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Présentation de l'Éclairage sur l’engagement au travail, par Emmanuelle Duez.
Présenté par Emmanuelle Duez, fondatrice de The Boson Project, Youth Forever et Bugali.
Mots clés : #Travail #Quêtedesens #Engagement
Présentation d'Emmanuelle Duez
Emmanuelle Duez a fondé The Boson Project en 2012, avec la conviction forte qu’aucune transformation durable ne fonctionnera sans embarquer l’humain et engager le corps social. L’ambition est grande : accompagner les dirigeants désireux d’enclencher une transition au sein de leur entreprise. Pour tenir cette promesse, les Bosons s’appuient sur l’expertise d’un pôle conseil qui adresse les enjeux d’organisation, de culture, d’espace de travail, de management et de leadership ; d’un observatoire, qui décrypte les évolutions de société et ses conséquences sur le travail, permettant d’avoir un temps d’avance sur ces sujets ; d’un réseau de maisons privatives pour séminaires, les Maisons Boson.
En parallèle, Emmanuelle Duez a créé Youth forever, une association qui engage les entreprises à l’égard de la jeunesse pour en faire un véritable levier de transformation, et Bugali, qui réinvente l'expérience de lecture pour les enfants.
Engagement et travail en France
Le travail occupe toujours une place particulière dans la vie des Français, malgré la pandémie, souligne Emmanuelle Duez. Alors qu’à l’étranger les individus ont un rapport transactionnel avec le travail, ils ont en France un rapport émotionnel. Ils accordent plus d’importance au travail (92% contre une moyenne de 84% dans l’UE1 ). En même temps, ils souhaitent réduire la place occupée par leur travail (65,8% contre une moyenne de 39% dans l’UE).
Pourtant 93% des Français ne seraient pas engagés au travail, selon le rapport « State of the Global Workplace » de Gallup de 2023, ce qui caractérise une insatisfaction des collaborateurs français. A contrario, seulement 7% des Français se déclarent engagés au travail. Pour Emmanuelle Duez, cela illustre le fait qu’engagement et travail sont deux choses différentes : l’engagement au travail ne va donc pas de soi.
Mutation rapide de l’engagement au travail
Emmanuelle Duez note qu’en seulement une dizaine d’années, depuis la création de The Boson project, le rapport des individus à l’engagement au travail a profondément évolué. Au début des années 2010, les salariés avaient plutôt un rapport statutaire au travail, de type « je travaille donc je suis ». Ils s’identifiaient par rapport à leur profession.
Un rapport plus communautaire s’est ensuite développé. En travaillant dans une entreprise, la personne montre quelque chose d’elle-même. Par exemple, « je travaille chez Google, je travaille dans le luxe, etc. » observe Emmanuelle Duez. Enfin un rapport revendicateur au travail s’est manifesté, du type « quand je travaille, je vote ». La personne s’engage dans une entreprise, comme Yuka, car elle a une éthique en cohérence avec la sienne. Mais dès lors qu’elle ne l’est pas ou plus, elle n’hésite pas à devenir lanceur d’alerte et à l’afficher publiquement.
Le travail occupe toujours une place particulière dans la vie des Français, malgré la pandémie.
Rupture avec la pandémie
« La pandémie a cassé les repères traditionnels dans le travail. Le travail est rentré dans la vie, les maisons, les couples et les familles » remarque Emmanuelle Duez. Ainsi, le travail devient véritablement imbriqué dans la vie et vient parachever ce mouvement déjà à l’oeuvre avec l’avènement du numérique.
À l’issue de la pandémie, le rapport de l’engagement au travail change de paradigme avec le « comme je vis, je travaille ». Cela s'explique par le fait que les individus ne veulent plus porter de masque au travail, il n’y a plus de frontière entre les sphères personnelle et professionnelle.
La personne vient au travail avec ses contraintes, tout ce qui la constitue, sans chercher à les cacher, ce qui n’est pas sans soulever des problématiques managériales. « Aujourd’hui, l’engagement, la vie et le travail sont une danse à trois » relève Emmanuelle Duez. Comment les entreprises se positionnent-elles dans un tel contexte.
Capital engagement des entreprises
« Pendant de nombreuses années, le capital engagement d’une entreprise était un non-sujet » rappelle Emmanuelle Duez car « c’était un acquis, voire un dû pour les dirigeants et les ressources humaines ». Or, le contexte a radicalement changé et les amène à penser l’engagement comme un actif stratégique qui doit être managé : le désengagement au travail d’une majorité de Français avec une crise de sens, l’avènement de la génération des millenials, la guerre des talents, le plein emploi, le numérique, etc.
Certaines entreprises en France développent toute une stratégie autour de leur capacité à amplifier l’engagement au sein de leur structure, alors considéré comme un avantage compétitif. Pour ce faire, elles s’appuient sur des modèles de management où l’on fait attention à l’humain et au capital engagement.
Les dirigeants de Leroy Merlin ont par exemple déployé le full-drive, faisant ainsi confiance aux équipes locales sur les modes opératoires à mettre en oeuvre. D’autres entreprises, comme EY, se sont dotées d’un shadow comex réservé aux moins de 35 ans pour permettre aux jeunes collaborateurs de faire remonter leurs idées.
Urgence pour les entreprises de basculer
Pour Emmanuelle Duez, cette notion d’engagement au sein des organisations est primordiale pour adresser les enjeux climatiques et enclencher une bascule du système. En effet, aujourd’hui, les entreprises ont un poids économique considérable par rapport aux Etats. « La capitalisation boursière des Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft (GAFAM) avoisine les 9 000 milliards de dollars, somme comparable aux PIB annuels combinés de l’Allemagne et du Japon2 ».
En parallèle, l’humanité surconsomme les ressources naturelles que la Terre peut renouveler sur une année. Ainsi, si l’humanité vivait comme la France, il serait nécessaire d’avoir 2,8 planètes3 . Dans un tel contexte, « il est urgent d’avoir un geyser d’engagement dans les entreprises pour entraîner une bascule de la société par un effet de masse et ainsi engendrer des transformations systémiques » insiste Emmanuelle Duez.
Un pacte générationnel entreprises et jeunesse
À l’heure des permacrises qui se superposent, les entreprises en quête de résilience doivent considérer la question des jeunes et de leur engagement au travail.
Fait positif, une partie des jeunes générations aspire à avoir un emploi qui a du sens. 78% des 18-24 ans interrogés n’accepteraient pas un emploi qui n’a pas de sens pour eux4 . Emmanuelle Duez estime que cette génération Z a d’ailleurs un rapport beaucoup plus exigeant à l’engagement qu’on peut le croire. « L’utilité de son engagement n’est pas définie par le regard de la société, mais par soi-même qui par essence est un regard plus intransigeant » précise-t-elle.
Les entreprises ont donc un rôle à jouer pour accueillir comme il se doit cette volonté de s’engager au sein de son travail. C’est pour cela qu’Emmanuelle Duez a créé l’association Youth Forever, qui crée des ponts entre l’entreprise et la jeunesse. Elle défend l’idée d’un pacte générationnel où les entreprises s’engagent en faveur de la jeunesse sur les aspects suivants, en adoptant leurs postures et modes opératoires : le care (le soin), l’enable (rendre capable) et l’impact.
Ressources pour aller plus loin
- Emmanuelle Duez, « La mutation du Travail, cette onde de choc qui bouleverse l’Entreprise », La Tribune, 16 novembre 2022, [en ligne].
- Youth forever, Livre blanc pour l’Oréal, enquête sur la responsabilité des employeurs sur la jeunesse en période de pandémie, 2021, [en ligne].
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Merci à l’ensemble des participants : Diane Bonifas, Yves Le Bars, Michel Nung, Jean-Pierre Jaslin, Philippe Chabasse, Agathe Leblais, Nadège Rodrigues, Emmanuelle Duez et Christel Scheffmann.
Ce compte-rendu a été rédigé par Hannah Olivetti, relu par Yannick Blanc, Nadège Rodrigues et Emmanuelle Duez et mis en page par Guillemette Martin pour la Fonda. Il est mis à disposition sous la Licence Creative Commons CC BY-NC-SA 3.0 FR.
- 1Lucile Davoine et Dominique Méda (Centre d’études de l’emploi), Place et sens du travail en Europe : une singularité française ?, 2008, [en ligne].
- 2Sylvain Duranton (BCG), « États et Gafam, la fin de la candeur », Les Echos, 18 juillet 2023, [en ligne].
- 3Benjamin Laurent, « Le “jour du dépassement”, symbole de la surconsommation humaine, tombe aujourd’hui », GEO, 1 août 2023 [en ligne].
- 4Anne Rodier et Jules Thomas,« Le rapport des jeunes au travail, une révolution silencieuse », Le Monde, 23 janvier 2022, [en ligne].