance. 

À partir de ces constats, France générosités et Destin Commun se sont posés deux questions : « Dans quelle mesure la générosité contribue à faire société ? L’engagement par le don est-il vecteur de citoyenneté ? ». C’est pour documenter le lien entre générosité et cohésion sociale que Destin Commun et France générosités ont coproduit une étude « La générosité est-elle un vecteur de cohésion sociale ? Les donateurs au prisme des systèmes de valeurs »5  en 2022 pour dépasser les critères socio-démographiques habituels. 

Les déterminants du don 

II existe trois déterminants du don : les ressources économiques, qui sont déjà bien documentées, la confiance interpersonnelle et collective et enfin les valeurs. 

Les ressources économiques comme déterminant du don 

« On observe une concentration croissante de la générosité parmi les foyers fiscaux les plus aisés » indique Nadège Rodrigues. En 2013, les foyers fiscaux aux revenus inférieurs à 39k€ étaient majoritaires au sein des donateurs (51%). Cette tendance s'est nettement inversée depuis. Il existe également une corrélation positive entre générosité et niveau d’éducation et statut social.

Selon Nadège Rodrigues, les ressources économiques n’expliquent cependant pas tout, car l’augmentation des dons n’est pas proportionnelle à celle des revenus, et ce malgré la hausse du don moyen. Le niveau de revenu n’explique pas à lui seul le niveau de générosité. 

La confiance interpersonnelle et collective comme déterminant du don 

Nadège Rodrigues rappelle que la confiance est liée au développement d’un sentiment d’interdépendance avec les autres, la perception de faire partie d’un collectif. Il existe une corrélation entre le degré de confiance en autrui et le don. 35% des personnes qui donnent à une association caritative ont confiance en autrui, contre 27% pour celles qui ne donnent pas. 

« On observe une concentration croissante de la générosité parmi les foyers fiscaux les plus aisés » indique Nadège Rodrigues.

En matière de lien social de proximité, les donateurs ont tendance à être davantage impliqués dans le tissu social. 63% des personnes qui donnent à une association ont aussi l’habitude d’aider leur « On observe une concentration croissante de la générosité parmi les foyers fiscaux les plus aisés » indique Nadège Rodrigues. voisin, contre 45% des personnes qui ne donnent pas. Les donateurs sont également plus enclins que les non-donateurs à boire un verre avec leurs voisins. 

À l’échelle collective, les donateurs ont aussi tendance à avoir un niveau de confiance plus élevé, notamment dans les associations de proximité (67% des donateurs ont confiance, contre 49% des non-donateurs) ou bien encore dans les scientifiques (74% des donateurs ont confiance, contre 63% des non-donateurs). 

Les valeurs comme déterminant du don 

Les donateurs sont attentifs aux valeurs défendues par les organisations, indépendamment de la cause soutenue. Il s’agit du 4ème critère d’incitation au don pour 21% des donateurs, après la transparence financière, l’efficacité des actions et la cause soutenue par l’association, indique Nadège Rodrigues. 

Les comportements électoraux influent également sur les dons. Ainsi, les électeurs de gauche et du centre-droit déclarent plus que les autres donner aux associations. 

Par ailleurs, s’agissant des électorats du Rassemblement national et de Reconquête, il existe une faible proportion de donateurs en leur sein,alors même qu’il s’agit de personnes aux ressources et âges variés. 

Quant aux abstentionnistes, le désengagement dans les urnes est corrélé au désengagement en matière de générosité. D’ailleurs, les causes soutenues par les donateurs varient en fonction des comportements électoraux. 

Les donateurs électeurs de gauche soutiennent des causes ayant trait à la justice sociale et climatique, comme la lutte contre l’exclusion et la pauvreté ou bien encore la protection de l’enfance. Les donateurs électeurs du centre, quant à eux, choisissent des causes de type « humanisme universalité », comme le soutien à la recherche médicale et l’aide aux victimes de conflits. Les dons des électeurs de droite portent sur la santé, la recherche et l’éducation, comme la protection de l’enfance. Enfin, les électeurs de droite radicale préfèrent donner à des causes liées à la protection des animaux, à l’aide aux personnes âgées et aux personnes handicapées. 

Les donateurs au prisme des valeurs 

L’étude La France en quête, réconcilier une nation divisée de Destin Commun identifie six familles de français, qui ne sont pas constituées selon des critères économiques (niveau de revenus) ou démographiques (âge), mais en fonction des systèmes de valeurs. 

En matière de don, il existe d’importants écarts entre les familles de valeurs. Cela illustre le fait que les systèmes de valeurs sont des déterminants de la générosité, souligne Nadège Rodrigues. Pour chaque famille de valeurs, des leviers d’engagement ont été identifiés. 

En conclusion, la générosité produit du lien social par les actions sociales qu’elle soutient. Il y a tout un enjeu à diversifier le profil des donateurs afin de renforcer le caractère démocratique de la philanthropie et donc sa légitimité. En outre, l’engagement individuel nourrit un cercle vertueux, qui renforce la confiance à l’échelle individuelle et collective. 

« En conclusion, la générosité produit du lien social par les actions sociales qu'elle soutient.»

Nadège Rodrigues observe que les pays où le don est très valorisé socialement, comme en Suède ou aux Pays-Bas, sont ceux où le don est généralisé. La normalisation du don contribue à lui conférer une image positive, et à faire progresser son potentiel. « Élargir et diversifier la base de la générosité, c’est donc créer les conditions de sa croissance, tout enrenforçant la cohésion de nos sociétés » conclut-elle.

Ressources pour aller plus loin 

  • France générosité, Baromètre de la générosité 2022,
    mai 2023, [en ligne].
  • Recherches et solidarités, La générosité des Français
    face au Covid, 2021, [en ligne].

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Merci à l’ensemble des participants : Diane Bonifas, Yves Le Bars, Michel Nung, Jean-Pierre Jaslin, Philippe Chabasse, Agathe Leblais, Nadège Rodrigues, Emmanuelle Duez et Christel Scheffmann. 

Ce compte-rendu a été rédigé par Hannah Olivetti, relu par Yannick Blanc, Nadège Rodrigues et Emmanuelle Duez et mis en page par Guillemette Martin pour la Fonda. Il est mis à disposition sous la Licence Creative Commons CC BY-NC-SA 3.0 FR.

 

  • 1Novos pour France générosités, Baromètre de la générosité vision collective 2022, novembre 2022, [en ligne].
  • 2Novos pour France générosités, Ibid.
  • 3France générosités, avec l’appui du cabinet KPMG, Le rôle, la place et l’utilité de la générosité dans le contrat social français, octobre 2019, [en ligne]
  • 4France générosités et KOREIS, 9 études de cas sur l’impact de la générosité, 2021, [en ligne].
  • 5Destin commun et France générosités, Les systèmes de valeurs des donateurs, 2022, [en ligne].
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