Économie sociale et solidaire

« Pour être juste, la transition écologique doit être mise en œuvre de façon démocratique. »

Tribune Fonda N°259 - Écologie : un combat, des engagements - Septembre 2023
Le Labo de l'ESS
Et e-graine, Florian Laboulais, Alix Edelin, Julien Mast, Lisa Motzig, François Bernard
Alors que les inégalités sociales et environnementales tendent à se renforcer mutuellement, soutenabilité écologique et recherche d’égalité doivent être pensées de façon conjointe. À partir d’entretiens menés avec des initiatives de l’éducation populaire et de l’économie sociale et solidaire (ESS), Le Labo de l’ESS et e-graine ont rédigé une note stratégique pour penser ensemble éducation populaire et transition écologique. Une articulation qui nous amène à redéfinir la trajectoire de notre communauté humaine sous l’angle d’une transition écologique juste.
« Pour être juste, la transition écologique doit être mise en œuvre de façon démocratique. »
Visite du jardin partagé d’ATD Quart Monde à Nogent-le-Rotrou. © Labo de l’ESS

Cet article est extrait de la note stratégique « L’éducation populaire au service de la transition écologique juste des territoires » rédigée par le Labo de l’ESS et e-graine. Les notes stratégiques du Labo de l’ESS offrent en quelques pages l’analyse synthétique d’un enjeu, ainsi que des propositions opérationnelles pour le secteur de l’intérêt général. Retrouvez la version longue de cette note stratégique en ligne.

 

QU’EST-CE QU’UNE TRANSITION ÉCOLOGIQUE JUSTE ?

La transition écologique juste peut être comprise comme « une transformation radicale et démocratique de notre société visant à assurer tant la soutenabilité écologique de cette dernière qu’une réponse digne et suffisante aux besoins de tous et l’émancipation de chacun et chacune »1 . Ainsi définie, la transition écologique juste fait apparaître un double enjeu en lien avec l’éducation populaire.

L’ÉDUCATION POPULAIRE POUR « FAIRE SOCIÉTÉ »

Premièrement, bien qu’elle requière une planification visant à mettre en face des objectifs de réduction de nos impacts, des moyens et échéanciers cohérents, cette transition ne peut être un processus descendant et technocratique, s’imposant aux citoyens depuis des cercles centralisés et élitistes de décision. Pour être juste, la transition écologique doit au contraire être mise en oeuvre de façon démocratique, en définissant collectivement des besoins et en coconstruisant les réponses à y apporter. C’est à cette condition qu’elle peut permettre de « faire société » autour des questions politiques, voire civilisationnelles, soulevées par l’articulation entre transition écologique et justice sociale.

Une vision purement technique de la transition, centrée sur l’investissement dans l’innovation technologique, tend à effacer ces choix politiques. Une transition écologique juste permet au contraire de fédérer largement autour de nouvelles conceptions de ce que serait une société désirable. Pour être juste, la transition écologique doit au contraire être mise en oeuvre de façon démocratique, en définissant collectivement des besoins et en coconstruisant les réponses à y apporter. C’est à cette condition qu’elle peut permettre de « faire société » autour des questions politiques, voire civilisationnelles, soulevées par l’articulation entre transition écologique et justice sociale. Une vision purement technique de la transition, centrée sur l’investissement dans l’innovation technologique, tend à effacer ces choix politiques.

Une transition écologique juste permet au contraire de fédérer largement autour de nouvelles conceptions de ce que serait une société désirable.

LE DÉFI DE L’APPROPRIATION PAR LE PLUS GRAND NOMBRE DE LA TRANSITION ÉCOLOGIQUE

Outre la nécessité de repenser les cadres de participation des citoyens aux décisions politiques, l’impératif démocratique de la transition écologique juste renvoie au besoin d’une véritable appropriation par toutes et tous de ce que cette dernière implique. Il ne s’agit pas d’en avoir une compréhension purement abstraite mais au contraire pratique, ancrée dans la vie quotidienne. Or, cette appropriation par le plus grand nombre de la transition écologique rencontre aujourd’hui deux freins majeurs.

D’une part, les connaissances et compétences liées à la transition écologique juste sont à la fois inégalement partagées et inégalement valorisées. Les savoirs et savoir-faire empiriques issus de pratiques ancrées dans le quotidien restent peu pris en compte et mis en valeur, malgré leur utilité. D’autre part, le débat public autour des enjeux écologiques tend aujourd’hui à renforcer les fractures sociales, parce qu’il se focalise sur les oppositions et conflits, mais aussi parce que la parole publique sur la transition écologique demeure essentiellement portée dans un langage et selon des approches socialement situées, qui tendent à exclure les classes populaires des prises de décision2 .

LA TRANSITION ÉCOLOGIQUE JUSTE, UN ENJEU D’ÉDUCATION POPULAIRE

La transition écologique juste ne doit pas seulement assurer un niveau de vie décent à toutes et tous. Elle doit également favoriser l’émancipation des individu et le développement de leur pouvoir d’agir3 . À l’aune de ces réflexions, l’éducation populaire se révèle être un levier essentiel pour faire de la transition écologique juste un projet de société partagé et mobilisateur. L’éducation populaire ne conçoit pas l’acquisition de savoirs comme une transmission verticale, mais bien comme un processus de construction collective permis par une mise en débat.

De plus, cette démarche collective d’échange et d’enrichissement réciproque a bien une portée émancipatrice en ce que l’acquisition de savoirs n’est pas une fin en soi. Ces connaissances sont un levier pour l’action et l’engagement citoyen. Il apparaît donc essentiel de construire sur les territoires de véritables alliances, associant notamment structures de l’ESS et pouvoirs publics, pour porter conjointement une démarche ambitieuse visant à faire de l’éducation populaire un levier pour la transition écologique juste.

  • 1Cette définition est proposée par le Labo de l’ESS dans son étude « Réussir une transition écologique juste », publiée en mars 2023.
  • 2Ce constat renvoie aux réflexions qui se développent autour de la notion
    d’« écologie populaire » et de « dépossession » des classes populaires de la question écologique. Voir par exemple l’analyse historique de ces réflexions proposées par Denis Bocquet, « Aux racines de l’écologie populaire », Espaces et sociétés n°188, 2023.
  • 3En cela, l’approche développée ici s’inscrit dans la continuité d’une vision de la justice sociale par les capabilités. Théorisée par l’économiste Amartya Sen, cette approche se distingue en ne renvoyant pas seulement aux disparités dans les ressources matérielles et immatérielles dont disposent les individus, mais également à leur capacité à convertir ces ressources en une liberté effective, une capacité à agir et à pleinement se réaliser.
Cas pratiques et initiatives