Cet article a été initialement publié dans la revue Juris Associations n°596, parue le 1er avril 2019 (cliquer ici pour télécharger l'article au format PDF).
Depuis le 1er juillet 1901, tout citoyen dispose du droit le plus absolu de s’associer, sans autorisation ni démarche préalable. À l’heure de la célérité des réseaux sociaux où tout se crée et se transforme à la vitesse d’un clic, on a oublié la portée fondamentale de cette loi. Pourtant, elle incarne à elle seule une confiance affirmée envers ce que nous appelons aujourd’hui la société civile, en accordant aux citoyens le droit de se rassembler librement, sans aucun contrôle. De ce fait, depuis près de cent-vingt ans, le fait associatif a puissamment contribué à façonner notre espace politique, économique et social.
Il est dès lors légitime de chercher à mieux (faire) connaitre la réalité socio-économique d’un acteur qui s’appuie sur 1,5 millions de ramifications. Si les Français s’illustrent d’année en année par un pessimisme stérile - ils ne croient plus en l’avenir, ni au récit collectif, encore moins aux politiques - leur attachement à la politique reste indéniable.
Néanmoins, les crises protéiformes que traverse notre pays depuis plus de quarante ans n’ont en rien ébranlé leur confiance envers les acteurs associatifs. Les associations n’incarnent-elles pas ce creuset de la démocratie : primauté de l’individu, égalité des membres, liberté d’adhésion, limitation de l’objet social, administration par libre délibération de ses membres ? Plus que tout, nul besoin de diplôme ou d’expérience pour incarner la fraternité et la solidarité !
Les associations ne sont en rien des boudoirs où l’on causerait dans le vain espoir de changer un monde composé de paroles et de pixels. Elles sont au contraire les caisses de résonance de notre propre société, dans ce qu’elle a de meilleur et parfois de pire ; elles incarnent des réalités de terrain, palpables et tangibles.
Réjouissons-nous d’observer une montée régulière et continue du nombre de bénévoles dans notre pays. Ces millions d’hommes et de femmes sont la sève de notre cohésion sociale. Chaque jour, ils et elles innovent et créent car ils et elles croient dans leur pouvoir d’agir. Loin d’être repliés sur eux-mêmes, les bénévoles sont la preuve qu’un pays qui s’engage est un pays qui croit en l’avenir.
À la lecture des travaux de Viviane Tchernonog et de Lionel Prouteau, il y a des raisons de rester optimiste malgré un contexte de tensions croissantes : 70 000 nouvelles associations crées chaque année, une prépondérance des associations liées au vivre-ensemble (les petites associations sportives, culturelles et de loisirs dominent le paysage associatif), 159 000 structures qui créent de l’emploi salarié (qui représente à lui seul 10% de l’emploi privé en France1 ) et un budget cumulé de plus de 113 milliards d’euros. Même si le paysage associatif est évidemment contrasté, avec 75% d’associations qui gèrent un budget annuel de moins de dix mille euros.
Mais gardons au final à l’esprit que ce sont près de vingt-deux millions de Français qui déclarent avoir rendu des services bénévoles dans le cadre d’une organisation. Les associations ne sont pas des corps intermédiaires, ce sont les organes vivants du corps social, au cœur de notre pacte républicain.
- 1En 2017, l’effectif salarié associatif s’élevait à 1 758 500 emplois alors que l’industrie automobile cumulait 440 000 salariés et 190 milliards d’euros de chiffres d’affaires (Étude économique : la filière industrielle de l'automobile (DGE - 2017)