Une dynamique sportive bénévole impactée par la crise sanitaire
La crise sanitaire a nécessairement impacté cette dynamique. Au niveau de la région Nouvelle-Aquitaine, le nombre de licenciés a chuté de 30 %1 , une perte qui s’observe dans les mêmes proportions en Corrèze.
En Corrèze, on observe une perte d'1/3 des licenciés.
Cette crise a parfois entraîné des conséquences positives avec l’émergence de nouvelles méthodes de travail (à distance, par délégation, etc.).
Elle a aussi fourni l’occasion de créer de nouveaux outils, tels que les réseaux WhatsApp. La modernisation et l’innovation ont été de mise et certaines structures ont été à la pointe, en proposant par exemple des cours en ligne.
Au-delà des licenciés, une perte de l’engagement bénévole est observée. Des clubs historiques de basket, football, rugby… ont «fermé» faute de dirigeants.
Mais peut-on l’imputer uniquement à la crise sanitaire? Cette difficile mobilisation des bénévoles était observée en amont.
Les autres facteurs de transformation du secteur sportif
En effet, des évolutions du secteur sportif associatif plus profondes étaient déjà à l’ordre du jour et jouaient sur l’engagement. Depuis 2019, 50 % des dirigeants évoquaient déjà cette problématique comme principale contrainte de gestion de leur structure.
Le poids des responsabilités et les lourdeurs administratives figuraient en tête de liste des freins à l’engagement au sein des clubs. La réforme territoriale de 20162 a elle aussi quelque peu favorisé cet «épuisement des dirigeants».
Des trajets longs, des échelles différentes, des territoires aux enjeux opposés ont découragé des élus pourtant engagés depuis plusieurs mandats. Plus aucun président des ligues de l’ex-région Limousin n’est aujourd’hui en 2022 président de ligue.
La nouvelle gouvernance du sport qui a fait évoluer le modèle sportif français organisé sur le fondement d’une co-gestion entre l’État et le mouvement sportif n’a pas été sans conséquences.
Les fédérations ont repris le financement de leurs groupements et peuvent ainsi davantage piloter les projets sportifs sur les territoires. L’État est davantage positionné sur un rôle de contrôle et de mise en place de programmes spécifiques: savoir nager, savoir rouler…
En clair, ces changements ont été vécus parfois comme des « prises de pouvoir» et ont donc freiné les plus motivés des élus.
Par l’entrée financière de l’Agence nationale du sport, les instances nationales ont les «moyens» de contraindre leurs clubs et comités dans leurs projets, de les guider dans leur professionnalisation3 .
Cette « prise en main» des fédérations a donc généré un changement notable dans le mouvement sportif.
Il est vrai que, quel que soit l’employeur4 , les projets sont devenus plus verticaux dans les consignes données.
Au-delà de ce réseau national, les plans d’action s’inscrivent dans des réseaux régionaux. Les fédérations prévoient la rédaction de projets sportifs territoriaux obligeant les structures à travailler ensemble et à déployer des actions communes.
Les directives fédérales plus affirmées sont parfois salutaires et aidantes pour les structures locales. Certains projets n’auraient jamais vu le jour sans ce partage d’informations et ces échanges autour des bonnes pratiques.
L’UFOLEP décline des programmes nationaux auprès de tout son réseau et fait profiter de son agrément pour les formations premiers secours à l’ensemble de son réseau. Ses stratégies viennent toutefois parfois à l’encontre des besoins territoriaux et peuvent s’avérer, à la marge, contre-productives.
Difficile par exemple pour la Fédération française d’éducation physique et de gymnastique volontaire de développer son axe auprès du jeune public quand l’ancrage territorial en Creuse est d’abord senior et que le territoire semble demander ce type d’activités.
La Fédération française des sports de glace encourage le développement du free-style et d’activités nouvelles; cependant les espaces de pratique manquent.
D'autres problématiques
De nouvelles tendances de pratique dans un environnement de plus en plus concurrentiel légitiment la présence d’agents de développement au sein des structures sportives territoriales.
Aujourd’hui, les pratiques sportives évoluent : massification et diversification des activités, implantation de nouveaux sports plus fun, pratiques libres, individuelles, recherche du bien-être, etc.
Le monopole des fédérations sportives s’effrite sur le développement des nouvelles modalités de pratique : le nombre des pratiquants a augmenté plus vite que le nombre des licenciés.
Le mouvement sportif français, qui repose sur le club est parfois perçu comme un vieux modèle essentiellement axé sur des enjeux de compétition et de recherche de la performance. Or, les pratiquants aujourd’hui disent vouloir s’adonner à leur sport favori sans contrainte, facilement et en loisir.
Ces publics sont par ailleurs courtisés par les équipementiers sportifs qui mettent en place des initiatives, parfois à des fins commerciales, autour de pratiques, avec par exemple des clubs de running qui portent leur nom. Ils constituent une nouvelle concurrence pour le sport fédéral.
Les pratiques dites de sport-santé ou bien-être type yoga, pilates, taï-chi échappent, elles aussi, au mouvement sportif. L’offre de pratiques des fédérations est par ailleurs très riche.
Sont recensées près de 115 fédérations sportives, 23 groupements nationaux et certains sports voient émerger de nouvelles disciplines : zumba, paddle, beach tennis, par exemple. Les concurrences internes font donc rage.
Fait récent et très accentué par la crise sanitaire traversée, le mouvement sportif doit aller chercher des licenciés et les convaincre de l’intérêt d’adhérer à un club. Les premiers chiffres prenant en compte la pandémie font état d’une perte d’au moins 20 % des adhérents au niveau national5 , avec de grandes disparités entre les disciplines. Les clubs de gymnastique d’entretien et les sports d’opposition semblent être les plus touchés.
Ainsi, face à la nécessité du mouvement sportif d’engager des démarches plus agressives, plus commerciales, en tout cas de mieux se structurer pour garder ses licenciés, le recours à un agent de développement est une des solutions envisagées. Une des réponses à cette problématique semble être la professionnalisation.
Des réponses par la professionnalisation
La professionnalisation des bénévoles d’abord est à l’ordre du jour, notamment par des programmes de formations dirigeants et par la mise en place d’indemnités comme le plafond sécurité sociale.
L’emploi sportif est aussi une des réponses envisagées. Les aides à l’emploi et dispositifs d’accompagnement aux métiers du sport n’ont jamais été aussi nombreux. Dans le cadre du plan France Relance, les mesures pour le sport s’orientent ainsi : emplois 1 jeune 1 solution, contrats d’apprentissage, mesures de préformation, etc.
Pour finir de convaincre les dirigeants de cet impératif, deux phénomènes se combinent : la complexification des démarches de gestion quotidienne d’une association sportive et les aides financières au recrutement.
Le pilotage d’un club d’un point de vue technique, juridique et financier nécessite des compétences de plus en plus pointues y compris juridiquement, matériellement et informatiquement. Au-delà du temps nécessaire à cette gestion, les bénévoles n’ont parfois par les formations adaptées ni même l’envie de réaliser ces missions.
Leur engagement n’est pas là… mais plutôt pour le développement et la mise en œuvre de leur discipline. Ainsi, les structures ont tendance à se professionnaliser afin tout simplement d’assurer leur pérennité.
Par ailleurs, les territoires ruraux sont animés par de « petites» structures en termes d’adhérents et de finances. Les emplois créés sont donc très souvent mutualisés, parfois même entre structures appartenant à différentes fédérations. L’agent de développement doit parfois faire preuve d’une extrême souplesse, par exemple avec un poste mutualisé entre le football et la gymnastique d’entretien!
Ainsi l’évolution du monde sportif est réelle et si le modèle ancien tient jusqu’à 2024, la question des suites est réelle. Pourra-t-il subsister tel que fondé sur des bénévoles et la loi 1901, avec encore un grand soutien de l’État et des collectivités, principaux financeurs par les équipements, notamment pendant et au sortir de la crise sanitaire?
Il est donc important de le préserver, mais aussi de le faire évoluer conformément aux nouvelles demandes et tendances de pratique : modernisation, standardisation…
- 1Comité régional olympique & sportif (CROS). Nouvelle-Aquitaine, «Enquête “Evolution des licences sportives en Nouvelle-Aquitaine” - Décembre 2019/2020», février 2021, [en ligne]. Pour l’année 2021, on recense environ 14,4 millions de licences et autres titres de participation (ATP) délivrés par l’ensemble des fédérations agréées par le ministère des Sports. Ce chiffre est en baisse de 14,9 % sur l’année, soit plus de 2 500 000 titres de moins qu’en 2020. INJEP, «Recensement des licences et clubs sportifs 2021», juillet 2022
- 2Passage en grandes régions.
- 3Recrutement, statut, formation, etc.
- 4Fédération, ligue, comité ou club.
- 5Comité national olympique et sportif français (CNOSF), «Fédérations et clubs en souffrance : les résultats officiels de l'enquête du mouvement sportif», novembre 2020, [en ligne].