Le déploiement d’une économie alternative avec l’économie solidaire
L’économie solidaire est apparue dans les années 1970, face à la montée des exclusions et du chômage de masse pour proposer des initiatives pour une économie alternative. Ses promoteurs disent même qu’elle est le prolongement ou la résurgence des pratiques associationnistes de la première moitié du XIXème siècle. Il y était en effet déjà question de s’associer entre individus au sein d’organisations pour lutter contre le début de délitement social que provoquait déjà l’industrialisation.
Concrètement, l'économie solidaire se traduit de diverses manières d’un point de vue économique avec l’apparition de l’insertion par l’activité économique, la finance solidaire ou bien encore le commerce équitable. Toutes ces démarches contribuent à la construction d’une économie alternative marquée par une citoyenneté économique.
Les acteurs de cette nouvelle économie se fédèrent avec la création du Réseau d’Economie Alternative et Solidaire (REAS) en 1991, suivie par celle de l’Inter réseau d’économie solidaire (IRES) en 1997. C'est en 2002 qu’est né le Mouvement pour l’économie solidaire (MES), une association inter-réseaux, qui promeut et soutient le développement de cette économie alternative en mettant en lumière les initiatives économiques solidaires.
Le Mouvement pour l'économie solidaire comprend six réseaux régionaux agissant pour le développement et l’animation territoriale ainsi qu’une dizaine de réseaux nationaux thématisés par filières économiques comme, par exemple, la culture (UFISC), l’alimentation avec (MIR AMAP) ou bien encore le commerce équitable (la fédération d’artisans du monde), etc.
Le fonctionnement du Mouvement pour l’économie solidaire repose sur l’implication et la coopération de ses membres, véritables militants au quotidien. L’animation inter-réseaux est également rendue possible par l’activité de deux salariés.
La nécessité de se reconnecter entre les membres du Mouvement pour l’économie solidaire
C’est lors d’un séminaire interne à la fin de l’année 2018 que les participants du Mouvement pour l’économie solidaire ont décidé de renforcer la cohésion du groupe. S’y est fait jour la nécessité de travailler sur la dimension collective pour permettre aux membres de recréer des liens de confiance entre eux, tout en partageant les retours d’expérience sur les initiatives de l’économie solidaire au sein du réseau. Le lancement d’une recherche-action a été identifiée comme le bon moyen pour y parvenir. D’ailleurs, un enjeu phare, souligne Alice Oechsner de Coninck, coordinatrice de la recherche-action, est de partager les pratiques et de les mutualiser entre les structures-membres.
La recherche-action « l’innovation sociale au service du développement économique des territoires vers la transition écologique et solidaire » mobilise les membres de l’inter-réseau ainsi que trois chercheurs au collège d’études mondiales (Fondation de la Maison des Sciences de l’Homme) avec Jean-Louis Laville, Marie-Catherine Henry et Laurent Fraisse. Elle bénéficie du soutien du Fonjep, de la Fondation Crédit Coopératif et de la Fondation Léopold Mayer (Fondation pour le Progrès de l’Homme).
L'objectif de cette recherche-action est triple : documenter des initiatives d’animation et de coopération territoriales, capitaliser les enseignements tirés de ces observations et enfin construire des méthodologies utilisables à l’avenir. Plus globalement, elle vise à renforcer les liens entre les structures membres du Mouvement pour l’économie solidaire.
Une approche itinérante et apprenante
Le principe est simple, explique Alice Oechsner de Coninck, la communauté du Mouvement pour l’économie solidaire se déplace chez ses membres dans le cadre de visites apprenantes. Trois ont déjà été réalisées et deux sont à venir. Coconstruites par l’équipe opérationnelle du Mouvement pour l’économie solidaire et la structure qui accueille, ces visites apprenantes partagent, dans les grandes lignes, un déroulé similaire.
Le premier jour est consacré à la découverte de l’acteur concerné. C'est l’occasion pour ce dernier de présenter sa structure, ses forces vives, son fonctionnement, sa gouvernance, son modèle socio-économique, mais aussi ses perspectives. Ce moment permet de tisser des liens forts entre les membres. Alice Oechsner de Coninck en veut pour preuve le fait que les salariés et les bénévoles de la structure se sentent suffisamment en confiance pour partager à la fin de la journée les difficultés rencontrées. Lors du deuxième jour, la structure qui ouvre ses portes propose de s’intéresser à un projet en particulier. Les participants identifient ainsi les dynamiques et les interactions avec l’écosystème local au travers de cet exemple. Tout ce travail collectif permet de vérifier l’adéquation entre les souhaits exprimés par la structure et la réalité, et ensemble, réfléchir à des solutions.
Des conseils pour coopérer d'Alice Oechsner de Coninck
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Des séminaires de partage rythment la communauté apprenante, ainsi née au sein du Mouvement pour l’économie solidaire. Les chercheurs partagent leur travail d’analyse des pratiques des différents membres. Ils identifient les ressemblances, mais aussi les divergences. Cette approche réflexive sur les initiatives en elles-mêmes et la façon dont elles sont menées permet également de travailler ce qui rassemble les membres. Autrement dit, c’est l’occasion d’élaborer un « commun partagé » au sein du Mouvement pour l’économie solidaire sur des thématiques clés comme la coopération territoriale, l’animation territoriale et l’accompagnement. Trois séminaires ont d’ores et déjà été organisés pour favoriser cet échange de pratiques.
Outre cela, deux livrables sont en cours de co-construction par les membres de la communauté et l’équipe de chercheurs : des fiches pratiques (en format papier) et un centre de ressources sous forme de wiki en ligne. Par exemple, les membres peuvent trouver un échange de pratiques sur le bail commercial d’utilité sociale avec l’exemple de la Voisinerie de Wazennes.
La coopération dans l'ADN du Mouvement pour l'économie solidaire
La coopération s’inscrit dans l’histoire du Mouvement pour l’économie solidaire, et s’illustre dans le cadre de la recherche-action. Ce mode d’action permet de renforcer la richesse des échanges au sein de la communauté. Elle se manifeste notamment par une validation collective pour trouver les dates des visites apprenantes et des séminaires de partage, mais aussi par une co-construction de ces moments collectifs. Toutefois, elle n’est pas toujours aisée. Les contraintes d’agenda ou bien encore le turn-over au sein de certaines structures rendent compliquée la coopération dans la durée.
Alors que cette phase 1 de la recherche-action a d’ores et déjà permis de renforcer l’interconnaissance entre les membres tout en favorisant des échanges de pratiques, la phase 2 va, quant à elle, se structurer autour de l’accompagnement collectif de territoires volontaires. Les candidats peuvent se manifester auprès d’Alice Oechsner.