Les dernières évolutions législatives et réglementaires favorisent le développement des collaborations entre collectivités territoriales et citoyens autour de projets énergétiques. L’année 2015 a été particulièrement importante puisque les lois NOTRe et TECV ont renforcé et clarifié les rôles des nouvelles régions, en les désignant chefs de file de la transition énergétique, tandis que les intercommunalités en deviennent les « coordinatrices », notamment par la mise en œuvre de leur plan Climat-Air-Énergie territorial (PCAET).
En parallèle, le financement participatif des sociétés de production d’énergies renouvelables (EnR) est facilité et les projets participatifs sont incités par la mise en place d’un bonus dans les appels d’offres lancés par le ministère de l’Environnement et instruits par la Commis- sion de régulation de l’énergie (CRE).
Outre ces évolutions, des démarches fondées sur le volontariat ont trouvé un large écho sur les territoires via les Territoires à énergie positive (TEPOS) et Territoires à énergie positive pour la croissance verte (TEPCV).
Afin de déterminer la manière dont ces nouveaux dispositifs et outils sont saisis par les territoires et de qualifier les dynamiques engendrées entre collectivités et citoyens, quatre projets d’énergies citoyennes en photovoltaïque ont été enquêtés via une démarche qualitative. L’analyse a permis de détecter les différentes interactions entre collectivités locales (communes et intercommunalités) et citoyens tout au long du processus de création et de développement de ces initiatives d’énergie citoyennes.
Formes d'interactions entre collectivités locales et citoyens
Les formes d’interaction entre citoyens et collectivités territoriales peuvent être plurielles dans le temps tout autant que dans leurs modalités et leurs intensités.
Certaines collectivités décident de se positionner en première ligne en portant la création d’une organisation dédiée à la production d’énergie renouvelable. Dans ce cas, elles initient ce qui constitue la particularité de ce type de projet : son périmètre citoyen. Il s’agit, à travers une démarche pédagogique d’animation et de sensibilisation, d’informer, d’associer et de former les citoyens du territoire. Une fois le noyau dur créé, la collectivité se met souvent en retrait et laisse les citoyens définir les règles de la structure à venir tant sur le plan technique que juridique et politique.
Dans d’autres cas, l’implication de la collectivité consiste en un soutien matériel ou technique (mise à disposition de locaux, support technique ou administratif, conseils en matière de panneaux ou toitures, ou assistance au montage de dossiers administratifs), faisant ainsi bénéficier les citoyens de ses propres compétences et infrastructures. En phase de démarrage, cet appui peut être déterminant pour la constitution du projet et la collecte des premières adhésions, permettant ainsi d’élargir le nombre de citoyens adhérents au-delà du groupe initial des porteurs. La mise à disposition des compétences et réseaux de la collectivité permet de favoriser le fonctionnement quotidien de la société citoyenne (organisation des réunions notamment) et la gestion de l’installation des panneaux.
Toutefois, bien que porteuse pour le développement du projet, l’interaction entre collectivités et citoyens en matière d’appui technique et matériel ne concerne pas la totalité des sociétés citoyennes : elle n’apparaît donc pas comme la condition sine qua non de leur réalisation puisque certaines structures enquêtées ne sont portées que par des citoyens, sans l’intervention des acteurs publics locaux (hors subventions régionales).
Néanmoins, l’intensité du lien entre collectivités et citoyens apparaît déterminante dans l’accès aux toitures sur lesquelles poser les panneaux. L’accès aux toits publics est évidemment subordonné à l’accord préalable de la collectivité et nécessite un minimum d’implication de sa part. La rémunération demandée ou négociée, généralement symbolique, constitue une aide au déploiement de la structure.
En même temps, l’implication des collectivités peut influencer aussi l’accès de sociétés citoyennes aux toitures privés par des modifications des plans locaux d’urbanisme obligeant par exemple la pose de panneaux photovoltaïques lors de la construction de nouveaux bâtiments. Dans ce cas, la société citoyenne est souvent présentée aux propriétaires comme une solution pour réaliser les installations. Lorsque la société citoyenne opère en zone protégée, les collectivités peuvent faire office d’intermédiaire avec les services d’état afin d’obtenir l’autorisation de développer l’énergie photovoltaïque sur ces sites particuliers. L’absence d’implication des collectivités façonne elle aussi l’accès aux toitures, dans le sens où les sociétés citoyennes se dirigeront vers des particuliers ou bâtiments commerciaux pour leurs installations.
Enfin, les collectivités locales peuvent s’impliquer financièrement au sein des sociétés citoyennes de deux manières : elles peuvent devenir actionnaires au même titre que n’importe quel membre de la SAS ou plus classiquement intervenir grâce à des subventions distribuées dans le cadre d’appels à projet spécifique. La première option est davantage mobilisée par les communes et les intercommunalités tandis que la région ou des services déconcentrés de l’État tels que l’Ademe interviennent ponctuellement.
En définitive, si les liens entre collectivités et citoyens influent sur le projet, on ne peut conclure à une généralité en termes de rapidité de mise en œuvre ou de taille du projet, chaque territoire possédant un ensemble de spécificités qui lui est propre. Des configurations locales analogues connaissent des développements disparates tandis qu’émergent également aussi sur les territoires des structures qui, sans intervention publique, parviennent à se développer en utilisant majoritairement des toits privés.
Les raisons de cette recherche d'interaction
L’implication des collectivités locales n’est pas, en soi, déterminante pour la réalisation des projets d’énergie citoyenne. Elle peut même comporter certains risques (changement d’orientation par modification du conseil municipal par exemple). Pourtant, la plupart des per- sonnes interviewées estiment la présence des collectivités territoriales locales importante et parfois indispensable au sein du projet.
Si leur implication en termes de conseils techniques, de mise à disposition de salles ou de toitures, d’apport du capital, peut constituer une ressource précieuse pour les structures, les raisons qui poussent les citoyens à rechercher leur participation dépassent ces raisons techniques et financières. Les personnes enquêtées évoquent moins ces aspects que la légitimité et la crédibilité que les collectivités leur apporter. Cette légitimité peut être effective auprès d’autres collectivités (confiance par contiguïté) et des banques (financement).
Plus généralement, le travail de recherche montre que pour certains citoyens, la production d’énergie solaire n’est pas un projet technique de production d’énergie mais plutôt un projet politique à part entière qui intéresse le collectif dans son ensemble. En tant que tel, le projet doit être construit avec l’ensemble des parties prenantes et via un partenariat entre les différents acteurs locaux et citoyens. Les faibles dividendes pour les actionnaires et les rémunérations symboliques des bail- leurs de toits, voire parfois leur inexistence, relativisent l’idée d’un engagement fondé sur l’intérêt pécuniaire.
Côté collectivités, la nature de l’implication est également multiple, allant du simple appui bienveillant à l’intégration du projet dans une vision plus politique de ce qui fait sens territorialement. Outre l’intérêt pédagogique et de sensibilisation de l’installation de panneaux photovoltaïque sur les toits (publics ou privés), la forte implication de collectivités dans le projet relève d’une vision où la participation citoyenne constitue un objectif en soi.
Dans le cadre des territoires TEPOS, la volonté d’accompagner le montage et le développement des sociétés citoyennes répond aussi à la volonté d’associer les citoyens plus spécifiquement à la réalisation des objectifs de la transition énergétique. En plus de l’intérêt philosophique, ces démarches permettent d’avoir des ressources plus importantes, les sociétés citoyennes ayant un accès plus simple aux toitures privées autant qu’elles peuvent lever des fonds susceptibles de financer les installations. Enfin, les compétences techniques requises pour ce type de projets permettent de devenir un relais non négligeable pour le territoire.
Souvent similaires en termes de statuts juridiques et d’accès aux subventions régionales, les projets d’énergie citoyenne se distinguent par leur organisation interne et leur fonctionnement quotidien. Si l’implication des collectivités locales est susceptible d’influencer de façon importante leur développement, elle n’est pas non plus déterminante, l’intérêt de leurs implications allant généralement au-delà d’une simple vision technique et pécuniaire. Le montage et le déroulement de chaque projet prennent ainsi des formes différentes sur les territoires, ceux-ci évoluant à la fois par la composante citoyenne et la composante publique.
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