Associations et entreprises

Les alliances dans l’ADN associatif

Tribune Fonda N°217 - Association et entreprise : quelles alliances pour transformer le monde ? - Mars 2013
Yoann Kassi-Vivier
Yoann Kassi-Vivier
Et Pro Bono Lab
Créée en janvier 2011, l’association Pro Bono Lab aspire à bâtir une société où les citoyens, les associations et les entreprises mutualisent leurs compétences pour faire progresser l’intérêt général.

Pour cela, Pro Bono Lab propose aux professionnels et aux étudiants (les volontaires) de participer à des projets de conseil en équipe pour accompagner gratuitement les associations, dans les domaines de la communication, du marketing, des ressources humaines, de la stratégie, etc.


Depuis janvier 2012, Pro Bono Lab a mobilisé 700 volontaires pour réaliser plus de 10 000 heures de conseil gratuit au profit de 80 associations, grâce au soutien de 17 entreprises, 6 grandes écoles et 2 collectivités locales.


Des compétences au service du bien public


Du latin pro bono publico, littéralement « pour le bien public », le pro bono désigne l’engagement volontaire de ses compétences pour le bien public ou, dirait-on en France, pour l’intérêt général. Cette expression est utilisée pour la première fois aux Etats-Unis dans les années 1970 pour nommer les services gratuits ou quasi-gratuits d’avocats accordés à des personnes démunies.


En France, le pro bono recouvre les pratiques encore peu développées de bénévolat et de mécénat de compétences. Il peut prendre diverses formes, par exemple : une infirmière se rend dans un hôpital en Afrique pendant ses vacances pour pratiquer bénévolement son métier. Dans ce cas nous parlons de bénévolat de compétences. Il peut également s’agir d’un comptable qui, détaché ponctuelle- ment par son entreprise, s’engage volontairement auprès d’une association pendant son temps de travail pour l’accompagner dans la clôture de ses comptes annuels. Nous parlons alors de mécénat de compétences.


Le pro bono se situe à la croisée des mondes ; il est le fruit d’une collaboration entre une association qui exprime un besoin d’accompagnement, un volontaire qui souhaite partager ses compétences pour l’aider et une entreprise ou une école, qui facilite la mise à disposition de ses collaborateurs ou étudiants.


Des besoins d’accompagnement importants, une offre dediée aux associations limitée

Les mutations qui traversent le monde associatif sont nombreuses et génèrent autant de besoins d’accompagnement encore mal couverts. La demande sociale et environnementale augmente en se complexifiant, au moment où les subventions diminuent au profit de la commande publique (+ 73 % entre 2005 et 2011)1. La baisse des financements publics est partiellement compensée par la participation des usagers et la vente de prestations (+ 46 %). Le risque de disparition des associations moyennes n’ayant pas les compétences pour répondre aux appels d’offres est très fort. Et la marchandisation des activités associatives comporte celui de ne plus savoir répondre à une demande non-solvable.


D’autre part, les bénévoles sont plus nombreux mais aussi plus volatiles, plus contraints et plus exigeants. Aujourd’hui, les associations éprouvent des difficultés à mobiliser les compétences professionnelles des volontaires et à s’adapter à leur exigence de flexibilité, qu’ils soient actifs ou étudiants.


La majorité des associations souhaite bénéficier d’un appui en compétences. L’étude CPCA/Avise de 2011 montre que les besoins exprimés par les associations portent principalement sur la communication (69 %), la gestion des ressources humaines (60 %), la stratégie de croissance ou de consolidation (50 %) ou encore la mutualisation (54 %).


Malgré ces besoins clairement identifiés, les dispositifs d’accompagnement restent insuffisants :
– seulement 15 % des associations ont bénéficié d’un appui en stratégie de communication et 13 % en recrutement des bénévoles ;
– le mécénat de compétences reste sous-développé alors que 79 % des associations considèrent les entreprises comme légitimes pour leur apporter des compétences ;
– finalement, seules 50 % des associations qui ont cherché une expertise ont trouvé le volontaire correspondant et seul un quart des missions a abouti (25 %).


Accompagner la volonté d’engagement des salariés d’entreprise

En 2011, 88 % des salariés sondés par l’IMS sont favorables à ce que l’entreprise leur propose des activités de bénévolat (92 % des jeunes salariés). En réponse à cette volonté d’engagement, les entreprises souhaitent principalement mettre en place des programmes de bénévolat et de mécénat de compétences.
Pour l’étude franco-américaine Demonstrating the business value of pro bono service, Pro Bono Lab et The Taproot Foundation ont collecté de nombreux témoignages qui éclairent les motivations des entreprises. Les programmes pro bono permettent de répondre à des enjeux relatifs à la gestion des ressources humaines. Ils renforcent la cohésion interne, la motivation au travail, l’attractivité de la marque employeur, la formation et le développement des compétences transversales.


En pratique, peu de responsables RH sont à l’initiative de programmes pro bono. Ces programmes sont souvent portés par la fondation d’entreprise, la communication, la direction générale ou encore le développement durable et la RSE. Entrent alors en jeu des motivations d’ordre philanthropique (mieux accompagner les associations partenaires de la fondation) ou liées à la visibilité et à la réputation de l’entreprise.


Selon l’Admical, malgré cet intérêt croissant, seules 11 % des entreprises mécènes pratiquent le mécénat de compétences (31 % des grandes entreprises), alors que 74 % d’entre elles pratiquent le mécénat financier. En ce qui concerne le mécénat de compétences, la tendance est à la baisse puisque 11 % des entre- prises mécènes le pratique, contre 21 % en 2010.
Cette baisse peut être expliquée par la « difficulté de mise en place du dispositif de mécénat de compétences », qui requiert la mobilisation de fonctions transverses dans l’entreprise. On constate cependant une montée du bénévolat de compétence.


Innovation et partenariats : marques de fabrique du Pro bono made in France


L’innovation comme vecteur d’utilité sociale

Comment faire en sorte que les professionnels partagent leurs compétences volontairement avec des associations qui n’ont pas les moyens de s’offrir leurs services ? Pour répondre à cette question, nous avons créé Pro Bono Lab, véritable laboratoire de recherche et d’expérimentation en matière d’engagement pro bono.
La première étape de notre activité consiste à aider les associations à clarifier leurs besoins. Pour cela, nous avons mis au point une méthode de diagnostic, déployée à plus de cent reprises depuis janvier 2011.


Dans un second temps, nous concevons des projets qui permettent de répondre à leurs besoins d’accompagnement structurel, en faisant appel à des compétences volontaires ponctuelles. Nous avons donc créé un format d’engagement basé sur le travail collaboratif, efficace et peu « chronophage » : le Marathon Probono.


Certaines associations ont participé à plusieurs Marathons successifs, afin de conduire des projets complexes en plusieurs étapes, comme la conception et le développement d’un site Internet. Les associations les plus actives ont suivi un parcours d’accompagnement intensif, comme le Mouvement pour la réinsertion sociale qui a bénéficié de six projets en douze mois. Les Marathons Probono ont rencontré un vif succès de par leur caractère utile et fédérateur, tout en offrant la possibilité de s’engager de manière ponctuelle.
En parallèle de ces activités, un des principaux enjeux pour Pro Bono Lab est l’innovation en matière économique pour financer le temps passé par l’équipe permanente à effectuer le cadrage des besoins des associations. Là, il a fallu identifier et mettre en lumière la valeur de nos actions pour l’entreprise.


Les partenariats au cœur du projet

Grâce à des partenariats innovants avec les entreprises, les grandes écoles et universités ainsi que les collectivités, Pro Bono Lab conçoit et autonomise des pro- grammes pro bono qui créent de la valeur partagée, prioritairement orientée vers les petites et moyennes associations d’utilité sociale, les étudiants et les jeunes diplômés, les petites et grandes entreprises et la mutualisation des méthodes pro bono avec les acteurs du secteur afin de générer des effets d’entraînement.
La place de l’entreprise varie en fonction des programmes. Au sein du pro- gramme métiers Probono, Pro Bono Lab cherche à transformer l’entreprise pour que le pro bono entre dans sa culture, ses discours et ses pratiques. L’entreprise est donc au centre du programme puisqu’il s’agit de l’accompagner tout au long de la conception, du pilotage et du développement d’un programme d’implication des salariés.


Tout en mobilisant leurs salariés, les entreprises qui soutiennent les programmes Assos Probono, Campus Probono et Open Probono accompagnent Pro Bono Lab dans le développement du pro bono en dehors des murs de l’entreprise, au sein des petites associations, auprès des jeunes, enfin aux niveaux national et international.


Des perspectives réjouissantes

Les études à l’issue des projets montrent que 94 % des associations sont satis- faites. 60 % des associations affirment avoir acquis de nouveaux savoir-faire et rencontré des partenaires potentiels. A noter : 99 % des volontaires recommandent cette expérience à leur entourage, 75 % ont envie de s’impliquer davantage au sein d’associations et 70 % déclarent avoir développé des compétences mobilisables au travail.

Cas pratiques et initiatives
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