Etat des lieux 25 ans après l’adoption du Programme d’action de Beijing : des progrès indéniables, mais des sujets en stagnation et des menaces aggravées par la crise sanitaire
Un quart de siècle depuis la quatrième conférence mondiale sur les femmes en 1995 à Pékin, des progrès indéniables ont été accomplis en matière de droits et d'autonomisation des femmes et des filles, même s’ils ne peuvent occulter des pas importants encore à réaliser.
- En matière d’accès à l’éducation des filles et des adolescentes, les données sont encourageantes. Selon un rapport international datant de l’année dernière, 2 filles sur 3 dans le monde sont aujourd’hui scolarisées dans le secondaire, contre 1 fille sur 2 en 1998. Pour autant, si ce sujet progresse, de grands écarts demeurent dans et entre les pays. Et l’accès à l’éducation continue d’être un privilège alors que près de 500 millions de femmes et des filles âgées de 15 ans et plus n’y ont pas accès.
Pour ce qui a trait à la législation : au cours de la dernière décennie, 131 pays ont promulgué 274 réformes juridiques et réglementaires en faveur de l’égalité femmes-hommes.
- La mortalité maternelle est aussi un thème porteur d’espoir : le taux mondial de mortalité maternelle a baissé de 38% entre 2000 et 2017, même s’il reste tendanciellement élevé avec 211 décès maternels pour 100 000 naissances vivantes.
- L’extrême pauvreté (le fait de vivre avec moins de 1,90 dollar américain par jour) a diminué ces 25 dernières années, passant de 36% en 1995 à 10% en 2015. Pour autant, au niveau mondial, les femmes âgées de 25 à 34 ans ont 25% plus de risques que les hommes de vivre dans une pauvreté extrême.
- Autre tendance, les taux de mariages d’enfants ont progressivement baissé depuis 1995, passant de 1 fille sur 4 à environ 1 sur 5 de nos jours. Cependant, 12 millions de filles se marient encore avant l’âge de 18 ans chaque année. Le pourcentage d’adolescentes âgées de 15 à 19 ans qui ont subi des mutilations féminines génitales a également baissé depuis 1995 : 47% étaient concernées en 1995, contre 34% aujourd’hui.
- En ce qui concerne les violences sexistes et sexuelles : la parole se libère grâce aux mouvements tels que #MeToo #TimesUp #BalanceTonPorc #NiUnaMenos dont la dimension digitale a permis de populariser les causes. Les femmes s’organisent : elles se rallient et mobilisent les opinions internationales et les pouvoirs publics pour exiger que les auteurs de violences sexuelles, de harcèlement au travail et de harcèlement dans les lieux publics rendent des comptes et cessent enfin de bénéficier de systèmes formels et informels d’impunité. Justice doit être faite et les droits des femmes à l’obtenir doivent être par définition et par application protégés et intangibles. Pour autant, les violences à l’encontre des femmes et des filles restent très répandues et peu signalées : au cours des 12 derniers mois, 18% des femmes et des filles âgées de 15 à 49 ans qui ont déjà été en couple ont subi des violences physiques et/ou sexuelles de la part de leur partenaire actuel ou ex-partenaire. La violence est un phénomène systémique, présent dans tous les milieux sociaux et dans tous les pays du monde. La crise sanitaire a aggravé la situation et a intensifié les violences intrafamiliales et domestiques.
- Enfin en matière de participation politique et leadership, il y a plus de femmes dans le domaine politique qu’en 1995. Dans le monde, 25% des sièges parlementaires sont désormais occupés par des femmes, soit le double de la proportion de 1995 (11%). Elles détiennent 36% des sièges élus dans les organes de délibération locaux, ce qui leur donne accès à la prise de décision au plan local. Malgré ces progrès accomplis, au global, les femmes sont toujours largement exclues du champ politique : elles représentent 50% ou plus des membres des cabinets dans 14 pays seulement. La parité est donc un prérequis normatif et moral mais pas, à ce jour, la preuve réalisée de l’égalité réelle.
Pourquoi l’égalité réelle entre hommes et femmes peine-t-elle à advenir dans tous les pays ?
Comme l’a souligné Phumzile Mlambo-Ngcuka, directrice Exécutive d’ONU Femmes, lors de la 64e session de la Commission de la condition de la femme des Nations Unies le 9 mars 2020 : « Le bilan sur les droits des femmes montre que, malgré certaines avancées, aucun pays n’a atteint l’égalité des sexes.1 » Malgré des améliorations porteuses de progrès, ces dernières sont trop irrégulières et trop lentes. Peu d’engagements pris à Pékin en 1995 ont été tenus intégralement.
Plusieurs raisons expliquent ces résistances :
- Le sujet est sous-financé et les budgets alloués aux questions d’égalité sont bien trop insuffisants. Il faut accélérer en matière d’éga-conditionnalité (c'est à dire le fait de conditionner les aides publiques au respect de l’égalité entre les femmes et les hommes), de budgétisation sensible au genre et de redevabilité.
- Les inégalités de genre sont largement dues à la persistance de normes sociales et de stéréotypes néfastes profondément enracinés dans nos cultures. A ce sujet, plusieurs chercheurs ont démontré que la culture était un agent majeur du sexisme et des violences à l’encontre des femmes . Ce sujet a des répercussions dans le quotidien des femmes. Elles sont par exemple communément associées au “domus” (en latin, la maison) et tenues d’y jouer un rôle utile : ainsi, elles réalisent en moyenne trois fois plus de travail domestique non rémunéré que les hommes, ce qui a des conséquences à long terme sur leur sécurité économique. Le changement des mentalités et la sensibilisation permanente sont absolument indispensables pour faire prendre conscience de ces injustices qui privent la société toute entière des opportunités de croissance durable, d’innovation, de progrès social qui caractérisent les pays où l’égalité n’est plus un sujet de discorde mais bien le fondement de collectifs soucieux de bâtir un meilleur avenir.
Face à ce constat en clair-obscur, le Forum Génération Égalité qui se tiendra à Mexico et à Paris dans les semaines à venir représente un moment historique et une étape cruciale pour relancer la mobilisation mondiale en faveur de la réalisation de l’égalité femmes-hommes. Rassemblement mondial consacré à l’égalité entre les femmes et les hommes, organisé par ONU Femmes et co-présidé par la France et le Mexique, en partenariat avec la société civile, le Forum offre l’occasion d’une discussion publique mondiale en faveur de la mise en œuvre d’une action urgente et d’une responsabilisation en matière d’égalité entre les femmes et les hommes 25 ans après l’adoption de la Déclaration et du Programme d’action de Pékin. Nous n’avons plus le temps d’espérer. Il est temps d’accélérer nettement dans l’atteinte de l’égalité, de la réaliser et d’en mesurer l’impact.
Génération Égalité, un espace d’engagements, de plaidoyer et de projets pour la société civile et les associations au service de l’ODD 5
Les gouvernements sont un type d’acteur mobilisé pour atteindre l’ODD 5, objectif de développement durable des Nations Unies dédié à l’égalité des sexes et l'autonomisation des femmes ; mais ils ne sont pas les seuls. Le Forum Génération Égalité porte une vision multipartite et intègre dans sa proposition de valeur le fait de nouer des partenariats efficaces entre les gouvernements, le secteur privé et la société civile pour réaliser les ODD aux niveaux mondiaux, régionaux, nationaux et locaux. L’ODD 17 (“Partenariats pour la réalisation des objectifs”) est d’ailleurs dédié à cet objectif.
Les associations et la société civile ont donc un rôle central à jouer dans l’atteinte de l’ODD 5 et doivent être visibilisées autant qu’elles sont engagées dans cette quête. Si les politiques publiques dédiées à la lutte contre les inégalités femmes-hommes et en faveur des droits des femmes constituent un socle fondamental, les programmes et actions de terrain réalisés par les associations et la société civile sur ces thématiques le sont tout autant. Les associations et la société civile portent en elles une vision pragmatique et exigeante des progrès à accomplir. Elles rassemblent des milliers de personnes, professionnelles ou bénévoles, qui dédient une volonté de tous les instants à l’avancée de la cause, car elles savent bien que tout statu quo en la matière signifie en réalité un recul pour les filles et les femmes.
Le Forum Génération Égalité est l’occasion de faire entendre leurs voix, de valoriser leurs actions et de sensibiliser de plus en plus de personnes à la cause pour l’égalité. C’est indispensable car il est différent d’être contre les inégalités - ce qui est le cas de bon nombre de gens - et d’être pour l’égalité. Dans le deuxième cas, cela signifie être prêt.e à s’engager pour que la donne change. Nous avons besoin de plus en plus d’énergies rassemblées pour qu’enfin, les choses évoluent substantiellement. La politique des petits pas en la matière a montré ses limites. Si elle permet dans certains cas quelques avancées précises, elle ne peut pas faire office de feuille de route générale : l’agenda du monde est urgent. Les centaines de milliers de filles et de femmes qui sont victimes d’injustices sont aussi, ne l’oublions jamais, de formidables actrices de changement et représentent à peu près la moitié de l’humanité. Leur sort n’est pas périphérique : c’est un constituant de notre avenir à toutes et tous.
S’engager dans Génération Égalité ? Mode d’emploi
Les champions des coalitions d’action
Les coalitions d’action représentent l’élément central et incontournable du Forum Génération Égalité. Ces coalitions sont des partenariats multi-acteurs, mondiaux et innovants. Elles ont pour objectif de dynamiser l’action collective aux niveaux mondial et local, et de faire progresser, concrètement et rapidement, les droits des filles et des femmes de toutes les générations en rassemblant des Etats, des entreprises et des représentants de la société civile. En rejoignant les coalitions d’action, ces différent.e.s acteurs.rices ont la responsabilité de respecter et de mettre en œuvre les actions qu’ils et elles proposent.
Ces coalitions d’action servent donc de catalyseur à une action collective et doivent permettre de stimuler les investissements publics et privés pour obtenir des résultats concrets afin d’accélérer les progrès vers la réalisation tant du Programme d’action de Pékin que des ODD pour les femmes et les filles.
Chacune des six coalitions d’action se concentre sur un thème choisi après consultation des mouvements féministes, des organisations actives sur le terrain, des gouvernements et autres partenaires, à savoir :
- La violence basée sur le genre
- La justice économique et les droits économiques
- Le droit à disposer de son corps et la santé et les droits sexuels et reproductifs
- L’action des femmes en faveur de la justice climatique
- Les technologies et l’innovation au service de l’égalité entre les femmes et les hommes
- Les mouvements et le leadership féministes
A la tête de chaque coalition se trouve un groupe de partenaires appelé “les champions”.
Représentant.e.s des États membres, d’organisations internationales, d’agences de l’ONU, d’organisations de la société civile, d’organismes philanthropiques, d’organisations dirigées par des jeunes et du secteur privé, ils et elles sont sélectionné.e.s à partir de 5 critères et auront pour mission de développer :
- 3 ou 4 actions ciblées, dont 1 consacrée spécifiquement aux filles, qui soient à la fois concrètes, ambitieuses et immédiatement mises en place sur la période 2020-2025
- des principes encadrant ces actions
- une analyse financière afin d’estimer le budget total nécessaire à l’atteinte des résultats souhaités
- un catalogue d’engagements permettant une mise en place concrète et rapide des actions identifiées
- des indicateurs annuels de réussite mesurant le succès de la mise en œuvre des actions sur les 5 prochaines années
Les membres des coalitions d’action
Les candidatures pour s’investir en tant que membre des coalitions d’action seront lancées prochainement. Une fois sélectionnés, ces membres pourront conseiller les champions dans le développement des actions proposées.
Le Groupe consultatif de la société civile auprès du Groupe central
Le Groupe consultatif de la société civile auprès du groupe central constitue l’un des principaux organes de gouvernance du Forum Génération Égalité. Il appuie les décisions du Groupe central, l’organe de décision du Forum, et veille à ce que les demandes de la société civile soient intégrées dans l’organisation et les résultats du Forum. Le Groupe consultatif de la société civile auprès du groupe central est composé de 21 membres représentant des associations diverses, sélectionnés par un processus mené par la société civile .
Dans ce contexte, ONU Femmes France se mobilise pour la deuxième édition du Festival Voices : le festival d’engagement citoyen Génération Égalité Voices connaît sa seconde édition.
Ce festival d’engagement citoyen conçu par ONU Femmes France est une caisse de résonance du Forum Génération Égalité. Il a pour objectif d’encourager la société civile dans son implication en l’invitant à proposer des initiatives visant à décliner la campagne Génération Égalité et à en accentuer le caractère participatif et démocratique. Plus que jamais, nous devons tirer parti de ce moment historique pour faire progresser les droits des femmes et l’égalité femmes-hommes. Plus que jamais, les actions de terrain doivent être rendues visibles, et les citoyen.ne.s et citoyens français.e.s mobilise.é.s. Plus que jamais, la jeunesse joue un rôle de premier plan pour changer le monde et faire voler en éclat des siècles d’inégalités.
Après l’élan généré par l’édition pilote du 7 mai au 10 juillet 2020 en partenariat avec Secrétariat d’État chargé de l’Égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations et qui a permis la labellisation de 77 initiatives en France métropolitaine, à l’Outre-Mer et dans l’espace francophone, l’édition 2021 du festival se tiendra en France du 18 mai au 1er juin 2021.
Les associations et les citoyen.ne.s français.e.s qui souhaitent participer à cette mobilisation en faveur des droits des femmes et de l’égalité femmes-hommes sont invité.e.s à répondre à un appel à manifestation d’intérêt. Pour suivre cette actualité, bienvenue sur le mini-site dédié ou le site d’ONU Femmes France.
En 2021, l’égalité entre les femmes et les hommes n’est malheureusement pas un acquis. Mais c’est un droit inaliénable et un mouvement de société généreux, ambitieux, transformateur. Ensemble, soyons la Génération qui fera de l’égalité réelle, non un rêve, mais le pacte fondateur d’une citoyenneté mondiale durable et juste.
- 1Communiqué de presse ONU Femmes