Engagement Gouvernance

L'engagement bénévole, une ressource-clé à promouvoir dans les associations au bénéfice des enfants et des jeunes

Tribune Fonda N°239 - Les dynamiques de l'engagement - Septembre 2018
Sophie Bourgeois
Sophie Bourgeois
Et Bertrand Jullien
La professionnalisation croissante des associations du secteur social et médico-social entraîne une raréfaction du bénévolat. La diversification de ses formes, le développement de parcours d’engagement et de leur reconnaissance sont autant de pistes pour redynamiser le bénévolat.

« L’engagement militant des associations impliquant bénévoles et salariés constitue une véritable ressource sociétale qui doit être valorisée, et dont l’incontestable utilité sociale doit être reconnue.1 »  À l'origine de cette réflexion, une démarche prospective, devenue le projet politique de la CNAPE2 , sur le bien-être de l'enfance et de la jeunesse dans dix ans, menée en partenariat avec Nexem et avec le soutien de la Fonda.

L'objectif affiché était de réinvestir la fonction politique des associations, en développant le rôle politique des administrateurs, par une diversification de leurs profils et une hausse de leur implication dans l'association, pour une gouvernance démocratique, participative et dynamique. Il s’agissait enfin de tenir compte des nouveaux modes d'engagement des bénévoles, en valorisant et développant le bénévolat d'action, et en suscitant une politique de mobilisation, d'intégration et de formation adéquates pour les bénévoles.

 

Soutenir le développement du bénévolat


La promotion du bénévolat et le soutien à son développement constituent un chantier prioritaire. L'engagement bénévole, facteur majeur de mobilisation citoyenne, vecteur de transformation sociale, est le pilier et l’essence du fait associatif.

Le mouvement de professionnalisation des associations sociales et médico-sociales et de développement d’un salariat spécialisé pour mener leurs actions a conduit à la raréfaction des ressources bénévoles, presque exclusivement consacrées à la gouvernance. Le recrutement de nouveaux administrateurs y est souvent effectué par cooptation, entraînant un vieillissement et un manque de diversité culturelle et socioprofessionnelle. Davantage limités dans le temps et centrés sur l’opérationnel, les modes d’engagement actuels renforcent les difficultés des associations pour fidéliser et renouveler leur bénévolat de gouvernance, plus particulièrement dans les associations gestionnaires.

Or, les membres de la commission ont pointé les multiples avantages que pourrait susciter la redynamisation du bénévolat au sein des associations du secteur social et médico-social, au bénéfice des enfants, des jeunes et des familles accompagnés ou accueillis :

  • un engagement totalement désintéressé au service du projet associatif,
  • un facteur d'enrichissement du projet et des modalités d'accompagnement des personnes,
  • une participation citoyenne directe dans la définition des politiques sociales et des actions en faveur de l'enfance et de la jeunesse,
  • une source d'enrichissement et de développement personnels pour ceux qui s'y investissent.


Diversifier les formes du bénévolat


Les travaux de la commission Vie associative de la CNAPE ont souligné l’intérêt pour les associations de proposer une offre de bénévolat diversifiée, souple et modulable. Si la distinction entre bénévolat de gouvernance et bénévolat d'action (ou d'intervention directe) est nécessaire pour définir les missions de chacun, les frontières doivent rester poreuses et perméables, des liens doivent pouvoir se tisser, des parcours se construire.

Afin de viser un bénévolat de gouvernance en prise directe avec les missions de l'association et en capacité d’élaborer et de réaliser son projet, les modalités de recrutement des administrateurs doivent être diversifiées : développement de la parité, mise en place d'une stratégie de développement du bénévolat d'action, recrutement d'administrateurs parmi les personnes accompagnées, échange d'administrateurs avec d'autres associations partenaires... Il est essentiel que les bénévoles soient mobilisés sur l’actualisation régulière du projet de l’association et le contrôle de sa réalisation. Cela passe par une véritable dynamisation de la vie associative qui repose sur une relation forte aux personnes accompagnées, aux professionnels de l’association, aux élus et partenaires de ses territoires d’intervention.

Afin d'enrichir les modalités d'accompagnement des enfants, des jeunes et des familles, des modalités d'engagement diversifiées et assouplies dans du bénévolat d'action ou d'intervention directe peuvent être mises en place (bénévolat d'accueil, d'écoute, d'accompagnement, de soutien à l'action éducative, de compétences...). Pour respecter les places et les responsabilités de chacun, la commission recommande d’établir une complémentarité et une coopération entre bénévoles et professionnels, pour que le bénévolat apporte une véritable valeur ajoutée dans la qualité des services et de l'accompagnement dispensés par l'association.

Il s'agit de considérer le bénévolat comme une ressource à manager avec la même attention que celle qui est consacrée aux salariés.


Développer la reconnaissance du bénévolat


La commission Vie associative de la CNAPE a souhaité proposer des leviers transversaux à activer pour développer le bénévolat et dynamiser l'animation de la vie associative dans les associations. Ainsi, elle recommande de considérer le bénévolat comme une ressource à manager avec la même attention que celle qui est consacrée aux salariés définir précisément les missions, organiser le recrutement, l’accueil et la formation, leur proposer un parcours de bénévolat. Pour cela, le projet associatif doit être clarifié et mis à jour pour assurer le continuum entre bénévoles et salariés, définir et reconnaître le niveau d’engagement proposé aux bénévoles.

Accompagner et soutenir l’action des bénévoles tout au long de leur parcours dans l’association est indispensable, en considérant les bénévoles comme des acteurs pleins et entiers de la vie associative, et donc en construisant avec eux une représentation partagée de la manière de mettre en œuvre le projet associatif.

La commission recommande aussi de développer l'attractivité et l'accessibilité du bénévolat. Des formes d’engagement accessibles à tous doivent être identifiées et relayées, pour que les bénévoles mobilisés reflètent les différentes composantes de la société civile, en veillant notamment à encourager la participation des personnes accompagnées.

Enfin, la commission Vie associative de la CNAPE préconise de valoriser le bénévolat pour faire reconnaître sa plus-value par les pouvoirs publics, les partenaires et les financeurs. Cela implique de rendre lisibles et visibles le financement de la vie associative ainsi que l'apport du bénévolat aux actions menées par l'association, notamment dans les comptes annuels de cette dernière.

Cela suppose plus largement pour l'association d'investir, en toute autonomie et en collaboration avec ses parties prenantes, une réflexion sur l'évaluation de l'impact et de l'utilité sociale des actions menées par l'association. Cela implique également des préconisations spécifiques à destination des pouvoirs publics, soit de :

  • soutenir les démarches d'évaluation et de valorisation de l'utilité sociale de l'activité associative et bénévole ;
  • faire en sorte que les OPCA puissent financer la formation de l'ensemble des bénévoles ;
  • former les cadres territoriaux à un management prenant en compte la dynamique de territoire pour promouvoir la transversalité entre tous les acteurs ;
  • soutenir des projets de recherche permettant de mieux évaluer l'apport du bénévolat et des associations en termes de coûts évités et de bénéfices (monétaires, quantitatifs et qualitatifs) produits, autant auprès des bénéficiaires de l'action, que des citoyens et des territoires.



FOCUS n°1
L'association Sauvegarde 42, ou comment dynamiser la vie associative à tous les niveaux de l'association ?

Par Bertrand Jullien

La Sauvegarde 42 a profondément repensé l’animation de la vie associative dans une association employeuse de près de 500 salariés et qui mobilise une centaine de bénévoles. Le principe qui l’a guidée est que le rôle essentiel et irremplaçable des bénévoles réside dans cette animation dans toutes ses composantes : portage politique des projets éducatifs, engagement citoyen dans une cause d’intérêt général, relation aux élus et partenaires des territoires d’intervention, échanges et contacts directs avec les jeunes accompagnés et leur famille.

En creux, cela signifie qu’en matière de gouvernance, ils ne sont plus concernés que par la définition des grandes orientations, le contrôle de leur réalisation, et aucunement par leur mise en œuvre. Ils sont ainsi recentrés sur leur rôle politique et stratégique, non plus sur la gestion quotidienne. Ce principe a conduit à un certain nombre de réformes. Les commissions techniques qui avaient en charge la gestion des ressources ont été supprimées, leurs tâches confiées à une équipe de direction générale renforcée.

En revanche, des moyens ont été affectés à l’animation de la vie associative, à travers la désignation d’une vice-présidente épaulée par une directrice et une assistante qui interviennent désormais en début de chaque conseil d'administration pour rendre compte de leur mission.

Tous les bénévoles de gouvernance sont affectés à un « conseil consultatif de pôle» piloté par un administrateur référent et un directeur opérationnel, avec pour mission essentielle le portage de la vie associative dans ses déclinaisons spécifiques au pôle concerné3 .

Les membres du conseil consultatif de pôle sont systématiquement invités à participer aux réunions des conseils de la vie sociale4 et aux divers événements qui leur permettent de rencontrer professionnels et personnes accompagnées, ainsi qu’aux séances d’évaluation. Les professionnels ont été sollicités pour identifier des missions bénévoles apportant une réelle plus-value à leur propre action.

Le recrutement des bénévoles en charge de ces missions est en cours et sera cadré par une charte d’engagement. Un programme de formation, destiné à améliorer les compétences des bénévoles de gouvernance en matière politique, stratégique et de contrôle, ainsi que celles des bénévoles d’action en matière d’intervention auprès des jeunes et des familles, a été élaboré ; l’accueil et l’accompagnement des bénévoles ont été organisés.

Le premier effet positif de cet ensemble d'évolutions est que les bénévoles ont désormais trouvé ce qu’ils considèrent comme leur vraie place, et que cette place est identifiée et reconnue par les professionnels : dégagés des tâches opérationnelles de gestion pour lesquelles ils ne se sentent en général ni compétence ni attrait, et au contraire mobilisés sur la réalisation du projet associatif qui a justifié leur engagement. L’allègement des instances de gouvernance a par ailleurs amélioré la réactivité et l’agilité de l’association.

Le défi à venir sera de réussir la mobilisation de nouveaux bénévoles et en particulier des plus jeunes, auprès de qui l’aspect « grosse machine institutionnelle » de nos associations constitue souvent un repoussoir.



FOCUS n°2
Le bénévolat d’intervention à la Sauvegarde du Finistère (29)

Par Roger Abalain, président, Jean-Pierre Alexandre, administrateur chargé du bénévolat et Laurent Caroff, directeur-adjoint du service de milieu ouvert de la Sauvegarde 29

La réflexion menée par la Sauvegarde 29 concernant le bénévolat associatif a été initiée sur la base d’un double constat : les difficultés à développer le bénévolat de gouvernance l’intérêt de remettre à l’ordre du jour le bénévolat d’intervention5  pour renouer avec l’essence même de l’association6 et mettre en œuvre les objectifs du projet associatif relatifs à l’engagement citoyen.

Aujourd’hui, le bénévolat d’intervention occupe une place toute particulière au sein du Dispositif de milieu ouvert de la Sauvegarde (Demos). En effet, ce service intervient dans un cadre contraint décidé par l’autorité judicaire alors que l’action du bénévole ne peut s’inscrire que dans un cadre amiable auprès des familles.

L’article 375-1 du Code civil qui encadre l’assistance éducative précise que le magistrat doit rechercher l’adhésion de la famille à la mesure décidée. L’acceptation par la famille de la présence d’un bénévole auprès d’elle est une marque de cette adhésion. Ainsi, l’intervention du bénévole en soutien scolaire fait suite à une prise de conscience partagée avec le parent de l’utilité de cette aide dans l’intérêt de l’enfant. Le travailleur social exerçant la mesure éducative sera l’intermédiaire pour présenter le bénévole à la famille. Ensuite, l’organisation du soutien scolaire se déterminera directement entre le bénévole, le parent et l’enfant.

Le contexte judiciaire s’efface au profit d’une contractualisation directe entre le parent et le bénévole. Cette ouverture de l’espace familial à un acteur non judiciaire, pour un accompagnement dédié  à l’enfant, participe au renforcement du lien social, notamment pour des familles qui connaissent le repli sur soi. Une autre action bénévole est proposée dans le service par deux bénévoles passionnés de cyclisme. L’action mise en œuvre est collective puisque des groupes d’enfants y participent. Les vertus d’une telle activité paraissent évidentes : socialisation, pédagogie (sécurité routière), goût de l’effort, découverte de lieux… Le service bénéficie, en outre, du réseau tissé par les bénévoles qui sont en lien avec une association qui prête les vélos.

Si l’intérêt de l’intervention « bénévole» et sa complémentarité avec celle des professionnels sont indéniables, son développement reste une difficulté. Pour y remédier, la Sauvegarde 29 multiplie les initiatives en matière de communication externe (relations avec la presse locale, développement du partenariat, réponses à des appels à projets pour diversifier les activités…).

Elle œuvre pour développer d'autres formes de relation avec les familles et l'environnement (conseils de vie sociale, conseils d’orientation et de développement7 …) et sollicite les réseaux des administrateurs et adhérents pour proposer aux professionnels, à l’intention des jeunes et des familles, des activités nouvelles (visites d’entreprises, de monuments, sorties sportives, culturelles…).

Outre la diversification de l’offre d’accompagnement qui devrait en découler, l’association espère, par la mobilisation d’acteurs bénévoles tant en interne qu’en externe, développer le bénévolat d’intervention, valoriser et faire connaître le travail des professionnels de la protection de l’enfance.

  • 1 Introduction du rapport de la commission Vie associative de la Cnape, L'Engagement bénévole : une ressource-clé à promouvoir dans les associations au bénéfice des enfants et des jeunes, publié en mai 2018. À consulter sur cnape.fr
  • 2Le Bien-être de l'enfance et de la jeunesse : un objectif majeur des dix prochaines années, démarche prospective partagée par la Cnape et Nexem, mai 2017.
  • 3La Sauvegarde 42 est divisée en trois pôles : le pôle maisons d'enfants, le pôle spécifique pour adolescents et le pôle milieu ouvert, auxquels s'adjoint une mission insertion et activités socio-judiciaires.
  • 4Forme de participation des personnes accompagnées au fonctionnement des établissements et services, prévue par la loi n°2002-2 du 2 janvier 2002 rénovant l'action sociale et médico-sociale.
  • 5Expression entendue au sens de présence non professionnelle auprès des personnes accompagnées.
  • 6Avant de devenir une association « professionnalisée», la Sauvegarde 29 est née en 1937 de la volonté d’acteurs de la société sensibilisés aux enjeux de protection de l’enfance.
  • 7Les conseils d’orientation et de développement sont des instances consultatives d’aide au pilotage, où peuvent être associés des représentants des personnes accueillies, administrateurs, financeurs, partenaires…
Cas pratiques et initiatives
Expérimentation