Engagement Enjeux sociétaux

Ressource #16 - Conférence sur le « magnet hospital », un établissement où il fait bon travailler et bon se faire soigner, par Matthieu Sibé [Engagement]

Matthieu Sibé
Matthieu Sibé
Dans le cadre de l’exercice de prospective « Vers une société de l’engagement ? », la Fonda a souhaité ouvrir un espace de réflexions sur l’engagement : un club de lecture ! Dans cette seizième fiche de lecture, le maître de conférences Matthieu Sibé présente le concept de « magnet hospital » ou hôpital aimant.
Ressource #16 - Conférence sur le « magnet hospital », un établissement où il fait bon travailler et bon se faire soigner, par Matthieu Sibé [Engagement]
Club de lecture #9 © Agathe Thiebeaux / La Fonda

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Ressource #16 Conférence sur le « magnet hospital », un établissement où il fait bon travailler et bon se faire soigner, par Matthieu Sibé.

Présenté par Matthieu Sibé, maître de conférences en sciences de gestion.

Mots clés : #MagnetHospital #LeadershipTransformationnel

Brève présentation de l'intervenant

Matthieu Sibé est maître de conférences en sciences de gestion à l’Université de Bordeaux et à l’Institut de Santé Publique, d’Epidémiologie et de Développement (Isped).

Il est membre-expert du Haut Conseil de la Santé publique, ainsi qu’à l’Observatoire National Qualité de vie au travail des professionnels de santé. Matthieu Sibé est viceprésident du Conseil des Formations de l’Ecole des hautes études en santé publique (EHESP).

Magnet hospital, identifier les caractéristiques vertueuses d’un hôpital

C’est en 1983 dans l’ouvrage Magnet hospitals. Attraction and retention of professional nurses de Margaret L. McClure, alors directrice des soins d’un centre médical universitaire de New York, que le terme magnet hospital1  est apparu. Avec un groupe de chercheurs en science infirmière, elle décide de s’intéresser aux hôpitaux réputés attractifs.

« Le but était de comprendre pourquoi ces établissements étaient capables d’attirer et de fidéliser des personnels correctement qualifiés dans la durée. Cette démarche s’inscrit dans un contexte de manque d’attractivité des professions de santé et de difficultés à recruter, avec des poches de pénurie », explique Matthieu Sibé.

Ainsi, Margaret L. McClure mène une étude qualitative auprès de 41 hôpitaux réputés attractifs aux yeux des professionnels de santé. Elle établit un inventaire des politiques d’organisation, de gestion des ressources humaines, des conditions de travail, des modes de management et de leadership qui conduisent à un engagement dans la durée des soignants dans ces établissements.

Fait notable de ce travail de recherche pour Matthieu Sibé, « il s’intéresse aux raisons incitant les personnes à rester et non aux raisons de départ. Cela permet d’identifier les caractéristiques vertueuses d’un magnet hospital ».

Un label proposant un cadre de travail engageant

Par la suite, ce concept est devenu un label en 1990. Il distingue les hôpitaux en fonction de leur capacité à satisfaire « un ensemble de critères qui apprécient leurs pratiques RH, organisationnelles et managériales identifiées pour rendre optimal l’exercice professionnel des soignants » (ANCC, 2008).

Autrement dit, il s’agit « d’un établissement capable de proposer un cadre de travail propice à la réalisation des soins pour le personnel soignant » résume Matthieu Sibé. Aujourd’hui, plus de 600 établissements, principalement nord-américains, concourent à ce label de manière volontaire.

La littérature scientifique identifie 8 caractéristiques essentielles pour les magnet hospitals2  :

  • Une culture du soin centrée sur les besoins du patient
  • Des soignants experts dans leur art
  • Un soutien fort envers la formation des personnels
  • Un leadership transformationnel. Il s’agit d’un type de leadership qui cherche à transformer les collaborateurs en leur permettant de grandir et de s’épanouir humainement et professionnellement. Il repose sur l’authenticité, l’exemplarité, l’exigence, la stimulation, la capacité d’avoir une écoute attentive vis-à-vis des collaborateurs du manager.
  • Un mode de management participatif favorable à l’empowerment3  des soignants
  • Un climat relationnel collégial entre les médecins et les soignants
  • Une autonomie des soignants dans leur sphère de décision clinique
  • Une gestion adéquate des effectifs, adaptée à la charge de travail et aux besoins du patient

Cette approche conduit à améliorer la qualité de vie et la santé au travail, ainsi que la performance des soins4 .

Quid en France ?

Ce n’est qu’en 2005 que le terme de magnet hospital est apparu en France dans le rapport « L’hôpital public en France : bilan et perspectives »5 . Cependant, ce concept a du mal à émerger en France, alors même que les organisations sanitaires et médico-sociales traversent une crise des ressources humaines.

Pour savoir si des établissements français avaient des caractéristiques « magnétiques », une enquête « Mode de management aimant et Attitudes positives au travail », portée par la Haute autorité de santé (HAS), l’Inserm et l’Université de Bordeaux, est menée auprès de 856 professionnels de santé appartenant à 33 hôpitaux publics et privés.

Le questionnaire de mesure du contexte organisationnel et managérial en établissement de santé (COMET) permet aux médecins, aides-soignants et infirmiers de partager leurs perceptions du mode de management avec ses caractéristiques et ses conséquences sur les attitudes positives au travail.

Il ressort de cette étude que les professionnels de santé perçoivent les caractéristiques d’un mode de management « magnétique » dans certains services.

« Ce qui compte véritablement, c'est le climat relationnel collégial entre médecins et soignants, le management participatif, les relations entre les collègues, etc. Tout ceci renforce le sentiment collectif d'efficacité, ce qui est une variable de mobilisation et d'engagement dans la durée des professionnels », observe Matthieu Sibé.

Des résultats similaires sont mis en lumière dans d’autres travaux, comme l'enquête en oncologie pédiatrique sur l'« Impact de la démarche participative sur la qualité de vie au travail des soignants et sur la qualité des soins »6 .

Dans un contexte de taylorisation et de standarisation du travail au sein des hôpitaux en France, la démarche du magnet hospital serait une solution pour adapter les modes de management et d’organisation des établissements pour qu’il y fasse bon travailler et bon se faire soigner.

La crise du COVID-19 a d’ailleurs montré que les professionnels de santé pouvaient s’autoorganiser pour répondre aux défis, même si cette parenthèse semble être refermée depuis, avec une re-bureaucratisation des établissements de soin.

Ressources pour aller plus loin

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Ce compte-rendu a été rédigé par Hannah Olivetti, relu par Matthieu Sibé et mis en page par Agathe Thiebeaux pour la Fonda. Il est mis à disposition sous la Licence Creative Commons CC BY-NC-SA 3.0 FR.

  • 1Le terme magnet hospital est traduit en français par hôpital aimant.
  • 2Kramer, Schmalenberg, Development and Evaluation of Essentials of Magnetism Tool, 2004.
  • 3Cet anglicisme désigne un processus par lequel l'individus'émancipe, s'autonomise.
  • 4Voir à ce sujet : Ma Carmen Rodríguez-García, Verónica V. Márquez-Hernández, Teresa Belmonte-García, Lorena Gutiérrez Puertas, Genoveva Granados-Gámez, The American journal of nursing, « How Magnet Hospital Status Affects Nurses, Patients, and Organization : A Systemic Review », 2020.
  • 5Éric Molinié, CESE, « L’hôpital public en France : bilan et perspectives », 2005.
  • 6Philippe Colombat et al., « Impact de la démarche participative sur la qualité de vie au travail des soignants et sur la qualité des soins », 2018.
Outils et ressources utiles