Cet article a été initialement publié sur le site MetisEurope sous le titre « Le droit à l’emploi, quelle réalité ? » et partiellement republié avec leur aimable autorisation. Retrouvez la version longue de cet article sur ce média en ligne engagé dédié au travail.
Une enquête évaluative qui interroge la création de valeur
Ce rapport s’inscrit dans la suite du travail mené par la Fonda, le Labo de l’ESS et l’Avise pour une appropriation par les acteurs eux-mêmes des processus d’évaluation.
Alexeï Tabet rappelle ainsi qu’il a cherché à établir à la fois ce « qui fait valeur », l’utilité collective du travail accompli, et « ce qui fait la valeur », autrement dit les ressources investies par l’ensemble des acteurs dans « le processus stratégique collectif qui la produit ».
Établir à la fois ce « qui fait valeur », et « ce qui fait la valeur ».
Il ne s’agit pas seulement de rendre compte d’une action et de juger de son impact par ce qu’elle produit, qui ici excède l’ambition initiale de création d’emploi au sein d’une Entreprise à but d’emploi (EBE)1 .
Ce rapport en tire des enseignements généraux quant à la conduite d’une action publique qui met en branle des acteurs autres que ceux ayant initié l’expérimentation.
Une analyse au plus proche des territoires enquêtés
La parole des salariés des EBE, des membres des Comités locaux pour l’emploi (CLE) ou des représentants du Service public de l’emploi (SPE), est longuement restituée. Elle est essentielle. Elle témoigne du travail d’expérimentation, fait d’ambitions et de tâtonnements, de fidélités et d’évolutions, de rencontres humaines et d’inscription dans la durée.
Les quatre « sociosystèmes territoriaux », celui du quartier Saint-Jean à Villeurbanne, classé en Quartier prioritaire de la politique de la ville (QPV), de Colombelles, ville au plus fort taux de chômage de l’agglomération de Caen, de Thiers, ville de 12 000 habitants au passé industriel, et du quart sud-est du XIIIe arrondissement de Paris, ne sont pas des copies conformes.
La confrontation au réel y suscite des stratégies différentes de la part des initiateurs locaux de TZCLD. Les quelque 200 pages du rapport incitent à prendre au sérieux le terme d’expérimentation, préféré à celui de dispositif, et consacré lors du vote de la loi habilitant les dix premiers territoires en février 20162 .
Comprendre pour agir, expérimenter pour comprendre
Alors que l’expérimentation essaime3 , les enseignements de ce rapport sont précieux. Il enrichit le travail de capitalisation effectué par l’association TZCLD4 .
Les leçons formulées à l’issue du travail d’Alexeï Tabet avec l’équipe de la Fonda, valent pour TZCLD. Elles valent aussi pour l’ensemble des politiques de l’emploi et de l’insertion, et de développement territorial. Elles permettent de préciser ce qu’« expérimentation » veut dire. Elle n’est pas le test d’un dispositif conçu in abstracto et qu’il s’agirait de déployer dans les bassins d’emploi. Elle a besoin de temps.
La brève histoire de quatre territoires TZCLD est celle de la confrontation des hypothèses initiales avec leur mise en pratique, histoire au cours de laquelle elles s’ajustent et s’enrichissent pendant que d’autres hypothèses apparaissent. En acceptant une forme d’indétermination dans les formulations initiales, l’enquête évaluative permet de caractériser la valeur créée, par nature multidimensionnelle, « démocratique, économique, sociale, environnementale ». Elle est véritablement un outil de pilotage.
À la fin nous ne sommes pas seulement mieux armés pour lutter contre le chômage de longue durée et l’exclusion des « oubliés de la croissance », nous avons appris comment une politique publique, une innovation politico-économico-sociale ambitieuse se construit avec l’ensemble de ceux qui sont concernés, l’ensemble des parties prenantes.
Alexeï Tabet (La Fonda), Territoires zéro chômeur de longue durée : quelle création de valeur ?, 2022, 225 pages.
