Pourquoi les sages du Conseil d’État ont-ils rejeté l’article 15 du projet de loi de 2014 au prétexte que c’était du droit « mou » ? Pourquoi les députés ne se sont-ils pas passionnés pour ce sujet ? Pourquoi l’innovation sociale ne figure-t-elle pas dans les travaux de la France pour 2025 ? Pourquoi a-t-il fallu près de trois ans à la Banque publique d’investissement (BPI) entre la décision initiale et le lancement réel, pour créer un petit Fonds d’innovation sociale (FISO) ?
Inventer un énième smartphone appartient au « dur », mais mettre au point de nouvelles méthodes pour vieillir dans la dignité, construire des espaces intergénérationnels, résister à l’échec scolaire, insérer plutôt qu’incarcérer, habiter selon des formules participatives, permettre à des handicapés de partir en vacances ou à des jeunes des quartiers d’accéder aux emplois des entreprises... bref tout ce qui permet de mieux vivre ensemble est considéré comme « mou », secondaire, marginal.
Ajoutons à cela que nous sommes un pays d’ingénieurs et d’énarques, loin de la culture de l’innovation sociale. En France le social intéresse s’il est « macro » : parlez-moi de la réforme des retraites ou de la Sécurité sociale ! Entend-on parler d’innovation sociale lors de l’élection présidentielle ?
Il faut donc souligner et soutenir les brèches dans le système : par exemple les travaux du Conseil supérieur de l’ESS qui ont débouché sur l’article 15 de la loi de 2014 ; par exemple encore, la loi sur l’expérimentation « Territoire Zéro chômeur de longue durée ». Il reste beaucoup à faire pour que l’innovation sociale soit non seulement reconnue en tant que telle, mais inspire aussi les politiques publiques.
Par exemple la commission Innovation sociale du CSESS propose que soit mis en place un Crédit innovation sociale comparable au Crédit impôt recherche (Cir). L’administration fiscale résiste évidemment à cette proposition et il faudra se battre pour prendre cette citadelle. J’ai moi-même formulé dix propositions pour favoriser l’innovation sociale en France .
L’innovation sociale est un enjeu majeur de l’avenir. C’est d’abord une bataille culturelle et politique. Les associations se doivent d’être en première ligne de cette bataille : elles sont le premier laboratoire social du pays et leur capacité d’innovation est menacée par le recul des subventions publiques et la montée du recours aux appels d’offre.