Les menaces qui pèsent sur la démocratie sont nombreuses et diffuses : volonté de puissance et d’influence mondiale des régimes traditionnellement autoritaires comme ceux de la Chine et de la Russie, basculement dans la dictature de pays comme l’Inde et le Brésil dont les espoirs démocratiques étaient forts, ou encore recul de l’État de droit avec la Pologne et la Hongrie qui, chaque jour, font un pas de plus vers la scission du projet européen. Mais la menace la plus grave vient sans doute de la faiblesse des pays traditionnellement démocratiques à défendre leurs propres valeurs. On pense d’abord aux États-Unis, où le Parti républicain s’emploie désormais ouvertement à dénier le droit de vote à la population non blanche, ou encore au Royaume-Uni, matrice historique des régimes parlementaires, saisi par un populisme brouillon – non que ces pays aient toujours eu un comportement exemplaire. Dans le reste de l’Europe, et notamment en France, le constat n’est pas meilleur.
CONTEXTE POLITIQUE FRANÇAIS ET CONSTAT
La montée inexorable de l’abstention et la banalisation des idées d’extrême droite sont des symptômes aussi inquiétants que solidement installés dans le paysage français. Un candidat à la magistrature suprême peut désormais viser une partie de la population française sur la seule base de sa religion, sans que cela n’émeuve plus. Le Parlement est désormais réduit à la portion congrue avec la gestion de la crise sanitaire. Nul ne conteste l’urgence des réponses à apporter face à une crise imprévisible. En revanche, le choix d’un organe de décision – le conseil de défense –, qui ôte toute transparence aux décisions alors que les mesures qui touchent à nos libertés fondamentales sont nombreuses, ne peut qu’accroître la défi ance face à la vaccination et au pass sanitaire, dans le droit fil des manifestations des « gilets jaunes ».
Or, ce qui affaiblit l’attachement des citoyens aux valeurs et aux comportements démocratiques, c’est le sentiment d’être inaudibles, de n’avoir aucune prise sur le cours de leur propre destin. Ce constat s’appuie sur quatre décennies d’hégémonie néolibérale : quelle que soit l’expression populaire, les politiques seraient invariablement au service des mêmes idées et des mêmes intérêts. Les accords de libre-échange qui ont conduit à la mondialisation à pas forcés sans qu’en soit démontrée la valeur pour les peuples sont un exemple. Vraie ou fausse, la perception qui en est faite est que le politique n’a plus prise sur les décisions du monde.
C’est dans ce contexte qu’il faut apprécier le sort réservé au fait associatif au cours des cinq dernières années. Commencé sous le signe de l’indifférence, ce quinquennat s’est ensuite attaqué à la gestion comptable avec la suppression des emplois aidés1 qui a brutalement privé les associations de leur rôle social en même temps que de ressources humaines sous couvert d’une inefficacité – non démontrée – d’un retour pérenne à l’emploi des populations les plus précaires. Des tentatives ont bien eu lieu avec la transformation de la réserve parlementaire2 en Fonds pour le développement de la vie associative (FDVA) « fonctionnement-innovation », dit « FDVA 2 », la reconnaissance des excédents de trésorerie, la protection juridique de la fonction de président, l’affectation d’une partie des comptes en déshérence au FDVA3 ou encore la mise à disposition de biens mal acquis aux associations4 . Si des retards à l’allumage ont eu lieu pendant la crise liée à l’épidémie de Covid-19, l’État a fi nalement été au rendez-vous grâce notamment aux prêts garantis par l’État (PGE). Mais ce quinquennat s’achève sur un formidable malentendu quant à l’essence même de la loi de 1901 avec l’instauration du contrat d’engagement républicain5 , qui soumet désormais les associations à une sorte de régime permanent d’autorisation administrative. Le constat est au fond assez simple : jamais un chef d’État n’aura aussi peu compris le rôle des associations sur notre territoire.
→ Lire l'article complet paru dans Jurisassociations n°656 Propo(s) de campagne
- 1JA 2017, n° 566, p. 6, obs. J. Marfi si ; ibid ., p. 12 ; ibid ., p. 40, étude J. Marfi si.
- 2 JA 2017, n° 565, p. 10, obs. E. Benazeth ; ibid ., p. 35, étude A. Mbengue
- 33 . L. n°2021-874 et 2021-875 du 1 er juill. 2021, JO du 2, JA 2021, n° 644, p. 43, étude E. Benazeth.
- 4L. n° 2021-401 du 8 avr. 2021, JO du 9, art. 4, réd. C. proc. pén., art. 706-160, al. 9, JA 2021, n° 643, p. 35, étude X. Delpech.
- 5Décr. n° 2021-1947 du 31 déc. 2021, JO du 1 er janv. 2022, JA 2022, n° 651, p. 3, édito B. Clavagnier ; ibid ., p. 7, obs. X. Delpech ; dossier « Principes républicains – Gar(d)e à vous ! », JA 2022, n° 653, p. 15, spéc. p. 17, étude L. Prévost, A. S. de Jotemps