Un projet citoyen pour offrir une alternative d’habitat aux retraités ruraux.
Habitats des possibles est une association girondine, apparue en 2016, sous l’impulsion de huit citoyen.nes aux horizons complémentaires (l’économie sociale et solidaire, le travail social et le BTP Habitat). Ils s’aperçoivent en effet que les retraité.es vivant dans des territoires ruraux et voulant y rester n’ont que deux options d’habitat à leur disposition : le maintien dans leur domicile individuel ou l’entrée dans une institution. Or, s’ils ont envie de rester dans leur commune, où ils ont leurs attaches sociales, leur logement n’est pas forcément adapté à leurs besoins actuels et futurs et ils y sont exposés à la solitude. Convaincus par la nécessité d’agir pour proposer une solution alternative, les fondatrices et fondateurs de l’association ont rencontré pendant huit mois des acteurs locaux concernés - retraité.es, élu.es de proximité, services de proximité à la personne et financeur.ses - pour comprendre leurs besoins et leurs attentes. De ces échanges apparaît un projet original : la création d’habitats partagés et implantés dans des communes rurales.
Des habitats partagés dans des territoires ruraux.
L’objectif est de construire des « grandes maisons à taille humaine », précise Florence Delisle-Errard, fondatrice de l’association, permettant d’allier la convivialité – avec des espaces partagés, dont une cuisine, un grand salon, une buanderie… - et la vie en autonomie – avec huit à dix appartements indépendants de la taille d’un studio, voire d’un T1 bis. Ces habitats sont performants d’un point de vue énergétique et adaptés au vieillissement car ergonomiques et accessibles économiquement à tous.
Les futurs habitant.es sont au cœur du projet : ils et elles participent à l’élaboration du cahier des charges, donnent leurs avis sur les esquisses et la définition des plans, et choisissent les finitions (peintures, sols, murs, luminaires…).
Pendant tout ce processus, l’équipe salariée et bénévole d’Habitats des possibles se mobilise pour faciliter la bonne réalisation de l’habitat partagé. Elle cherche les financements, s’occupe des modalités juridiques et travaille, main dans la main, avec les différentes parties prenantes : la commune (souvent à la maîtrise d’ouvrage), les partenaires techniques et les financeurs. La construction d’un habitat partagé s’inscrit dans le temps long. Il faut en moyenne trois à cinq années avant qu’il ne sorte de terre et soit pleinement opérationnel.
Une fois l’ouvrage terminé, l’association en assure la gestion locative. Elle accompagne également les habitant.es dans la mise en œuvre de leur projet commun et dans les difficultés qu’ils et elles peuvent rencontrer dans leur vieillissement.
Des habitats partagés en cours de construction.
La commune de Lestiac-sur-Garonne s’est portée volontaire en 2017 pour être le projet-pilote. Après quatre années de montage participatif avec les habitant.es, la première pierre a été posée récemment, le 22 février 2021, avec une ouverture prévue dans un an. En parallèle, trois études d’opportunité ont été menées en 2018 sur des communes girondines. Celle de Castillon-la-Bataille est concluante et va entrer en phase opérationnelle.
L’implication régulière des retraité.es dans cette démarche participative a d’ores-et-déjà des répercussions possibles pour eux, souligne Florence Delisle-Errard. Ils gagnent en confiance, créent de nouvelles amitiés et renforcent leur pouvoir d’agir.
A l’initiative de cette démarche innovante, Habitats des possibles souhaite capitaliser sur les principaux enseignements tirés de ces premières expériences, afin de faciliter le passage à l’action pour d’autres porteurs de projet du réseau HAPA (réseau de l’habitat partagé et accompagné). Parmi les autres projets à venir, une nouvelle étude d’opportunité va être menée en Gironde au cours de l’année. Enfin, Habitats des possibles va accompagner de nouveaux territoires ruraux, dont celui du Lot-et-Garonne.
La culture coopérative comme fondation des habitats partagés.
Habitats des possibles fédère une communauté d’acteurs complémentaires partageant la volonté de créer des habitats partagés avec et pour les retraité.es vivant dans des territoires ruraux. Voici en quelques mots comment chaque acteur est amené à s’impliquer :
- Les habitant.es. Ce sont souvent des femmes seules, qui ont entre 65 et 85 ans, vivant avec des petites retraites (entre 900 et 1 500 euros en moyenne) et souhaitant rester dans leur commune de cœur. Des ateliers mensuels sont organisés par Habitats des possibles pour leur permettre de faire remonter leurs besoins et leurs attentes en matière architecturale et en matière sociale, de s’approprier le projet d’habitat et de tisser des liens de confiance entre elles et eux.
- Les communes. L’intégralité des élu.es des conseils municipaux concernés s’impliquent dans la démarche. Avec l’équipe d’Habitats des possibles, ils assurent ensemble le pilotage technique et communicationnel de l’habitat partagé.
- Les acteurs ressources du territoire (acteurs du service à la personne, centres communaux d’action sociale, clubs séniors…). Ils identifient les habitants potentiellement intéressés par la démarche, puis prennent part aux ateliers participatifs pour déterminer le cahier des charges.
- Les partenaires techniques, dont des artisans, effectuent les travaux.
- Les partenaires financiers, dont la Région Nouvelle Aquitaine, le Département de la Gironde, la CARSAT, la Fondation Macif, l’Agirc Arrco et la MSA Gironde.
- Habitats des possibles. L’équipe, composée de salariées et de bénévoles, constitue la clé de voûte de cet édifice : elle initie les études d’opportunités avec les communes rurales, identifie avec les acteurs ressources du territoire les habitants potentiellement intéressés par la démarche, anime les ateliers participatifs mensuels de façon horizontale avec les retraités, trouve les financements et assure la gestion opérationnelle.
Une communication permanente facteur d’engagement de tous.
Une communication régulière et égale est essentielle, selon Florence Delisle-Errard, pour impliquer dans la durée toute la communauté d’acteurs prenant part au projet. Concrètement, cela se traduit par l’organisation d’échanges en bilatéral avec les partenaires, de moments fédérateurs au travers d’ateliers participatifs, d’événements sur le terrain ou de comités de pilotage. Les outils numériques (réseaux sociaux et newsletter) sont également utilisés pour diffuser les informations clés.
Des conseils pour « faire ensemble ».
Pour créer une dynamique coopérative, il est essentiel de reconnaître et de valoriser le rôle, ainsi que la légitimité de toutes les parties prenantes, et tout particulièrement des habitant.es. Pour les habitant.es cela passe d’abord par la qualité de la posture de l’équipe Habitats des possibles. La posture « basse » mise en œuvre ne met pas le sujet du lieu de vie et celui du vieillissement à distance. Elle permet aux participant.es d’être accueillis dans leur diversité et de dépasser par eux-mêmes leurs freins. La qualité de l’accompagnement repose aussi sur une vigilance sémantique : le choix de termes accessibles et compréhensibles pour toutes et tous permet la continuité de la compréhension et donc de l’implication. La traduction de l’expression des besoins en langage technique se fait de façon ultérieure dans la communication avec les professionnel.les du bâtiment. Lorsque les deux univers sont amenés à se rencontrer, par exemple lors de la présentation des esquisses aux habitant.es, Habitats des possibles assure l’interface.
Et cela fonctionne, insiste Florence Delisle-Errard. Des retraitées ont, par exemple, osé prendre la parole lors de la pose de la première pierre de l’habitat partagé de Lestiac-sur-Garonne, devant de nombreux élu.es, alors que certaines étaient extrêmement timides lors des premiers ateliers.
Un projet de l’envergure d’un habitat partagé se construit sur le temps long. Pour favoriser l’implication de toutes et tous dans la durée, il est important d’instituer des rendez-vous institutionnalisés (tels que les ateliers participatifs mensuels), de célébrer régulièrement les victoires (comme la pose de la première pierre), d’organiser des moments conviviaux (à l’image du Banquet des possibles) et de se rappeler collectivement la raison d’être de son engagement.
Habitats des possibles œuvre finalement pour différents possibles : permettre à des retraité.es ruraux de rester à domicile dans leur territoire, innover avec de nouvelles formes d’habitat qui prennent autant en compte la question de l’entraide que celle de la tranquillité, revitaliser des territoires différents. C’est une aventure entrepreneuriale mais aussi humaine pour toutes les parties prenantes qui s’impliquent !