Engagement

« Dans un monde fini, les plus radicaux ne sont pas ceux que l'on croit. »

Tribune Fonda N°260 - Engagement radical, engagement total ? - Décembre 2023
Fabrice Bonnifet
Fabrice Bonnifet
Alors que de plus en plus de salariés s’interrogent sur leurs possibilités d’action face à l’urgence climatique et la préservation de la biodiversité, la question de la radicalité ne s’arrête pas aux portes des bureaux. Président du Collège des directeurs du développement durable (C3D), Fabrice Bonnifet revendique un nécessaire « changement de paradigme » dans un monde fini. En effet, l’extrême radicalité n’est-elle pas du côté de ceux qui menacent les conditions d’habitabilité de la Terre ?
« Dans un monde fini, les plus radicaux ne sont pas ceux que l'on croit. »
Mine de charbon à Estercuel, en Espagne. © Jennifer Woodard Maderazo

Être radical en réponse à un transition écologique fallacieuse

Alors que les stigmates de l’effondrement des écosystèmes se font de plus en plus évidents, l’attention publique est régulièrement happée par des débats éthiques autour d’actions « coup de poing » de militants écologistes présentés comme des radicaux extrémistes. 

Mais qu’est-ce que la radicalité écologiste, au fond ? Le terme fait état d’une posture originale, qui se place en rupture avec le principe fallacieux d’une transition écologique maintenant le statu quo et soutenue par une fuite en avant techno solutionniste. 

Dans ce cas, la responsabilité sociétale des entreprises (RSE) peut être qualifiée de radicale, en ce qu’elle porte un projet de transformation sociétale en profondeur. 

La responsabilité sociétale des entreprises (RSE) peut être qualifiée de radicale.

Dans un monde fini, l’extrême radicalité n’est-elle pas plutôt du côté de ceux qui veulent perpétuer des modèles d’affaires dont on sait, par la science, qu’ils menacent les conditions d’habitabilité de la Terre ? 

Bouleversons le système établi

Sur les moyens et les modes d’action, il ne fait aucun doute que les lanceurs d’alerte, les scientifiques et même, dans une certaine mesure, les directeurs RSE participent à un bouleversement profond du système établi qui ne peut que difficilement se faire dans le consensus.

Qualifier d’écoterroristes des cris de désespoir, des méthodes spectaculaires mais non violentes, permet d’éluder les causes primaires de l’anxiété de ceux qui y ont recours. Rappelons que les « casseurs » s’infiltrant parfois dans les manifestations, ne sont en aucun cas représentatifs de la grande majorité des participants. 

Revenons-en aux faits : la radicalité, si mal vue aujourd’hui, ne désigne ni plus ni moins qu’un retour aux racines, aux causes originelles, dans son étymologie latine (radix). Être radical, c’est analyser une situation donnée à partir des fondements de notre société en proposant un changement de paradigme. 

De la radicalité en entreprise

Même en entreprise aujourd’hui, dire la vérité de la science peut se révéler périlleux. L’urgence climatique et la préservation de la biodiversité sont pourtant le plus grand défi que nous ayons eu à relever en tant que société humaine. 

Les salariés sont de plus en plus animés par un engagement écologique grandissant qui dicte leurs choix de carrière. Les dirigeants, quant à eux, se retrouvent face à des injonctions contradictoires et des dissonances cognitives qui paralysent leurs décisions. 

Nous n’avons pas d’autres choix que de changer « radicalement » notre façon de faire société, en opposition à l’aveuglement radical et mortifère de ceux qui ne veulent rien changer.

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