Associations et démocratie Enjeux sociétaux

Les Tables de quartier : espaces citoyens à l’échelle du quartier

Tribune Fonda N°232 - Démocratie contributive : une renaissance citoyenne - Décembre 2016
Jérémy Louis
Jérémy Louis
Présentation des expérimentation des tables de quartiers et des outils permettant de démultiplier cette démarche de concertation qui part du vécu, des ressources, des colères et des envies d’agir des habitants du quartier.
Les Tables de quartier : espaces citoyens à l’échelle du quartier

Cet article est une contribution de la version numérique enrichie de la Tribune Fonda n°232. Il ne figure pas dans la revue papier.

 

Les Tables de quartier sont des espaces citoyens, qui réunissent associations et/ou habitants mobilisés à l’échelle du quartier. Leur but est de mener des actions collectives permettant l’amélioration des conditions de vie dans le quartier, à partir d’enjeux, préoccupations et envies d’agir soulevés par les habitants. Il peut s’agir de solutions construites par les habitants eux-mêmes, ou de démarches d’interpellation.

Cette expérimentation est issue du rapport intitulé « Pour une réforme radicale de la politique de de la ville », remis par Marie-Hélène Bacqué et Mohammed Mechmache au ministre délégué chargé de la ville en juillet 2013. Celui-ci propose notamment que la Politique de la Ville ait pour rôle de « soutenir la création d'espaces citoyens et les reconnaître » (p32). Pour illustrer son propos, il propose la mise en place de « Tables de concertation », prenant en exemple une modalité d'organisation et de participation de la société civile à Montréal existant depuis les années 1960 : les Tables de quartier.

Il s'agit, selon le rapport, de réunir les associations et collectifs dans un quartier, dans le but de mener des actions communes et ainsi « contribuer à la vie démocratique » (ibid.). La Fédération des Centres sociaux et socioculturels de France, à travers son délégué général, prend l'initiative de mettre en place cette recommandation ; douze Tables expérimentales sont lancées en Mars 2014, en partenariat avec les auteurs du rapport. L'expérimentation est menée durant trois ans, jusqu'en Mars 2017.

12 tables ont été lancées, dans des quartiers populaires de différentes villes de France. Elles sont portées pour moitié par des centres sociaux, et pour moitié par d’autres associations de quartier.

Ces Tables ne sont pas à proprement parler des dispositifs de participation : autonomes des pouvoirs publics, elles n’existent que par la mobilisation qu’elles parviennent à susciter. Ce sont les habitants, et non les structures porteuses, qui décident des sujets à traiter, des objectifs à poursuivre; ce sont eux qui mènent les actions. Un dispositif de coordination et de suivi de cette expérimentation existe, porté par la FCSF. Les informations sur l'expérimentation et ses actualités sont consultables sur le site de l'expérimentation et sur sa page facebook.

Depuis le lancement de l'expérimentation des Tables de quartier, la coordination « Pas Sans Nous », partenaire de la dynamique, promeut les Tables de quartier à travers la France. Dans un contexte où la « participation » et le « pouvoir d'agir » sont les leitmotiv des institutions, et tout particulièrement de la Politique de la Ville, les Tables de quartier sont défendues comme un moyen d'agir sur son quartier de manière autonome.

Ce sont des espaces à côté des offres institutionnelles de participation, comme les conseils citoyens. Elles peuvent nourrir ces derniers de leurs réflexions, des enjeux qu'elles dégagent, de leur travail de mobilisation de la population ; elles ont également leur existence propre : elles privilégient la prise de parole et de pouvoir des habitants des quartiers populaires, et de développement de nouvelles formes de citoyenneté et de solidarité. En ce sens elles correspondent à la dynamique voulue par la coordination « Pas Sans Nous ».

Plusieurs Tables de Quartier ont émergé avec le soutien de la coordination : à Paris, Marseille, Angers, ou encore Autun. Des dynamiques se lancent, et entrent en contact avec la coordination. Aujourd'hui, grâce au travail conjoint des coordinateurs de l'expérimentation et des « Pas Sans Nous », le nombre de Tables de Quartier a doublé, atteignant environ le chiffre de 25 dynamiques dans toute la France.


Description d’une Table de Quartier


Pour être un espace citoyen de débats et d’actions, la Table développe une démarche de concertation qui part du vécu, des ressources, des colères et des envies d’agir des habitants du quartier. Son objectif premier est de mettre en lumière les intérêts communs des personnes mobilisées, pour construire, avec elles, des projets collectifs à même de répondre aux enjeux.

Ce mouvement ascendant met la parole des habitants et leur expertise au cœur même de la démarche. Ils en sont les premiers décideurs et les premiers acteurs. Une Table de quartier articule ainsi plusieurs dimensions d'accompagnement de la mobilisation collective : elle dresse un état des lieux des enjeux actuels et prioritaires du quartier (« portrait de quartier ») par la mobilisation des habitants et acteurs du quartier.

Elle accompagne ces derniers à l'élaboration de projets et de propositions concrètes ; enfin, elle participe à la négociation avec les pouvoirs publics et institutions de son territoire pour faire avancer ses projets.

La Table de quartier se positionne ainsi dans une logique constructive et réactive; en « mode propositions », ce qui contribue à constituer sa légitimité. La composition, le fonctionnement, les méthodes de mobilisation et d’animation utilisés sont donc fondamentaux pour que la démarche soit réellement ascendante.

Une Table de quartier est un espace autonome pour l’action citoyenne, et non une instance de concertation dont l’initiative serait prise par les pouvoirs publics. Elle ne remplace pas les concertations menées par les pouvoirs publics. Elle fixe elle-même ses priorités.


Mobilisations et actions des Tables de quartier


Les Tables de quartier attachent une grande importance à mobiliser largement, afin de pouvoir faire entendre les voix des habitants dans leur diversité.

C'est dans ce sens qu'elles font appel à divers outils de mobilisation : si des méthodes classiques sont employées, comme le porte-à-porte, ou encore la diffusion de tracts et l'affichage dans l'espace public d'informations sur les diverses réunions, les animateurs et animatrices des Tables de quartier ont saisi l'importance de rendre ludiques et conviviaux les moments de discussions et d'échanges.

En faisant appel à des méthodes issues de l'éducation populaire comme les porteurs de parole, en s'associant, voire en relançant, des espaces de convivialité dans le quartier, telles que des fêtes de voisins, des fêtes de quartier, elles touchent plus de monde ; aujourd'hui, si chaque Table mobilise des dizaines de personnes à chaque réunion, ce sont plusieurs centaines de personnes qu'elles parviennent à toucher à travers ces moments de mobilisation – autant d'avis, d'enjeux soulevés, et de nouvelles énergies pour mener à bien des projets d'action collective dans le quartier.

Kit élaboré par les douze sites de l'expérimentation "Tables de quartiers" de la Fédération des Centres sociaux et socioculturels de France (FCSF)


Chaque Table de quartier décide de ses propres priorités.

Après avoir travaillé, lors des premiers temps d'existence de la Table, à construire ces priorités, elles se structurent autour de thématiques qu'elles jugent prioritaires, ici le renouvellement urbain, là la propreté de l'espace public, ou ailleurs l'éducation. De ces thématiques émergent des actions collectives.

À Roubaix, une Table a permis de valoriser la parole des habitants dans le projet de rénovation urbaine, allant jusqu'à permettre d'y inclure un projet de relogement des habitants touchés par ce projet, non prévu à l'origine ; à Marseille, une autre a organisé des journées de ramassage de déchets tandis qu'elle multiplie les contacts avec les services techniques de la mairie pour résoudre cet enjeu de la propreté ; tandis qu'à Nîmes, c'est la création de jardins partagés en pied d'immeuble qui est aujourd'hui la priorité fixée par les habitants mobilisés. Ces exemples, parmi tant d'autres, sont autant de témoins des enjeux de mobilisation dans les quartiers populaires que parviennent à soulever, et à travailler collectivement, les personnes mobilisées sur les Tables de quartier.

Cas pratiques et initiatives
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