Des conférences aux travaux d'analyse
Fondée par Yaël Benayoun et Irénée Régnauld il y a cinq ans, l’association se concentre alors sur l’organisation d’événements dont une conférence avec Philippe Bihouix à la Recyclerie ou sur l’œuvre d’Alain Damasio au Ground Control. Alors principalement francilienne, comme en témoignent ces deux exemples parisiens, ses intervenants sont issus d’univers variés : monde universitaire, mais aussi entreprises et fonction publique.
Du fait de la crise liée au COVID-19 et de ses fermetures répétées des lieux de rassemblement, l’association change d'activité. «L’impossibilité d’organiser des débats nous a amenés à passer de cette organisation événementielle, qui mettait en évidence le discours d’invités, à une structure capable d’assumer un discours propre », raconte Antoine St. Epondyle, trésorier de l’association jusqu'à récemment.
Des membres lancent un recensement des dispositifs de surveillance mis en place en lien avec le COVID-19.
« Sous couvert de crise sanitaire, les technologies ont été développées de manière galopante, sans concertation ni plan démocratique », résume Antoine St. Epondyle. Ce travail de veille a donné lieu à plusieurs publications de Maud Barret Bertelloni, co-secrétaire générale et coordonnatrice du groupe de travail Surveillance.
Louis Derrac, co-secrétaire général, qui travaillait déjà sur les questions de l’éducation et du numérique, lance quant à lui un travail d’analyse de rhétorique sur l’expansion de l’EdTech, soit les outils technologiques utilisés pour une éducation à distance.
Une association qui grandit
Alors que son champ d’action s’étend, l’association fait évoluer sa gouvernance. Le bureau, composé jusqu’alors des cofondateurs Yaël Benayoun et Irénée Régnauld, s’élargit. Des personnes vivant hors de l’Île-de-France rejoignent également l’association.
Les engagements bénévoles sont variés : en plus d’un canal de discussion sur Telegram, les membres se retrouvent par groupe de cinq dans différents groupes thématiques : imaginaires, surveillance, intersectionnalité, démocratie et écologie.
Si ces groupes de travail sont autonomes, le bureau travaille à créer des synergies entre eux. Malgré la pandémie, les membres se sont retrouvés en 2021 pour la première « Bergerie », une université d’été au Campus de la transition à Forges, en Île-de-France.
Le Mouton numérique travaille aussi en partenariat avec d’autres associations : un événement consacré au colonialisme spatial a par exemple été organisé avec la Quadrature du Net début 2022.
Porter une parole technocritique
Association de personnes physiques, Le Mouton s’inscrit dans un écosystème de réflexion sur le numérique composé entre autres de la Quadrature du Net et des designers éthiques.
« Les débats sur la technologie sont souvent renvoyés à des confrontations stériles entre technophobie et technolatrie [contraction de technologie et idolâtrie ndlr.], avec peu de nuances.
Nous voulons porter une parole technocritique alimentée par les sciences humaines. Il s’agit de parler de technologie sans forcément parler de technique, mais plutôt de projet de société », précise Louis Derrac.
Par exemple, Yaël Benayoun, co-fondatrice et trésorière actuelle du Mouton, a participé à de nombreuses rencontres sur le thème de la 5G. Pour Antoine St. Epondyle, « ce sujet cristallise des positions pros et anti. Nous essayons de porter une nouvelle voix, qui interroge dans quelle mesure nous avons besoin d’une connexion si rapide, tout en pointant l’absence totale de débat démocratique sur le sujet. »
« Il y a autant de sujets de débat qu’il y a d’usages technologiques, donc une infinité », rappelle Louis Derrac, qui appelle toutes les bonnes volontés à rejoindre l’association. Avec toujours le même objectif : faire monter le niveau de réflexion sur les technologies avec une approche technocritique intellectuelle, universitaire et militante.