L’exploration des liens entre jeunesse et numérique nécessite de préciser les termes employés. En effet les « jeunes » sont loin d’appartenir à un groupe homogène et leurs pratiques sont aussi diverses que celles des autres classes d’âge, toutes classes sociales confondues.
Ainsi, les jeunes — ici entendus au sens large des personnes ayant entre 15 et 30 ans — rassemblent les mêmes disparités d’accès et de compréhension du numérique que leurs aînés et subissent également la fracture numérique.
La fracture numérique concerne aussi les jeunes
Alors qu’elle renvoyait initialement à la question de l’accès au matériel et au réseau, la notion de fracture numérique a évolué, dans un contexte de « digitalisation » de l’économie et de nécessité croissante de l’usage des technologies de l’information et de la communication (TIC) dans tous les aspects de la vie courante. Les TIC sont aujourd’hui considérées comme les moyens d’une insertion sociale, économique et culturelle complète, qui conduiraient à toujours plus d’autonomisation, de bonheur, de savoirs et de nouvelles relations.
Largement relayée par les pouvoirs publics et la dématérialisation du service public, cette idéologie vient pourtant se heurter au constat de l’accroissement des inégalités autour de l’utilisation du numérique sur le territoire français.
Le concept de fracture numérique renvoie donc désormais moins à des questions matérielles qu’à un enjeu sociétal autour des usages et pratiques du numérique.
Or, dans la représentation populaire, les jeunes sont considérés comme des digital natives : enfants du numérique, ayant grandi entourés d’écrans, ils sauraient instinctivement utiliser les outils numériques et ne seraient pas concernés par la fracture numérique.
La démocratisation du smartphone et l’utilisation massive des réseaux sociaux sont venues renforcer cette idée reçue.
Pourtant, en s’intéressant plus amplement aux pratiques des jeunes, la situation est moins simple qu’il n'y paraît. En effet, 2,1 % des 15-29 ans sont incapables d’utiliser des ressources et moyens de communication électronique, par impossibilité matérielle ou par manque de compétences. Ils sont 16 % à avoir des capacités numériques faibles1 .
Le nécessaire développement de la littérature numérique
Globalement, les jeunes sont familiers avec l’utilisation d’un ordinateur ou d’un smartphone, mais pas obligatoirement dans un but professionnel ou administratif. De nombreuses structures œuvrant en faveur de la jeunesse, telles qu’Animafac ou le réseau Info Jeunes, s’intéressent aux pratiques numériques des jeunes.
Leurs travaux révèlent que les jeunes utilisent principalement le numérique de façon récréative, notamment pour les réseaux sociaux.
Mais ils rencontrent souvent des difficultés à accéder, synthétiser et hiérarchiser l’information sur Internet, qui y est foisonnante. Pourtant, ces savoir-faire influent sur l’employabilité et la qualité de vie à long terme des individus…
L’enjeu actuel réside donc dans la maîtrise minimum des outils, des technologies, des compétences de base comme la lecture, l’écriture, ou le décryptage de l’information. Car si la plupart des jeunes ont la capacité d’envoyer un mail ou de partager une publication, cela ne signifie pas qu’ils sont capables de discernement quant à l’information reçue. Un travail est donc à mener, avec les jeunes, pour développer leur littératie numérique.
Ce terme, défini comme « la vaste capacité d’une personne à participer à une société qui utilise la technologie des communications numériques dans les milieux du travail, de l’éducation, les milieux culturels, civiques, etc. »2 est en réalité la clef de la mise en capacité et de l’autonomie des jeunes dans leur usage des TIC.
C’est ici notre rôle, en tant qu’associations et structures d’accompagnement, d’amener les jeunes à développer ces capacités de compréhension et de sens critique. Pour ce faire, nous œuvrons avec des outils de l’éducation aux médias et à l’information (EMI), dans une relation de proximité, par de l’accompagnement physique et du partage de savoir.
Recommandations pour une communication adaptée
Pour cela, les associations doivent pouvoir continuer à influencer et toucher les jeunes. En effet, il n’est pas rare d’entendre que nous assistons à un désengagement associatif global de la jeunesse : les jeunes ne seraient plus bénévoles, ne voteraient pas, ne prendraient plus position dans les débats publics.
Or, les données chiffrées viennent contredire ce constat : 39 % des jeunes sont adhérents d’une association en 2019 ; ils étaient 35% en 20163 . Les taux varient, mais un fait perdure : l’engagement associatif des jeunes est réel, et plus d’un jeune sur trois est engagé depuis quelques années.
En réalité, l’engagement a changé de forme, mais n’a pas disparu.
Au bénévolat de long terme qui était la norme, les jeunes préfèrent aujourd’hui un engagement ponctuel, de court terme, avec un impact immédiat. Ces nouvelles formes d’engagement sont moins bien cernées par les dirigeants associatifs, qui peuvent rencontrer des difficultés pour attirer de jeunes bénévoles.
Les jeunes s’engagent pourtant dans de nombreuses manifestations, bien souvent de façon informelle : les mouvements de colleuses, les manifestations pour le climat ou encore en faveur de l’égalité (Black Lives Matter, les marches des fiertés, etc.). Ces mouvements sont très présents sur les réseaux sociaux, qui sont devenus la principale source d’information des jeunes. Outre le fait qu’ils représentent de formidables plateformes de solidarité et d’entraide, ils sont également des espaces privilégiés pour toucher la jeunesse. Aussi est-il important de cibler l’objectif et le public de sa communication pour lui proposer un ton adapté.
Hormis la présence numérique, certaines bonnes pratiques peuvent permettre d’avoir un impact accru sur les publics jeunes. Ils sont en effet plus susceptibles de s’engager si des missions courtes et diversifiées leur sont proposées, qu’ils pourront facilement mettre en valeur dans leur vie professionnelle. L’accueil et l’implication des jeunes dans les prises de décision sont aussi primordiaux : ils se sentiront dès lors plus concernés et donc valorisés.
Certains domaines d’activités touchent néanmoins plus facilement les jeunes que d’autres : le sport arrive en tête avec 37 % de jeunes bénévoles engagés dans ce secteur en 2020, suivi par la culture ou les loisirs (19 %) et la jeunesse et l’éducation (17 %)4 .
C’est le lien social qui est moteur de l’engagement associatif pour cette catégorie d’âge.
Une présence en ligne est donc de plus en plus indispensable de nos jours, particulièrement lorsque l’on souhaite s’adresser aux plus jeunes. Quel que soit le réseau, reprendre ses codes, s’y adapter et faire preuve d’humour, de créativité et de réactivité sont souvent les clés d’une communication réussie5 .
Par ailleurs, si la forme est importante, le message l’est tout autant et même si vous avez l’impression que votre communication suscite peu d’engagements de la part des publics que vous visez, ils la voient passer et sauront vous trouver ou vous retrouver en cas de besoin.
C’est donc à nous, associatifs et associatives de tout horizon, d’ouvrir nos structures et nos fonctionnements pour y accueillir les publics jeunes et les accompagner dans leur découverte de l’engagement.
Car la force de l’associatif a toujours été de réussir à rassembler pour œuvrer collectivement à améliorer la société dans laquelle nous vivons.
- 1INJEP, Chiffres clés de la jeunesse 2021, mars 2021.
- 2Direction du numérique pour l’éducation, « Littératie numérique et translittératie : définitions et veille bibliographique », Carnet Hypothèses Éducation, numérique et recherche, février 2021.
- 3Lucie Brice Mansencal, Manon Coulange, Colette Maes et Jörg Müller, « Baromètre DJEPVA sur la jeunesse 2020 », décembre 2020.
- 4Ibid.
- 5À lire : Animafac, Info Jeune Occitanie et Hello Asso, « PANA – Jeunesse et numérique », juin 2021.