Créé dans la banlieue de Besançon (Doubs) en 1991, le premier Jardin de Cocagne s’inspire d’un modèle suisse d’exploitation maraîchère biologique, en y ajoutant une vocation d’insertion sociale et professionnelle.
Réunis dans le Réseau Cocagne, ce sont aujourd’hui 102 Jardins qui nourrissent 31 000 foyers et emploient 5 650 salariés (dont 4 800 en insertion).
Les paniers solidaires naissent dans le sillage de la crise économique de 2008, sous l’impulsion de Dominique Hays, directeur du jardin de Vieille-Eglise dans le Pas-de-Calais. Il réalise que les jardiniers en insertion ne mangent pas à midi et travaillent donc le ventre vide. Le premier essai de paniers solvabilisés pour les publics en insertion se heurte à une difficulté inattendue : ces derniers ne savent pas cuisiner ces légumes.
Le Réseau Cocagne engage alors une véritable réflexion autour du bien-vivre alimentaire, alimentée par des associations d’autoproduction et de jardins potagers, ou encore Gilles Daveau, le restaurateur à l’origine du mouvement des cuisines nourricières. Le bien-vivre alimentaire prend en compte les conditions des personnes précaires, leur capacité à cuisiner les produits qui leur sont donnés et adapte l’aide alimentaire en fonction. Ce référentiel est ensuite enrichi de l’expérience des paniers solidaires d’autres Jardins de Cocagne, le programme étant devenu entre temps un programme national du Réseau Cocagne soutenu par la direction générale de la cohésion sociale.
Les paniers solidaires sont financés à un tiers au niveau local, un tiers au niveau national, et le tiers restant est à la charge de la personne. Ce montage partenarial hybride avec des financements public/ privé/particuliers comprend des prescriptions de familles, des accompagnements sociaux et des ateliers de cuisine.
Sur les 1 200 500 paniers produits chaque année par les Jardins de Cocagne, 124 000 paniers solidaires devraient être distribués en 2021.
Avec la crise sanitaire et économique liée au COVID-19, plus de 2,1 millions de Français ont dû se tourner vers l’aide alimentaire en ce début d’année 2021, selon la dernière étude réalisée par l’institut CSA pour les banques alimentaires1 .
À l’automne 2019, le Réseau Cocagne a témoigné auprès de l’Inspection générale des affaires sociales de l’évolution de la lutte contre la précarité alimentaire2 . Ce rapport rappelle qu'au-delà des scandales des « faux steaks hachés » ou des escalopes de poulet gorgées d’eau3 , les protéines animales sont surreprésentées dans l’aide alimentaire classique, de même que les acides gras saturés et les sucres libres.
A contrario, les Jardins de Cocagne proposent des paniers solidaires avec des produits à forte valeur nutritionnelle, locaux et sains. L’aide alimentaire constitue un point d’entrée dans les dispositifs de lutte contre l’exclusion. Ces fruits et légumes, produits avec les personnes précaires, dont le bien-vivre alimentaire est développé lors d’ateliers culinaires, leur offrent également des débouchés économiques et sociaux autour des nouveaux circuits courts.
Le Réseau Cocagne, main dans la main avec le Secours catholique, l'association VRAC, le réseau des CIVAM ou les épiceries solidaires, est donc en train de construire une nouvelle visée politique pour l’aide alimentaire : un système d’émancipation par l’assiette.
- 1CSA, Étude nationale auprès des personnes accueillies par les associations et C.C.A.S. partenaires, février 2021.
- 2Franck Le Morvan et Thomas Wanecq, La lutte contre la précarité alimentaire, rapport à l’Inspection générale des affaires sociales, décembre 2019.
- 3À ce sujet, lire la question écrite n° 12181 de M. Fabien Gay publiée dans le JO Sénat du 12 septembre 2019.