Les collectivités territoriales sont au cœur de la transition énergétique, tant comme consommatrices, productrices et distributrices d’énergie que comme planificatrices de l’organisation des territoires, et animatrices et coordinatrices de la concertation des acteurs. Une étude récente (Mazars, 2019) a montré que 86 % des collectivités territoriales en France font de la transition écologique une priorité.
Le financement de la transition énergétique, clef pour atteindre les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre dans les territoires, constitue dès lors un objet d’analyse déterminant. En effet, face à des contraintes budgétaires et des difficultés économiques croissantes, l’accès au financement de la transition énergétique se révèle complexe et les outils mobilisés, d’ordre traditionnel (tels que les subventions et les investissements propres) ou d’ordre plus innovant (crowdfunding ; crowdlending ; partenariats public-privé), sont nombreux – et requièrent des besoins spécifiques en matière d’expertise et d’ingénierie financière.
En outre, ces difficultés révèlent parfois des freins aux changements de comportement, qui constituent pourtant la condition sine qua non de l’acceptation de la transition énergétique et du développement des projets d’efficacité et de transition énergétique dans les territoires. À ce titre, des initiatives globales peuvent être motrices dans la concrétisation de la transition énergétique, notamment via le développement de modes de financement participatif, permettant de partager la valeur économique, voire de recourir à des méthodes de concertation particulièrement fédératrices.
Dans ce contexte, le lien entre le niveau international, parfois jugé trop éloigné de la réalité des territoires, et le niveau local, qui aspire à une vision partagée de la transition énergétique avec des villes ou territoires d’autres régions du monde, est un marqueur de la mobilisation des collectivités territoriales dans la transcription des politiques environnementales et énergétiques au niveau local.
Catalyser l'accès aux financements des collectivités
En tant qu’alliance internationale de villes et de gouvernements nationaux, issue du rapprochement entre des initiatives préexistantes au niveau européen, la Convention mondiale des maires a pour objectif, depuis janvier 2017, de renforcer la cohérence et la lisibilité de la mobilisation des villes et territoires – dans l’Union européenne et hors de l’Union – ainsi que de faciliter l’agrégation et le suivi des données locales relatives au climat. Plus de 8 000 collectivités sont aujourd’hui signataires dans plus de cinquante pays : l’ensemble des signataires s’engage ainsi sur des objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre de l’ordre de 40 % à l’horizon 2030, ainsi que de développement de plans d’adaptation aux changements climatiques au niveau local.
La Convention vise par ailleurs à ce que les autorités régionales et internationales proposent des « orientations stratégiques et un appui politique, technique et financier pour l’élaboration, la mise en œuvre et le suivi [des] plans d’action et des mesures associées ». Les mécanismes de reporting des émissions et de centralisation des données offerts par la Convention permettent donc aux signataires de consolider et rationaliser les efforts réalisés, en se concentrant sur l’engagement unique suscité. Cette plus grande lisibilité et comparabilité des données vise ainsi à devenir un outil de confiance et de réduction de l’asymétrie d’information auprès des investisseurs et d’attractivité des financements externes.
Outre le rôle clef du reporting, la Convention concourt à concrétiser l’accès aux financements des collectivités, via une série de partenariats (Global Urbis, « Invest4Cities » …). En ce sens, le partenariat conclu entre la Convention et le City Resilience Program de la Banque mondiale constitue un exemple signifiant : ce dernier, annoncé lors du One Planet Summit en décembre 2017, vise à terme à débloquer environ 4,5 milliards de dollars pour cent cinquante villes dans le monde. Le besoin mondial d’investissements dans l’infrastructure urbaine s’élève en effet à plus de 4,5 milliards de dollars par an, dont une prime estimée de 9 à 27%. Cet investissement est nécessaire pour une infrastructure urbaine faible en émissions et résistante au climat (Banque mondiale, 2017).
En tant que « banquier d’investissement des villes », l’objectif du City Resilience Program est de s’assurer que l’ensemble des options de finance- ment sont prises en compte et de contribuer à renforcer la « bancabilité » des projets via un appui technique. L’étude préalable d’évaluation de la résilience des villes au changement climatique avec l’ensemble des parties prenantes (Resilience Enhancement Track) est ainsi suivie d’une évaluation de l’environnement et des conditions sous-jacentes à la mobilisation de sources de financement privé (crédits), de partenariats public-privé ou de valorisation foncière (Capital Mobilization Track).
Douze millions de dollars ont ainsi été levés auprès d’investisseurs tiers en 2018 (BERD, 2018), essentiellement dans des collectivités d’Afrique, d’Amérique latine, du Moyen-Orient et d’Asie. Dans plusieurs villes du Vietnam, par exemple, plusieurs programmes d’amélioration des systèmes énergétiques sont en cours de réalisation, en vue d’adapter les régions concernées aux effets du changement climatique. De tels objectifs requièrent une diversité d’instruments financiers et de réformes associées. Ces programmes réunissent les gouvernements locaux, les associations de citoyens engagés dans la transition, les organisations non-gouvernementales et les entreprises locales dans l’identification des enjeux liés au changement climatique, la planification géospatiale et l’administration (Banque mondiale, 2018).
Des mécanismes de financement innovants, clef pour amplifier une vision partagée de la transition énergétique
Financer les projets de transition énergétique des territoires dans un contexte de baisse régulière des dotations aux collectivités et, au-delà, des aides financières proposées par les agences nationales telles que l’Ademe, exige un degré croissant d’innovation.
Coopem, coopérative d’énergie citoyenne créée sous l’impulsion de la municipalité de Mouscron (Belgique), par ailleurs signatrice de la Convention des maires, se distingue par l’implication étroite de ses citoyens, jusque dans son financement. Afin d’accélérer substantiellement le déploiement des énergies renouvelables sur son territoire et l’accès à la technologie photovoltaïque, un groupement de citoyens a fondé en 2017 une coopérative citoyenne d’investissement dans la transition énergétique, permettant de réduire les investissements nécessaires pour les particuliers (prime photovoltaïque), voire d’offrir un système de financement en leasing de dix ans aux entreprises (la coopérative peut ainsi se financer sur les revenus issus des certificats verts sur cette période et rembourser jusqu’à 90 % du coût de l’installation de l’entreprise). Les subventions issues du programme Pollec (Politique locale énergie climat) et les contributions directes de la ville ont permis de lancer la coopérative, désormais détenue à 55 % par les citoyens, 30 % par deux entreprises locales partenaires et 15 % par la ville de Mouscron.
Dans le cadre de la mise en place du Plan climat-air-énergie territorial (PCAET), adopté en mars 2018 et visant à réduire de moitié la consommation énergétique de Paris d’ici 2050, la Ville de Paris s’est dotée d’un fonds d’investissement à vocation locale, le Paris Fonds Vert, après avoir été l’une des premières collectivités à émettre une obligation verte. Ce dernier fait figure d’instrument financier inédit au sein de la Convention des maires, avec une cible d’investissement de deux cent millions d’euros sur une durée de dix ans et des investissements uniquement consacrés aux PME innovantes. Celles-ci doivent être en mesure de démontrer un intérêt public et un impact territorial favorable pour la Ville de Paris dans les domaines de la rénovation des bâtiments, de la mobilité bas-carbone et de l’énergie, et la Ville de Paris est associée aux décisions d’investissement et représentée dans les instances de gouvernance du Fonds.
En outre, afin d’associer les parisiens à l’accompagnement des entreprises innovantes de la transition écologique, et en partenariat avec la plateforme de financement participatif Wiseed, la société de gestion gérant le fonds propose aux entreprises du portefeuille de bénéficier de financements participatifs. L’équipe de gestion a également développé des partenariats avec des accélérateurs de projets innovants implantés à Paris, lui permettant de sélectionner les meilleures opportunités d’investissement.
Ces initiatives internationales et leurs déclinaisons locales illustrent ainsi dans quelle mesure les problématiques de d’accès aux financements, primordiaux pour atteindre les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre et d’adaptation au changement climatique, permettent d’engager opérationnellement les collectivités dans la transition énergétique et d’insuffler une vision partagée de la transition entre les gouvernements locaux, les citoyens, les entreprises et les investisseurs.
Sources :
Banque mondiale, 2018, City Resilience Program, rapport annuel 2018.
BERD, 2018, “New calls to cities and investors to deliver sustainable finance growth”.
Mairie de Paris, 2018, Projet de délibération sur le Paris Fonds Vert.
Mazars, 2019, Financer la transition énergétique : entre volontarisme et réalité économique.
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