Pierre Vanlerenberghe a introduit un débat au sein du conseil d’administration de la Fonda pour faire un point de situation dans un contexte de crise financière. Il s’agissait d’essayer d’identifier collectivement la responsabilité particulière des associations dans ce moment et ceux à venir. Pour lancer cet échange, il a sollicité Jean-Baptiste de Foucauld, Roger Sue et Jean-Pierre Worms pour qu’ils livrent leurs analyses de la situation et indiquent ce que la situation impose aux associations de manière générale et à la Fonda plus particulièrement.
Pierre Vanlerenberghe pense pour sa part que la crise ouvre une période de grande disponibilité intellectuelle et politique, où les dogmes de la dérégulation sont profondément remis en cause, près de quarante ans après leur formalisation dans les rapports de l’Ocde. Il faut noter qu’ils ont depuis influencé la plupart des politiques sociales et économiques. Aujourd’hui, à tous les niveaux (français, européen et mondial), il devient possible de faire avancer « la cause associative », pour peu que nous soyons capables de mieux fonder notre discours et d’être clair sur ce que nous voulons.
La crise redonne aussi une place à l’État, mais quelle est-elle réellement ? Est-ce que nous verrons émerger un État stratège ou régulateur, ou bien, est-ce que nous assistons à un retour de l’interventionnisme classique de l’État français (l’État opérateur). En ce sens, le mode d’action choisi par le gouvernement britannique dans le secteur bancaire doit être regardé avec attention. Une nouvelle ère de la régulation semble s’ouvrir, même si ponctuellement, il ne faut pas exclure pour l’État la possibilité d’exercer des responsabilités opérationnelles.
Mais comment définir ce mode de régulation ? Est-ce que cela doit être un jeu sur les règles, une politique incitative ou encore l’affirmation forte d’une transformation de la société qui serait négociée avec les acteurs sociaux et la société civile ? La crise révèle aussi la nécessité pour tous les acteurs, quel que soit leur niveau d’intervention, de coopérer entre eux, comme par exemple au niveau européen entre le Conseil, la Commission et la Banque centrale. Mais la coopération ne va pas de soi et ne peut être un enjeu pensé uniquement à un niveau supra national. Il faut que nous la pensions à l’échelle du pays, mais aussi à celle de nos territoires. C’est la condition pour aider notre société à assumer la crise sociale qui se développe et conduire la transformation qu’elle exige.
Sur ces différents aspects, la Fonda doit construire sa contribution et témoigner de ces enjeux. L’idée de coopération, comme celle de la régulation sont présentes dans les secteurs sur lesquels nous travaillons et nous devons les aider à les mettre en valeur. Par contre, nous devons être vigilants pour continuer à affirmer que les réponses à la crise ne doivent pas nous exonérer de la nécessaire poursuite d’un certain nombre de réformes structurelles. Nous devons surtout être conscients que derrière l’effondrement des bourses et la déstabilisation du marché financier nous assistons à une restructuration en profondeur des équilibres économiques au niveau mondial. La hausse des matières premières, comme celle du prix des produits manufacturés, pose la question de la redistribution des cartes entre les grandes zones économiques. Un monde multipolaire émerge. Il nous faut l’accompagner et conduire les changements que cela impose, tout particulièrement en réinterrogeant notre politique de redistribution. La montée prévisible de la pauvreté, du chômage et de la précarité nous appelle à nous mobiliser sur ces sujets. Par exemple, il serait pertinent de réfléchir de nouveau sur la possibilité d’augmenter les allocations logement pour solvabiliser les plus modestes dans l’accès au logement, au lieu de continuer à favoriser à n’importe quel prix l’accession à la propriété par l’endettement excessif.
Ce contexte pose à la Fonda une exigence : celle de poursuivre et d’approfondir ses travaux, mais aussi d’intervenir, certainement avec d’autres, dans le débat public.
(Synthèse d’une intervention orale réalisée par la Fonda.)