Innovation sociale Engagement Économie sociale et solidaire

L’innovation sociale chez Animafac

Tribune Fonda N°233 - Les clés de l'innovation sociale - Mars 2017
Lou Salomon
Lou Salomon
Et Laura Micheneau
Les définitions de l’innovation sociale sont multiples et comportent toutes des notions communes (la réponse à un besoin social, le développement de méthodes innovantes, une finalité portée par l’intérêt général). Ces notions laissent cependant place à de nombreux questionnements : que signifie besoin social ? Est-ce que tout nouveau projet répondant à un besoin social revêt le caractère d’innovation sociale ? Quelles sont les dimensions permettant de caractériser une innovation sociale ?

Pourquoi cette question au sein d’un réseau ?

Animafac est un réseau qui accompagne plus de 2000 associations étudiantes. Ses forces sont la pluralité des problématiques traitées par les associations (environnement, accès à la culture, lutte contre la précarité, etc.) et le fort ancrage territorial de celles-ci. De même, Animafac développe en son sein des projets qui répondent à des besoins identifiés : la nécessité de créer un cadre propice à l’engagement, l’instauration d’un contexte favorable à l’émergence et à la création de projets associatifs, l’accompagnement de jeunes en recherche d’emploi dans l’économie sociale et solidaire, etc. Enfin, nous proposons un appel à projets, La Riposte, qui récompense des projets « socialement innovants ».

Il nous a donc semblé nécessaire de comprendre comment cette notion était perçue et appréhendée notamment par notre réseau (par les membres du conseil d’administration et les salarié.e.s), mais aussi d’interroger la mise en application de l’innovation sociale dans nos activités quotidiennes. Nous présenterons ici la démarche que nous avons choisie de mettre en place, les questionnements qui ont émergé et les conclusions de ce travail en interne.

Cette démarche n’avait pas pour objectif d’obtenir des réponses précises ou des positions tranchées sur le sujet. Nous souhaitions surtout faire naître cette réflexion, créer un cadre de discussion et d’implication pour notre conseil d’administration et les salarié.e.s et comprendre la diversité des points de vue sur l’innovation sociale, aboutissant ou non à des positions communes.

Par ailleurs, lorsque nous parlons d’innovation sociale ou de besoin social, le terme social fait aussi écho aux qualificatifs « sociétal » et « environnemental ».
 

La méthode suivie


Il nous a semblé indispensable d’inscrire nos réflexions dans une démarche collective, ouverte et collaborative. En se basant sur des méthodes de l’éducation populaire, nous avons organisé plusieurs ateliers interactifs avec les membres de notre conseil d’administration (constitué de 24 associations étudiantes) et de l’équipe salariée (15 personnes). Mettre en exergue les différents enjeux qu’impliquent cette notion a permis à chacun.e, novice ou expert.e du sujet, d’enrichir le travail collectif avec ses réflexions.

Dans un premier temps, nous avons proposé des affirmations volontairement clivantes, afin de susciter le débat : par exemple, « l’innovation sociale, une inspiration pour les politiques publiques » ou encore, « l’innovation sociale, c’est s’adapter aux mutations d’un monde changeant ». Suite à ces échanges, nous avons confronté les participant.e.s aux définitions déjà existantes : celles de la Commission européenne, du Conseil supérieur de l’Économie sociale et solidaire (Csess), de l’article 15 de la loi Ess, de Joseph Stiglitz, du Réseau québécois pour l’innovation sociale (Rqis) et du Centre de recherche sur les innovations sociales (Crises). En questionnant les participants sur leur propre définition ou sur celle qui leur semblait être la plus adaptée et cohérente, nous souhaitions qu’ils affinent leurs réflexions et approfondissent les différents enjeux liés à la question de l’innovation sociale, au niveau national et européen.

Enfin, en recadrant l’approche au regard des missions d’Animafac, nous avons questionné les participant.e.s sur les caractéristiques de l’innovation sociale particulièrement pertinentes à prendre en compte pour une tête de réseau associative, sa traduction dans nos activités quotidiennes et le positionnement d’Animafac par rapport à cette notion.
 

Les questionnements des participant.e.s


Qui définit le besoin social ?
Les projets porteurs d’innovation sociale répondent à un besoin social peu ou mal comblé. Il est alors difficile d’aborder l’innovation sociale sans se questionner sur la notion de besoin social. Comment se définit-il ? Comment et par qui est-il reconnu (les institutions publiques, les citoyens, les associations) ?

Comment se caractérise l’innovation sociale ?
Comment se différencie un projet porteur d’innovation sociale d’un autre projet ? Est-ce que tout projet comportant une dimension sociale relève de l’innovation sociale ? L’innovation sociale existe-t-elle de fait lorsque le projet répond à un nouveau besoin social ou lorsqu’il apporte une nouvelle réponse à un besoin social déjà existant ? Sommes-nous encore en capacité d’innover foncièrement dans nos projets ou faisons-nous du neuf avec du vieux ?

Est-ce que la méthode valide l’innovation sociale ?
La place des parties prenantes est une caractéristique importante qui revient dans les définitions de l’innovation sociale. L’innovation sociale se caractérise-t-elle donc seulement par les problèmes qu’elle cherche à résoudre et les résultats qu’elle obtient ou également par son processus et les méthodes employées dans la création du projet ?

Quelle est la finalité de l’innovation sociale ?
Il est intéressant aussi de s’interroger sur la place de l’innovation sociale et sur la façon dont les politiques publiques l’utilisent. D’une part, dans sa finalité : les innovations sociales ont-elles pour ultime but d’être essaimées et reprises par les politiques publiques ? D’autre part, concernant le financement des projets sociaux en général, comment prendre en considération la place de plus en plus importante de l’innovation sociale dans les critères d’attribution des subventions et dans les appels à projets proposés par les structures publiques ?

Qui impulse l’innovation sociale ?
Est-ce que tous les acteurs de la société (associations, entreprises, institutions publiques, citoyens) peuvent être à l’origine de projets d’innovation sociale ? En ont-ils tous les moyens, l’opportunité et la légitimité ?
 

Quelques réponses


L’innovation sociale amènerait de nouvelles approches, méthodes et manières de répondre à des besoins sociaux. Toutefois, on peut également parler d’innovation sociale dans le cas de la réplication, sur un nouveau territoire, d’un projet déjà existant ailleurs. Les participant.e.s ont aussi relevé l’importance des moyens employés et des méthodes utilisées dans le montage de projets d’innovation sociale (partenariats éthiques, gouvernance…). Enfin, l’approche collective est également considérée comme une caractéristique importante à prendre en compte.

Il était important d’avoir une définition assez large de l’innovation sociale afin qu’elle puisse être la plus englobante possible. Cela offre notamment la possibilité à de nombreux acteurs d’impulser des projets d’innovation sociale. La notion de besoin social est considérée comme subjective, donc très variable selon les situations. Pour les personnes interrogées, ce sont les bénéficiaires directs et/ou une partie de la société civile qui sont les acteurs les plus pertinents pour reconnaître l’existence d’un besoin social, d’où la notion abordée lors des ateliers de besoin collectif.

Certaines initiatives ont vocation à être reprises par les institutions publiques ou à être une source d’inspiration car elles peuvent provoquer des changements structuraux grâce au soutien des institutions publiques. D’autres, répondant à des problématiques territoriales propres, ont pour finalité de rester locales, notamment pour conserver leur flexibilité.

Les participant.e.s ont également tenu à souligner que certaines actions, aussi impactantes et pertinentes soient-elles, vont relever de l’action sociale plutôt que de l’innovation sociale, cette dernière ne devant pas être considérée comme le « Graal » absolu. En effet, malgré l’engouement actuel autour de cette notion et les opportunités de financement qui en découlent, il ne faut pas dénaturer des projets à dimension sociale afin qu’ils s’inscrivent « coûte que coûte » dans le cadre de l’innovation sociale.
 

L’expérimentation comme source d’innovation


Les différents ateliers ont mis en évidence notre valeur ajoutée en tant que réseau : accompagner les associations dans la méthode et les moyens. L’innovation sociale est un processus global et nous pouvons créer le cadre nécessaire au développement de tels projets, par exemple en sensibilisant et formant les associations à la nécessité d’une implication de leurs parties prenantes ou à la mise en œuvre d’une approche collective dans le montage de leurs différents projets. En effet, étant un réseau généraliste, nous travaillons avec des associations très différentes, chacune faisant le choix de privilégier telle approche plutôt qu’une autre, en fonction de ses caractéristiques et des aspirations des personnes qui la composent. Les participant.e.s ont donc également souligné la subjectivité de la notion de besoin social. En effet, chaque association définit ses actions en fonction de son propre regard sur la société et de sa propre sensibilité à des besoins sociaux spécifiques, qui peuvent donc différer d’un projet à l’autre.

Le rôle de la tête de réseau est alors de permettre l’expérimentation des différents acteurs sur les territoires en leur offrant la possibilité de se rencontrer, d’être en réseau, de co-construire ensemble. Le but est alors d’impulser la création, la consolidation voire la réplication et l’essaimage de projets socialement innovants.

Cas pratiques et initiatives
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