« La culture, c’est ce qui fait de l’homme autre chose qu’un accident de l’univers1 ». C’est ainsi qu’André Malraux décrit la place que la culture a acquise au sein de notre civilisation. En France, la culture fait vibrer les passions sur ce qu’elle doit être (ou ne pas être2 ), alimente notre économie3 et anime nos territoires.
En 2013, une association sur cinq déclarait en effet une activité culturelle, soit plus de 260 000 structures4 , actives dans les champs du spectacle vivant, des arts visuels, de l’animation socioculturelle, du patrimoine ou de l’enseignement et de la pratique amateur...
Si la culture a d’abord été définie par le « beau », à l’instar de l’approche de la IVe République qui l’avait gérée via le ministère des « Beaux-Arts », elle est pourtant à considérer sous une approche singulière, personnelle, émotive et hors des cadres administratifs.
C’est ce qui rend la culture insaisissable :
Elle est d’abord un vecteur d’émancipation, d’enrichissement personnel et même d’exploration de soi-même et des autres.
Au contact de la culture, chaque personne peut passer du connu à l’inconnu, s’affranchir de dogmes, explorer de nouveaux imaginaires, franchir des frontières — mentales ou physiques — pour se perdre au contact de nouvelles pratiques et disciplines artistiques. Et ce jusqu’à se créer sa propre culture.
L’exercice de la citoyenneté ne se réduit pas aux droits civils et sociaux, il implique une reconsidération des droits culturels.
L’enjeu de la démocratisation culturelle est donc de rendre la culture accessible, partagée et généreuse et non de l’administrer.
Le parti pris de ce numéro va bien au-delà des simples défis de cette démocratisation culturelle, aussi centraux et indispensables soient-ils. Il s’agit d’affirmer un droit à la culture : le droit de créer, d’accéder à la culture et d’y participer. Il ne s’agit pas d’un accès à une culture unique, mais bien d’un droit d’expression des cultures qui ne sont pas les nôtres, qu’elles nous plaisent ou pas.
En cela, les associations sont riches de pratiques et d’approches, tant elles sont des lieux de vie, de débats, d’échanges, de confrontations et de rassemblements : festivals, Maisons des jeunes et de la culture (MJC), centres sociaux, troupes de théâtre ou d’arts de la rue, écoles de musique, chantiers bénévoles de restauration, centres d’art...
Les associations culturelles sont indispensables pour cette vie culturelle : elles relient par le sens et permettent la circulation du sens5 . La volonté de certains élus locaux de supprimer les subventions à ces associations démontre bien à quel point, par leur liberté, elles dérangent l’ordre établi.
Et c’est bien ce que nous avons voulu explorer dans ce numéro : la liberté de création, la liberté de participation, la liberté de co-construction des politiques publiques — ce que l’on appelle également la démocratie culturelle.
Alors que notre système démocratique est fragilisé, revendiquer une démocratie culturelle, c’est offrir la possibilité à chaque femme et chaque homme de s’affirmer comme une citoyenne et un citoyen autonomes.
Les individus veulent désormais être libres de prendre part à la société.
L’exercice de la citoyenneté ne se réduit pas aux droits civils et sociaux, il implique une reconsidération des droits culturels6 .
L’observation de la Fonda selon laquelle « il n’y a pas de vie démocratique sans vie associative » trouve pleinement écho dans le champ de la culture. Comment cela se manifeste-t-il ? Vers quel horizon commun se projeter ? C’est ce que nous vous proposons de découvrir dans ce nouveau numéro.
- 1André Malraux au Congrès pour la liberté de la culture, le 16 mai 1952.
- 2Lors des débats sur le Projet de loi de finances (PLF) 2023, Jean-Philippe Tanguy, député du Rassemblement national avait par exemple proposé d’exclure les mangas du Pass culture.
- 3La culture représentait 2,2 % du PIB français en 2020selon le DEPS/ministère de la Culture.
- 4Jean-Philippe Rathle, Les associations culturelles : état des lieux et typologie, 2019.
- 5Patrice Meyer-Bisch, « Les droits culturels, enfin sur le devant de la scène ? », L’Observatoire,n° 33, 2008.
- 6Jean-Philippe Rathle, Ibid.