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Les femmes et l’engagement social

Tribune Fonda N°200 - Regards croisés - Décembre 2009
Claire Feintrenie
Claire Feintrenie
Entretien avec Claire Feintrenie revenant sur son parcours de responsable associatif, de femme et de jeune mère.
Les femmes et l’engagement social

Jeune mère de famille, Claire Feintrenie est salariée de l’association Autremonde où elle est responsable de la vie associative. Elle a été volontaire au sein de l’association Unis-Cité Ile-de-France, avant d’en devenir administratrice et trésorière. Elle a aussi été secrétaire du Conseil national de la jeunesse.

 

La rédaction : Claire, à partir de votre expérience bénévole et salariée quelle vision avez-vous sur la question de la place des femmes dans les associations ?

Claire Feintrenie : J’ai une vision contradictoire en fonction de mes différentes expériences. Par exemple, au sein d’Unis-Cité, le genre n’a jamais été un handicap pour accéder à des responsabilités mêmes importantes, pas plus que l’âge. Bien que ce soit une association accueillant plus de 150 volontaires et employant plus d’une dizaine de personnes, je n’ai jamais senti qu’être une jeune femme constituait un problème. Si on prend en compte le fait que la question de la diversité est un enjeu placé au cœur du projet de l’association, cela peut créer comme « un tabou » qui empêche l’expression même d’un préjugé basé sur l’origine, le genre ou l’âge. Cela participe aussi d’une sensibilité particulière des différents acteurs bénévoles et salariés de ce mouvement.

Néanmoins, je me suis tout de même toujours interrogée sur la difficulté rencontrée par l’association dans le recrutement de volontaires hommes. En effet, l’objectif était de rechercher en équilibre entre hommes et femmes parmi les volontaires, mais il fallait faire des efforts particuliers pour « recruter » des hommes. Est-ce que cela signifie que l’engagement des femmes au service de la solidarité est mieux accepté et valorisé, tout comme le fait d’avoir un parcours professionnel fait de détours ? En ce qui me concerne cela a été très enrichissant à titre personnel.

En tout cas, pour ma part, quand j’ai pris des responsabilités au sein de l’association je cumulais les désavantages : jeune, femme, inexpérimentée. Ce parcours s’inscrit aussi dans la volonté marquée par l’association pour donner et valoriser la parole des volontaires qui s’engageaient pour six ou neuf mois.

 

La rédaction : Qu’en est-il de votre expérience de salariée ?

C.F. : Cela est différent. L’association Autremonde est un projet qui mobilise des jeunes pour conduire des actions de solidarité. L’accès aux responsabilités est très facile, mais il faut tout de même que nous ayons une action positive pour favoriser l’accès des femmes aux responsabilités alors qu’elles représentent environ 70 % des bénévoles engagées. Actuellement, il n’y a qu’une femme sur les cinq membres du bureau. Elle est secrétaire aux missions de lutte contre la précarité de l’association. Au niveau du conseil d’administration, l’équilibre est meilleur. C’était déjà le cas l’année dernière. Cette différence dans la composition entre les bénévoles et les dirigeants de l’association soulève de multiples questions. Il est très difficile d’analyser ce phénomène, mais je pense que les femmes s’interdisent en fait de se présenter à la présidence considérant qu’il ne s’agit pas d’une mission pour elles. Elles ont du mal à se voir à la tête du conseil d’administration. A contrario, le poste de délégué général de l’association a pratiquement toujours été occupé par des femmes.

Nous pouvons nous demander si nous n’avons pas finalement l’habitude d’identifier les postes à un genre particulier.

 

La rédaction : Est-ce que vous pensez qu’il faudrait développer une réflexion sur la conciliation de la vie familiale avec des engagements sociaux, comme il en existe sur l’articulation avec la vie professionnelle ?

C.F. : Il est vrai que depuis que je suis moi-même une jeune mère de famille, je ne dispose plus de la disponibilité nécessaire pour m’impliquer autant qu’avant dans une responsabilité associative, d’autant plus que les heures de réunions et d’activités sont rarement compatibles avec mes obligations maternelles. Pour l’association Autremonde, cela ne pose pas de problème dans la mesure où nous mobilisons des jeunes autour de 25-28 ans, qui n’ont pas encore de contraintes familiales fortes.

Je souhaiterai revenir sur la question de l’accès aux responsabilités. En fait, le déséquilibre apparent entre hommes et femmes au sein des instances n’est pas un fait permanent. Dans le passé, il y a eu des situations où le bureau comprenait trois femmes. Cela me conduit en tant que permanente en charge de la vie associative à être vigilante et à veiller à ce que l’on reparle régulièrement de cette question. Je suis néanmoins convaincue que sans action collective, l’équilibre ne se fera pas. La dynamique qui conduit à la prise de responsabilité des femmes est loin d’être un mouvement naturel.

 

La rédaction : Vous avez été largement impliquée dans des dynamiques inter-associatives et dans des espaces de représentation, notamment au Conseil national de la jeunesse. Quelle est votre expérience à ce niveau de responsabilité ?

C.F. : Mon propos sera obligatoirement subjectif. J’ai le sentiment, l’impression que les hommes, par leur investissement dans des espaces de représentation, jouent quelque chose de l’ordre de l’affirmation d’une ambition personnelle. Pour ma part, mon investissement n’était pas de cette nature. Seule la possibilité de faire avancer des idées auxquelles je tenais m’intéresserait.

Chercher à investir de tels espaces de pouvoir et de représentation correspond davantage à des schémas masculins. Je pense que les différents acteurs de la société, et notamment les employeurs, ont une appréciation différente sur ces éléments de parcours. Alors que ce sera valorisant pour un homme, ce sera plutôt envisagé avec suspicion pour une femme qui sera vite considérée comme ambitieuse ou « source de problèmes ». Est-ce que cela renvoie à une hiérarchie des engagements selon les genres, où les hommes seraient valorisés quand ils prennent des responsabilités et ont du pouvoir, alors que les femmes le seraient davantage dans l’action auprès des publics ? C’est une question sans doute à aborder.

Pour conclure, je crois indispensable de travailler pour un meilleur accès des femmes aux responsabilités associatives. Cela passe aussi par une meilleure valorisation de ce type d’engagement par les femmes, éventuellement dans le cadre de validation des acquis de l’expérience bénévole.

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