Une construction bioclimatique est une construction adaptée à son environnement, conciliant consommation d’énergie optimale et bon confort thermique. Plusieurs solutions peuvent être combinées: isolation, ventilation, apport direct d’énergie solaire couplé, si possible, à l’inertie du bâti ou à une masse thermique qui stocke la chaleur, gestion du chauffage et de l’eau chaude, matériaux locaux, et, dans le neuf, choix de l’emplacement, de l’orientation et de la disposition des pièces. Le climat continental extrême et le fort ensoleillement des régions froides d’Asie sont particulièrement propices à ces techniques.
Le Geres y développe des solutions pour améliorer le confort d’été et réduire la consommation hivernale de bois ou de charbon fossile.
Des vérandas à Kaboul...
En Afghanistan, un confort hivernal satisfaisant est obtenu en valorisant les trois cents jours de soleil annuels. Une véranda orientée sud et composée en général d’une structure en bois et d’une couverture en film plastique1
, constitue une pièce chaude l’hiver, et améliore la température nocturne de la pièce située derrière celle-ci, jusqu’à gagner 10°C sans combustible supplémentaire. Cela devient un lieu de travail et de vie pour toute la famille (préchauffage de l’eau, lessive ou soins aux enfants, artisanat, réunions …).
Mille vérandas ont été construites dans la province de Bamyan et plus de 4 500 à Kaboul, par des artisans formés par le Geres à cet effet, sans compter l’autoconstruction. Ces vérandas, véritable nouveauté pour les maisons afghanes, séduisent par leur adaptation à différents usages et aux capacités financières des ménages. Une gamme de solutions économes en énergie2
a été mise au point avec les artisans : vérandas à structure métallique en complément des vérandas bois/plastique, isolation des plafonds et doubles vitrages3
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À Kaboul, pour le programme en cours4 , le Geres s’est associé avec RMO (Organisation pour le mouvement rural), une ONG locale, pour promouvoir ces solutions dans quinze districts de la capitale et renforcer les liens avec la municipalité. L’accent est mis sur la qualité des installations réalisées et sur la consolidation du réseau d’artisans et de leur association Solar Houses Technical Association. Des petites entreprises (charpentiers, ferblantiers, maçons, soudeurs…) sont formées et mises en relation avec des fournisseurs de matériaux. Pour accéder à ces équipements, les 3 753 ménages accompagnés depuis 2017 ont pu bénéficier de « prêts verts » de l’association de microfinance d’Afghanistan.
Enfin, l’auto-construction est également accompagnée pour que ces vérandas « copiées » soient le plus efficace possible compte tenu des moyens, souvent très limités, des auto-constructeurs. Soixante-dix-sept petites entreprises de la capitale (soixante-deux constructeurs et quinze fournisseurs de matériaux) sont déjà engagées dans la diffusion de ces solutions économes en énergie. La première année, 1 756 ménages ont bénéficié de 10 à 30 % de subvention. Mais seulement vingt-cinq ont bénéficié de 80 % d’aide, en raison de la difficulté à repérer les ménages les plus pauvres et des critères techniques d’éligibilité, des efforts doivent donc encore être faits pour mieux répondre aux besoins des plus vulnérables.
Ces constructions ont des impacts en termes de santé et de qualité de vie, elles réduisent les dépenses en combustibles et fournissent du travail aux artisans. Et l’amélioration de plus de 4 500 maisons d’ici la fin du projet permettra de préserver 9000 m3 de bois de chauffe et ainsi d’éviter l’émission de 13 000 tonnes de CO2.
... aux serres solaires passives en Mongolie
En Mongolie, les sécheresses et la surexploitation des pâturages provoquent la sédentarisation des nomades et leur exode vers les villes. Oulan Bator, capitale la plus froide du monde, compte deux cent quatre-vingts jours de soleil par an. Comment valoriser cette formidable ressource ? En construisant des serres solaires passives pour développer la production maraîchère, diversifier les revenus et améliorer l’alimentation.
Comme une véranda afghane, une serre solaire passive est une structure en bois orientée sud, la face sud étant recouverte d’un double film plastique. Les murs nord et latéraux, en matériaux locaux épais et sombres, constituent une masse thermique qui absorbe l’énergie du soleil la journée et la restitue la nuit. Dans ces régions où les légumes sont le plus souvent importés de Chine, les éleveurs « découvrent » le maraîchage avec une période de culture qui passe de trois à huit mois. Le retour sur investissement varie de trois à cinq ans et la conservation des récoltes peut être améliorée par la construction de celliers bioclimatiques enterrés.
De 2016 à 2019, le Geres est intervenu dans deux provinces du nord, l’accent a été mis sur la formation des utilisateurs et l’implication des autorités locales, y compris l’école technique, et dix-sept prêts ont été accordés pour la construction de nouvelles serres. L’appui agronomique est apporté par l’ONG Agronomes et vétérinaires sans frontières. Au total, depuis 2012, deux cent trente serres et dix celliers bioclimatiques ont été construits à Oulan Bator, dont une serre à l’université en 2018, quarante-six serres et dix celliers dans deux provinces rurales5 .
... à la promotion de bâtiments énergétiquement performants
Au Tadjikistan, jusqu’à 20 % du budget des ménages est consacré à l’achat de charbon. En zone rurale, 30 à 80 % des besoins sont couverts par la combustion de bois. Malgré cela, selon nos mesures, les températures intérieures peuvent rester inférieures à 10°C l’hiver par manque d’isolation et d’équipements de chauffage efficaces. Mais elles atteignent facilement 35°C l’été.
Avec le soutien de l’AFD (Agence française de développement) et de la fondation Abbé Pierre, le Geres forme des artisans aux techniques d’isolation et aux solutions solaires passives. En 2018, treize formations ont été organisées, l’occasion de bâtir ou rénover douze « pièces d’hiver » pour des familles modestes dont les maisons servent de modèles de démonstration. Aujourd’hui, soixante maisons bioclimatiques sont en construction dans quatre districts. Ces techniques permettent de diviser par près de trois la dépense en charbon. La collaboration avec les instituts d’architecture et deux institutions de micro-finance vont permettre de soutenir la construction de 450 nouvelles maisons bioclimatiques. Enfin, une école de six classes a été construite en partenariat avec l’Institut supérieur aquitain du bâtiment (ISA BTP)6
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On retrouve cette problématique de la précarité énergétique, associée à la consommation de charbon, dans les villes mongoles. En 2018, grâce au soutien de la fondation Abbé Pierre, dans l’Arkangaï, le Geres a accompagné la construction d’un foyer de femmes victimes de maltraitance par le Centre national contre les violences faites aux femmes. Ce premier bâtiment public énergétiquement performant en Mongolie offre des conditions d’installation dignes prenant en compte les contraintes réglementaires, sécuritaires et climatiques.
La contractualisation avec des artisans locaux, la construction, l’installation d’instruments de mesure et la mise en fonctionnement, en avril 2019, on été marquées par un engagement fort de tous les acteurs, notamment des services de l’état autour du gouvernement provincial. Une distinction a été remise par l’Association nationale des femmes à Oyuntuya Batmunkh, animatrice de ce projet au Geres.
L’accompagnement va se poursuivre avec des mesures d’efficacité énergétique et des sensibilisations aux bonnes pratiques de consommation d’énergie pendant l’hiver. Cette réalisation dans un bâtiment public permet de transférer des connaissances pratiques pour l’efficacité énergétique et de promouvoir l’utilisation de matériaux locaux.
En zones rurales comme dans les villes des régions froides d’Asie, des solutions fiables de valorisation de l’énergie solaire et d’amélioration de l’efficacité énergétique sont accessibles. Ces innovations, plutôt low-tech, constituent un progrès pour de meilleures conditions de vie, plus de confort été comme hiver, et moins de dépenses en bois ou charbon. Elles améliorent l’emploi local et les revenus et limitent la déforestation et les émissions de CO2 7 . Une méthodologie participative associant connaissance des techniciens et intégration des pratiques et moyens locaux favorise leur appropriation.
Ces mesures pour une transition énergétique inclusive et compatible avec la protection du climat constituent un levier vers la réduction des inégalités. L’enjeu est d’en assurer la diffusion à grande échelle, en s’appuyant sur les petites entreprises, l’implication des autorités locales et des modalités de financement adaptées aux plus modestes.
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- 1Des mesures ont été prises pour favoriser le recyclage des bâches en plastique d’une durée de vie d’environ deux ans.
- 2Geres, 2018, Catalogue technique des solutions d’économie d’énergie pour les ménages de Kaboul.
- 3Ainsi que des foyers de cuisson et de chauffage améliorés.
- 42017-2020. Avec le soutien de l’Agence française de développement et du programme européen Switch Asia. Un premier programme avait permis l’installation de 3000 vérandas sur la période 2012-2015.
- 5Voir les guides pour la construction et l’utilisation de serres solaires passives en Mongolie sur le site www.geres.eu
- 6 Projet Human’ISA XVIII, voir isabtp.univ-pau.fr
- 7Nombreuses vidéos sur la chaine YouTube de Geres.