Au 15 juin 2020, près de 300 organisations associatives, dont la Fonda, avaient signé cet appel lancé le 10 juin par le Mouvement associatif.
La crise sanitaire que nous traversons a révélé la grande vulnérabilité de notre société. Si de nombreux enseignements restent encore à en tirer, trois d’entre eux sont apparus comme des besoins essentiels.
Tout d’abord celui d’un service public qui fonctionne de manière efficace et soit suffisamment doté financièrement.
Ensuite le besoin d’engagement citoyen et civique, celui de la solidarité active. Dès le début de l’épidémie, les citoyens et citoyennes se sont organisés et mobilisés en nombre pour apporter l’aide nécessaire aux plus fragiles, faire vivre des solidarités de voisinage et pour soutenir les associations souvent privées de leurs ressources bénévoles senior contraints de lever le pied. Des milliers de nouvelles associations et d’actions collectives ont fleuri partout dans le pays et ont contribué concrètement à rendre la période moins dure.
Enfin, la nécessité de la vie associative, comme bien commun. Le tissu associatif qui maille le territoire national prouve à nouveau son rôle essentiel pour la résilience de notre société. Comme toute l’économie du pays, les associations ont été en grand souffrance mais elles ont tenu et tiennent toujours leur rôle dans l’effort national de lutte contre le virus. Comme souvent en temps de crise et au plus fort des secousses, la vie associative maintient réelle et vivante notre capacité à vivre et agir ensemble. Les associations de solidarité et du champ sanitaire et social en premier lieu, qui par leur action auprès des plus précaires, des personnes en situation de handicap ou auprès des personnes âgées ou isolées, ont soulagé le service public de santé. Ce sont également les associations culturelles, d’éducation populaire et de jeunesse, environnementales, familiales ou sportives, qui ont adapté leurs activités pour maintenir les liens et soutenir leurs adhérents. Ce sont celles de la solidarité internationale mobilisées pour l’aide aux pays les plus pauvres du monde, démunis dans leurs capacités de réponse sanitaire d’ampleur.
Pour nous, ces enseignements devront être au cœur non seulement du plan de relance de l’activité, mais des choix fondamentaux de société qu’il nous faudra faire dans les mois et les années à venir.
D’abord, en mettant fin aux tendances qui, depuis plus de 30 ans, ont significativement affaibli les valeurs de l’Etat providence, conduit au recul des services publics et à la marchandisation croissante des biens communs, et réduit drastiquement les financements publics des initiatives associatives. Le tout marchand, même responsabilisé ne peut être une perspective soutenable, et l’économie de marché elle-même ne pourra y trouver son propre intérêt sur le long terme. Il faudra sans doute sortir du New Public management qui ne juge de la qualité d’une politique publique que sous l’angle de son moindre coût budgétaire.
La demande croissante de services d’intérêt général, déjà exprimée lors des crises sociales de 2019, et demain, les demandes de bien être, de bien vivre ensemble, de bénéficier d’un environnement sain, toutes ces demandes ne peuvent être satisfaites ni par la seule puissance publique, ni par la privatisation des services.
Oui, il nous faudra aussi sortir de la seule dichotomie entre capitalisme néolibéral et capitalisme d’État, telle qu’elle a dominé le monde au cours des décennies passées. Il y a autre chose, qui est indispensable à une société comme la nôtre, dont l’aspiration est à la fois à la liberté, à l’égalité et à la fraternité. Il faut, à côté de l’économie marchande et des services de l’Etat, reconnaître le rôle fondamental de l’économie sociale et solidaire dont les associations sont un des acteurs emblématiques. C’est bien la place et le rôle de cette économie non lucrative et associative, de libre initiative citoyenne qu’il faut consacrer ! A la charnière des trois principes de la devise républicaine, elle ne doit pas être réduite à la sous-traitance de l’action publique ni être livrée aux seules règles de la concurrence et du marché, comme cela a été la tendance depuis de nombreuses années, mais pensée et organisée en articulation avec l’Etat et un marché responsabilisé.
Oui, les associations sont un bien commun, et il est essentiel d’en prendre soin au regard de leur pouvoir de solidarité, de démocratie, d’économie, d’innovation sociétale, d’utilité et de cohésion sociale, à l’interface entre tous les acteurs de la société, ce qui constitue une originalité et une potentialité majeure.
Avec l’Etat et les collectivités territoriales, les associations complètent et démultiplient la force du service public mais aussi celle de la participation des citoyens et usagers eux-mêmes, aux politiques mises en œuvre. On voit combien dans ces périodes, cela est déterminant.
Au moment où nous vivons une prise de conscience et une envie profonde d’une autre hiérarchie de valeurs, au moment où l’aspiration est à un changement de paradigme, il faut faire de ce sujet le cœur de notre modèle. La vie associative n’est pas fondée sur le profit mais sur la valeur sociale ou environnementale d’abord ! Elle est émancipatrice, produit du lien et du sens au travers de l’engagement ; elle est productrice de richesses matérielles et immatérielles. Elle est enfin une actrice du temps long, déploie une économie de la proximité et de l’agilité, une économie du don avec ses millions de bénévoles et volontaires, qui explore, pointe les carences de nos sociétés et nourrit tant de politiques publiques.
Cette crise historique et ses conséquences sociales profondes, exige enfin que nous rebâtissions une société dont la solidarité sera une valeur centrale. Celle-ci est en action, discrètement le plus souvent. Elle tisse et réinvente les liens d’entraide, et par l’engagement citoyens, elle contribue à tenir le pays debout, à bas bruit. De fait, les citoyennes et citoyens ont prouvé à nouveau qu’ils n’attendent pas les pouvoirs publics pour s’engager pour des causes d’intérêt général. En revanche, il est, et il restera de la première responsabilité des décideurs publics de les soutenir, comme autant d’initiatives qui revitalisent la société par le bas, à niveau d’homme et de femme ; et de les accompagner en leur assurant un environnement favorable à leur prolongation dans le temps, en lien avec le monde associatif.
C’est bien cette société providence qu’il faudra soutenir et réinvestir ! C’est elle qui a résisté aux chocs aujourd’hui, et c’est elle qui résistera aux chocs demain.
Alors nous éviterons le risque de délitement sous le poids et les effets de la crise. Alors individuellement et collectivement, nous nous en relèverons plus forts.
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